Pour son retour cyclique à l’essai documentaire, Denis Côté (Bestiaire, Boris sans Béatrice, Vic + Flo ont vu un ours, Curling) s’est cette fois intéressé à l’univers intrigant et exigeant des culturistes avec Ta peau si lisse, présenté en première québécoise au Festival du nouveau cinéma. Refusant tout jugement sur une pratique rejetée par beaucoup comme vide ou superficielle, le célébré cinéaste cherche plutôt à porter un regard oblique sur un univers exigeant dévotion et discipline. Entretien avec un de nos plus importants cinéastes.
Julien Bouthillier : Si ça ne te dérange pas, on va commencer par les questions plates. Ta peau si lisse : rapidement, comment ça a vu le jour, comment as-tu pris contact avec les culturistes, qu’est-ce qui t’a attiré vers ce milieu-là?
Denis Côté : Je sortais d’un plus gros film, Boris sans Béatrice, qui a peut-être pas eu le succès que j’imaginais et, souvent, après ces gros films-là, j’essaie de réagir… Je veux pas dire en me vengeant contre l’industrie, mais en partant avec deux ou trois amis et en essayant d’aller expérimenter quelque chose en totale liberté. SI t’as suivi la filmographie, après Curling j’ai fait Bestiaire, après Vic et Flo j’ai fait Que ta joie demeure. C’est tout le temps une espèce d’alternance entre ambitieux/moins ambitieux, gros budget/plus petit budget… C’est là que je me retrouve le plus libre.
Il y a un gars que je suis depuis une vingtaine d’années qui est dans le film, il s’appelle Benoît Lapierre, il joue le kinésiologue spirituel. C’est un gars ben excentrique, je voulais faire tout un film sur lui et il avait peur un peu de ça. Un jour j’ai commencé à regarder son Facebook et j’ai remarqué qu’il avait quelque chose comme 3000 amis bodybuilder ou presque. Tu peux imaginer c’est quoi la photo de profil d’un bodybuilder : c’était juste des gars en chest partout. C’est un vieux sujet, mais ça restait une communauté que je pouvais aller visiter avec mon regard personnel. Alors j’ai commencé un casting. J’en ai pris peut-être une quinzaine en rendez-vous et c’était assez drôle et excentrique… mais tranquillement toutes mes espèces de préjugés, les jokes que je voulais faire sur eux autres, ça tombait assez vite quand j’écoutais leur histoire de vie. Je me disais : « on va arrêter de rire d’eux autres, on va faire un film qui les respecte, qui les protège ». C’est un vieux sujet, essayons avec un peu de prétention d’avoir un regard un peu oblique sur tout ça et ça donne l’espèce de concoction qu’est le film.
JB : Ce que je pensais, justement, en le voyant, c’est qu’il y a déjà en effet pas mal de film sur le sujet, tu penses à Pumping Iron ou même au Québec à des films comme Louis Cyr ou La Lutte, mais on sent comme une volonté de se détacher de ça.
DC : J’ai été critique pendant 10-15 ans. Je suis resté assez cinéphile et je suis comme allergique à tout ce qui a été déjà fait. Chaque fois que je tourne une scène, j’ai tellement peur de répéter des choses qu’on a déjà vues… C’est assez excitant d’avoir un vieux sujet entre les mains et essayer d’avoir un regard neuf. Donc oui, je connaissais Pumping Iron. Oui, j’ai regardé plein de nouveaux films européens sur le bodybuilding et je me suis dit « Comment je vais me sortir du film ordinaire sur le bodybuilding? » Et là je me suis dit que ce sujet-là a comme un cœur. Le cœur du culturisme, c’est quoi? Les compétitions, les biceps, les drogues qu’ils prennent, les entrevues dans lesquelles ils nous disent : « Moi je suis devenu bodybuilder parce que, plus jeune, j’étais intimidé à l’école ». Pour moi c’est les lieux communs du film de bodybuilding, le cœur du sujet. Alors j’ai dit à ma petite équipe et mon monteur surtout : « Je suis allé tourner des choses qui sont en lointaines périphéries du sujet et je veux que ce soit un film au complet sur la périphérie ».
