La 14e édition du festival Jamais Lu va-t-elle entrainer dans sa foulée le printemps capricieux montréalais ? Point de certitude. À défaut d’assister au renouveau des arbres en dormance, la directrice artistique Marcelle Dubois et son nouveau fidèle compagnon, Justin Laramée – directeur éditorial de la collection Pièces d’Atelier 10 à ses heures perdues –, frappent à nouveau fort et bien pour cette nouvelle cuvée 2015. Autour du thème S’appartenir, plus d’une vingtaine de lectures seront données au Théâtre aux Écuries du 1er au 9 mai prochain.
Polyphonie à l’unisson, annonces harmonieuses et joyeuses ont été au cœur du dévoilement de la programmation du festival qui a eu lieu à la fin du mois de mars. «Incubateur incontournable» de la production théâtrale contemporaine francophone, cherchant toujours la «mise en danger», le Jamais Lu endosse une nouvelle fois son mandat de mise bas d’œuvres théâtrales politiquement positionnées, voire parfois activistes.
Et ainsi, ce n’est pas moins de 240 œuvres qui sont parvenues jusqu’aux mains du comité de sélection, confiera Marcelle Dubois, desquelles ont été sélectionnées notamment Le repeuplement des ressources de Maxime Carbonneau présenté le 3 mai à 20 heures; ou encore, Paillettes de Simon Boulerice présenté le 6 mai à 10 heures.
Fortes de leurs quatorze années d’expérience, la cofondatrice du Théâtre aux Écuries ainsi que toute son équipe articulent cette année leurs festivités littéraires autour du thème de la réappropriation de soi, de sa terre, de son histoire; épaulées par Justin Laramée et une ribambelle d’auteurs et dramaturges dont Olivier Sylvestre ou encore Philippe Ducros. À la question de l’émergence de la ligne éditoriale, Marcelle Dubois expliquera que celle-ci est arrivée en aval de l’ultime sélection, «[en] tirant la ficelle délicate et commune» qui liait toutes les œuvres, intimement.
«Une envie de se rassembler
Au-delà de la rue, par-delà les enclos
Debout en rond dans les squares
[…]
C’est la chaleur du nombre que nous cherchons
Dont nous avons le goût
Qui nous rappelle que nous n’avançons pas seuls
Que nous appartenons
À beaucoup plus qu’à nous» (S’appartenir, en ouverture du dévoilement de la programmation)
Particularité de cette édition: trois générations de créateurs exprimant conjointement leur désir de se côtoyer, de s’associer, de se joindre, de s’apparier pour «s’ancrer dans un ici commun». Un «ici» temporel, géographique, historique, identitaire voire imaginaire ; un «ici» hybride aussi ambitieux que possible et vaste. Ainsi, lors de la soirée d’ouverture du 1er mai – S’appartenir(e) – ce sont huit femmes (Joséphine Bacon, Marjolaine Beauchamp, Véronique Côté, France Daigle, Rébecca Déraspe, Emmanuelle Jimenez, Catherine Léger et Anne-Marie Olivier), «dans un élan jouissif et décomplexé», qui viendront déclamer leurs constatations et leurs interrogations sur la société d’aujourd’hui depuis leur point de vue féminin, mais aussi leur vision d’être humain acadien, québécois ou encore innu.
Autres délices de la programmation: les cartes blanches Soirs de scotch gratuites, démarrant toutes à partir de 22 heures, et mettant en avant et en écho des artistes plébiscités par les auteurs du festival. On retiendra tout particulièrement Carthage-en-Québec d’Elkhana Talbi, le 2 mai, qui construira sous nos yeux une passerelle de souvenirs entre Tunis et Montréal ainsi que Carnets inédits de Naomi Fontaine, le 5 mai, qui fera entendre sa parole forte et jeune d’autochtone romancière.
Festival qui se veut être un trait d’union artistique, libre et intrépide, Jamais Lu prouvera le temps d’une semaine que sa formule marche et séduit (encore). Elle séduit tellement qu’elle sera d’ailleurs transportée outre-Atlantique pour une édition virginale à Paris, à l’automne 2015, dans l’éternel et louable but de «fortifie[r] sa mission de développement et de promotion de la francophonie internationale».
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La 14e édition du festival Jamais Lu présentée du 1er au 9 mai 2015 dans la ville de Montréal.
Article par Irène Raparison. Elle est chroniqueuse et co-animatrice à l’émission radio Tendances Urbaines, sur les ondes de CHOQ.ca. Elle est aussi pigiste culturelle pour le site d’actualités africaines Touki Montréal.