Alors c’est quoi la périphérie? C’est regarder un bodybuilder qui fait la vaisselle. Regarder un bodybuilder qui dort. Regarder un bodybuilder qui est en train de manger en famille. C’est toute des choses assez lointaine, c’est assez satellite. Mais toi en tant que spectateur tu penses toujours au cœur du sujet même sans le voir. Alors je me suis évité la compétition avec un champion à la fin, je me suis évité les entrevues. J’essaie d’avoir un regard neuf sur le sujet et comme je suis obsédé par le langage, je me suis dit que j’allais faire un documentaire qui est un mélange de staging et de réalité. Tranquillement, on va tordre le fil et offrir au film un dernier chapitre qui est complètement fiction. Alors je me suis imaginé la partie de campagne. Tu sais, c’est gars-là ils ont juste un ami, pis un ennemi, et c’est eux autres mêmes. Ils ont aucun sens de la communauté. Quand tu leur parles, ils s’en foutent des autres bodybuilders. Ils sont un petit peu compétitif, mais pas tant que ça. Ils se battent juste contre eux autres mêmes et ils sont très fermés sur eux autres. Et je me suis dit : « la fin du film ça va être un truc communautaire, je vais leur créer une communauté. ¨Ça va être six petits gars qui vont s’amuser à la campagne, on va essayer de tirer ça vers quelque chose d’un peu ludique et poétique ». C’est pour ça que le film se transforme de fiction à documentaire comme ça. J’aime pas le mot documentaire parce que le film est tout transformé et manipulé, stagé. Mais, au final, j’espère qu’on va voir la réalité de ces gars-là parce que c’est basé sur les entrevues que j’ai faites avec eux.

JB : Quand on pense aux bodybuilders, on pense à des gens dont la carrière est souvent basée sur une image qu’ils se sont créés. Je pense par exemple au lutteur qui a son espèce d’image de gars though et méchant. Est-ce que t’avais l’impression , quand tu filmais ces gens-là, qu’ ils continuaient à projeter dans leur vie privée une image d’eux-mêmes qui rentrait dans le moule de tes attentes, crois-tu qu’ils jouaient encore des personnages, malgré eux?
DC : Ça, c’est assez intéressant. C’est pas des gars qui aiment ça avoir l’air though tant que ça, c’est assez surprenant. Extrêmement sensibles, extrêmement timides… Ils sont pas super bien dans leur peau. Ils ont un complexe d’infériorité qu’ils ont vécu toute leur vie et ils ont transformé ça en complexe de supériorité. Alors au final il reste juste de la vulnérabilité. C’est pas des though, jamais. Ça, je m’en suis aperçu. La majorité de ces gars-là était pas capable de me regarder dans les yeux. Tu leur poses une question, tu as pas facilement la réponse. Je savais que j’avais une boule de vulnérabilité entre les mains. Ça me tentait pas de les montrer comme des gros though à l’écran. Alors vite le titre s’est imposé : Ta peau si lisse. Pis j’ai dit, je vais jouer sur le film gentil avec ces faux though là. C’est juste des jeux d’énergie que je faisais avec eux autres. Alors, des fois, ils m’appelaient pis ils voulaient savoir s’ils allaient avoir l’air though dans le film. Ils me demandaient si ce serait en noir et blanc, si j’allais mettre de la grosse musique techno, de la sueur, si j’allais les filmer dans les gyms. Et je leur disais tout le temps : « Non! On va montrer autre chose. Je vais te montrer dans ta cuisine en train de te faire une toast, t’es-tu correct avec ça? » Pis tranquillement ça a commencé à leur plaire. Ils ont un côté très soft, ils ont dit : « Je suis bien content que tu montres le côté humain de ma personne, je suis tanné de faire rire de moi par tout le monde et, toi, ton film va nous montrer sous un beau jour ». Plus je leur parlais, plus je les trouvais fragile, et je me suis dit : « il va y avoir aucun freak show dans ce film-là ». Y’a pas une scène où t’as l’impression que je ris d’eux autres. Il y a un peu d’ironie des fois, mais je m’amuse avec eux autres. Tout a été fait pour les protéger et pour que le public arrête de penser que c’est des gros douchebags vides, parce que moi je les trouve très habités et tourmentés. J’espère, quand on va regarder le film, qu’on va avoir un feeling de protecteur. Sous la carapace, il y a quelque chose de vraiment doudou. J’aurais pu faire un film plus méchant et edgy., mais je te mets au défi de les côtoyer plus que 5 minutes, tu vas voir. Ils font pas pitié, mais c’est vraiment du monde fragile.
JB : Les conceptions sur ce milieu- là, c’est que c’est une espèce d’incarnation de la masculinité et de la virilité, mais, en même temps, c’est devenu un peu dépassé comme modèle…
DC : Ils sont anachroniques, en dehors du temps. Un journaliste à Locarno voulait me parler du côté homoérotique du film. Il voulait savoir comment ils peuvent encore croire qu’un homme ça a l’air de ça en 2017? La question est super bonne, je me la pose aussi. Mais j’ai pas envie de faire un film où je questionne ça. Le gars c’est ça son image d’un homme aujourd’hui, pis je le trouve tellement off que je le trouve quasiment romantique. Ils croient aux super-héros ces gars-là. Le lutteur, il a 36 ans et il a une collection de figurines de lutteurs. Il m’a montré sa collection et, à un moment, je lui disais : « tu les gardes pas dans les boîtes? C’est collector, ça pourrait avoir de la valeur… »Et il m’a dit : «Pourquoi je les garderais dans une boîte, comment je vais faire pour jouer avec? ». Quand tu entends ça, tu vas pas faire un film pour questionner leur notion de la virilité. C’est off, c’est comme beau, c’est comme touchant. Et le monde qui trouvent ça ridicule… c’est correct, ils peuvent continuer à trouver ça ridicule et rire des gros douchebags dans les gyms… et y’en a. J’en ai rencontré des gars qui sont vraiment des immenses douchebags. J’avais un gars, c’était un Hell’s Angel qui sortait de prison. Il parlait même pas, il grognait. Il vendait de la dope, il était vraiment sans intérêt. Y’en a d’autres qui sont du matin au soir en train de pomper au gym. Leurs blondes font la même chose et le soir ensemble ils regardent la télé. Y’ont rien. Mais ceux que j’ai trouvés, je les trouve un peu plus nuancés. J’ai fait exprès. Le gars avec la barbe, c’est un spécialiste de musique québécoise, il collectionne les autos anciennes. J’ai fait exprès de prendre un petit jeune de 19 ans. Pour lui c’est juste un hobby, il prend pas de drogue et il vit encore chez ses parents. J’ai pris un lutteur parce que c’est un peu différent et c’est un père de famille. Le chinois, il amène un milieu culturel différent. Le kinésiologue, lui, il est tellement excentrique, je l’ai calmé. Le dernier, celui qui pleure en regardant des vidéos youtube, y’a une histoire de vie complètement folle. Il a grandi dans des centre d’accueil… J’ai pas pris des gars complètement vide.
Je suis resté hyper pudique, je donne rien au public, je reste observateur, distant, je vous laisse décider. J’ai fait la même chose dans Bestiaire. Je veux pas me mouiller, je veux pas faire le citoyen, j’ai pas envie de faire un film d’activiste. C’est pas vraiment un film sur le bodybuilding, c’est un film sur six gars avec une passion. Et y’a tellement de gens qui ont pas de passion dans la vie que, juste regarder ces gars-là et les mettre sur un écran, je trouve ça assez beau. J’ai pas besoin de rien de plus.
JB: On a en effet l’impression que ce n’est pas tant un film sur le bodybuilding que, de un, un film sur les corps et, ensuite, la discipline. Ils ont une vision peut-être naïve, mais il y a un sérieux, il y a des rituels…
DC: C’est vraiment ça. Il y a un rituel. J’aime ça dire les gros mots comme « c’est des gladiateurs des temps modernes ». Quand ils ont commencé à me raconter ce qu’ils font dans une journée… C’est se lever à 4h00 du matin, aller au gym tout seul. Trois de ces gars-là, c’est des gardiens de prison alors, après, ils vont travailler, ils retournent au gym le soir… À un moment donné, il va falloir arrêter de rire d’eux autres. Je suis peut-être pas tombé amoureux d’eux, mais je suis tombé amoureux de leur discipline. Moi, comme cinéaste, je vais pas travailler à l’usine de 9 à 5 tous les jours, mais j’essaye d’avoir une discipline de travail et de vie. Je suis entré en conversation entre ma discipline à moi et leur discipline à eux. Je sais pas quels buts ils essaient d’atteindre. Mais leur discipline et le respect qu’ils ont envers ça, c’était assez pour me donner un moteur créatif. C’est quoi leur idéal de beauté? Ils font une compétition à chaque année et, le reste du temps, ils sont dans une sorte de prison. C’est assez absurde, mais le sérieux et la discipline, c’est juste ça qui m’intéresse. On dirait que, le reste, je veux leur laisser et pas juger ça.

JB : Est-ce que tu trouves que dans cette quête de perfection il y a quelque chose qui se rapproche de ta quête de cinéaste?
DC : On a tous un but. C‘est quoi mon but? Je me le demande moi-même. Je suis pas parti à Hollywood, je fais pas des plus gros films. Ce film là, j’avais 70 000$ de budget. C’est quoi le but de continuer à faire un film comme ça chaque année? Je l’ai pas la réponse. C’est une façon d’être dans le monde, de se réaliser. Eux autres, c’est pareil. J’ai trop de pudeur pour leur demander : « Pourquoi tu as des gros muscles, tu vas vers quoi? Tu sais bien qu’à 40-50 ans tu vas ratatiner, et que ça l’a aucun but ton affaire! » Mais j’y crois à mon parcours et j’ai envie de croire au leur, mais il y a pas de fin au bout et c’est assez étrange et absurde qu’il y en ait pas. Et eux c’est encore plus weird parce qu’ils prennent des drogues qui détruisent leur corps de l’intérieur pour le préserver de l’extérieur. Moi, j’ai une maladie chronique rénale et j’essaie de rester le plus longtemps possible en santé en me couchant de bonne heure et en mangeant comme il faut et je me suis intéressé à des gens qui se détruisent de l’intérieur pour un idéal de beauté. C’est toutes des énergies absurdes qui m’ont intéressées. Et, au bout de ça, il y a plus de cynisme, il y a plus d’ironie, il y a plus de ridicule. Il y a juste… de quoi d’assez beau et d’assez fort.
JB : Une beauté du geste.
DC : C’est dans le moment. C’est Fitzcarraldo : Un gars qui essaie de passer un bateau par-dessus une montagne. Et t’as aucune idée pourquoi. Ces gars-là sortent d’un film de Herzog. Tout est improbable. Il y a quelque chose du geste, du moment. Un autre exemple : dans le film il y a une scène, je la comprends pas encore. Les gars sont dehors en chest avec des carottes et ils vont vers des brebis. Je le sais pas c’est quoi. J’étais au chalet et je me promenais avec le directeur photo et on voit des brebis. Je vois des gars, je vois des animaux, je les vois approcher des brebis. C’est complètement en dehors de leur environnement et je trouve qu’il y a une énergie qui va passer. Alors on l’a tourné. Sur le coup, j’ai trouvé ça complètement ridicule. J’avais un vertige, j’ai regardé ma coproductrice et j’ai dit « Je crois avoir jamais tourné une scène aussi bizarre que ça dans toute ma carrière ». Pis j’ai ramené ça au monteur en lui disant « Tu vas rire ». Il me dit « Bien, c’est pas ridicule. C’est assez beau ». Mais mettons que c’est beau, c’est quoi? On l’a assumé pis j’ai toujours pas trouvé c’est quoi…. Tu as le bodybuilder qui a 100 brebis devant lui et qui se retourne et parle quand même de son chum plus loin : « T’check le gros JF comment y’est gros, on dirait un monstre ». Il dit ça dans la nature devant 100 brebis. Tu vas le mettre devant le plus beau paysage du monde et il va toujours penser à sa passion. C’est un film qui marche seulement par fascination. Ça raconte rien, mais il y a un objet de fascination pendant 90 minutes qui tourne en rond et j’ai la prétention que ça vaut quelque chose.
JB : Il y a un peu de cette ambiguïté dans le plan final aussi qui provoque sans doute déjà pas mal de discussion. Je pense qu’il y a des gens qui voient ça comme quelque chose d’un peu inquiétant, comme de la compétition un peu malsaine… Moi j’y voyais une certaine tendresse.
DC : C’est très ouvert. La vrai fin que j’avais planifiée, les gars se levaient le matin, faisaient un petit ménage, remettaient leur valise dans la vanne et il y avait une freeze frame sur la vanne. On l’avait tourné de même. Mais finalement, au montage, le monteur disait que le plan du gars avec la barbe avait de quoi de paternel. On commence avec le gars avec la barbe, on finit avec lui, c’est lui le plus vieux. Il y a quelque chose de très tendre et paternel. On les laisse au chalet pour la vie, on les laisse vivre là. C’est le fun ce que tu me dis dans ta question : il y a un mélange de tendresse, d’improbable.

JB : Tu as mentionné plus tôt Werner Herzog – ce qui me fait beaucoup plaisir- chez lui c’est les outsiders, les gens en marge, un peu comme dans tes films, des États Nordiques à Ta peau si lisse…
DC : C’est pas des outsiders extrêmes. Herzog va vraiment filmer des utopistes. Des nains sur l’île, Fitzcarraldo, Stroszek, Woyzeck… Colmor dans Carcasse, oui, c’est une sorte d’ermite dans la forêt et je lui crée un genre de personnage plus grand que nature… Mais, si tu grattes un peu, tu trouves un gars ben normal qui vit à Saint-Amable. Curling et Vic et Flo, c’est pas du monde complètement fermé. J’aime bien l’idée que la société existe quand même et qu’il faut vivre par rapport aux lois et aux codes de la société. Juste moi comme cinéaste : j’ai fait 10 films, j’ai fait le tour du monde… et je suis toujours un peu dans le champ gauche. Mais ça me plaît. Je fais partie de l’industrie, mais je suis un peu à côté. Je prends le journal et tu vois que les cinéastes qui ont fait 2-3 films sont déjà sur un piédestal. Pis, moi, je reviens et je suis le gars qui va dans les festivals. Je suis un peu tout seul sur ma planète et je trouve que la majorité de mes projets et de mes personnages ça ressemble à ça aussi.
JB : Des gens isolés, mais qui ont toujours un lien ténu avec la société.
DC : Je suis là, je connais le monde… Mais j’ai mon petit système. Bien le gars de Curling c’est ça. Il inscrit pas sa fille à l’école, mais des fois il rencontre la police et la société. Les filles de Vic et Flo, elles sortent de prison et vont vivre dans la forêt dans un shack, mais la société va venir cogner à la porte. Boris sans Béatrice c’est un gars qui pense qu’il est au-dessus de tout ça, bien des fois la société vient cogner à sa porte aussi. Je pense qu’on refait toujours le même film, le même motif. Les bodybuilder c’est pareil : ils ressemblent à ça eux aussi. C’est cohérent.
JB : Tu les montres dans la société et à la fin tu les montres isolés dans le chalet, sans qu’ils aient à en partir. Je trouve ça assez tendre de finir comme ça.
DC : C’est pas cruel. Ils fitteront jamais. Une journée je suis sur Facebook, il va arriver un événement dont tout le monde parle, quelqu’un qui est mort, tout le monde réagit… Pis mes bodybuilder continuent : ils sont au gym, ils prennent des photos de leur chest…. Ils sont sourds à tout ce qui se passe dans le monde. Ils ont une mono-passion… C’est triste un peu, c’est fascinant en même temps. Ils sont tous refermés dans leur tour de muscles. J’étais avec Ronald, le chinois, à Locarno et il me disait : « C’est plate, y’a personne en shape ici! Y’a personne qui est cut! ». Tout d’un coup, il voit un gars qui était manifestement un bodybuilder. Il l’a suivi des yeux, il pouvait pas le lâcher… Leur connexion est toujours sur le body, les muscles et nous autres, les autres… on est un peu minable, un petit peu des paresseux. On est pas dans leur vie. C’est assez bizarre à observer.
Cette entrevue a été éditée et condensée.
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Ta peau si lisse, réalisé par Denis Côté, était présenté au festival du nouveau cinéma. Le film prendra l’affiche au Québec à l’automne 2017. Vous pouvez lire notre critique du film ici.