C’est avec le cœur gros que je termine le recueil Tohu-bohu. La lecture des poèmes de Marie-Hélène Racine n’a pas été chose facile ; des larmes aux coins des yeux m’exigeaient de ralentir la cadence, de lire par petits fragments. Personne n’est préparé à lire autant d’animosité, et encore moins à la vivre. Dans ce recueil, les lecteur·rice·s sont entrainé·e·s dans le cycle de la violence, amené·e·s à faire avec le personnage de Marie le décompte qui fera enfin cesser ses souffrances. Nous recevons au même rythme qu’elle les mots, les claques, les coups et les attouchements qui nous font comprendre la nécessité de se réfugier dans l’imaginaire ou dans les substances. Les images sont fortes et bouleversantes.
C’est en octobre dernier que Marie-Hélène Racine publiait son recueil de poésie aux Éditions de la maison en feu. Celui-ci témoigne de l’agressivité et de la douleur. L’écriture atteste des sévices vécus par deux sœurs et leur mère, qui semble incapable de les aimer. Il s’agit d’un recueil qui choque, qui fait mal par son authenticité. Le récit autofictionnel est né du mémoire de maitrise de l’auteur·rice, « Tohu-bohu ; suivi de Reprendre maitrise », déposé à l’UQAM en novembre dernier.
Tohu-bohu est divisé en trois parties qui réfèrent à différentes manifestations de la violence. Il faut être préparé à la brutalité excessive qui traverse les lignes du recueil. « A/DIEU/ENFANCE » nous plonge dans la triste réalité de deux enfants coincés avec Lautre, responsable de bien des maux lorsqu’il prend un verre de trop. Cet être coléreux lève la main sur sa femme et ses enfants pour un geste, une parole, un souffle déplacés. Cet univers de violence colle à la peau de Marie qui, après en avoir voulu pendant longtemps à Louve, sa mère-fantôme, se retrouve à son tour coincée dans une relation toxique. Dans « VINGT/TROIS », c’est son petit ami Louis qui se dit être excédé par ses angoisses et ses pertes de contrôle, notamment dans sa consommation d’alcool. Comme la violence engendre la violence, Marie reproduit une relation identique à celle de ses parents. Le recueil se termine par le chapitre « DÉT/O/NATION ? », qui propose une fusion des genres. Les collages et les poèmes de Marie lui permettent de tranquillement faire son chemin vers la guérison.
Le recueil de Marie-Hélène Racine témoigne des ravages engendrés par la violence conjugale, mais surtout du pouvoir de la résilience.
« En sortant de ton appartement, la première fois depuis des mois, sur un immeuble de la rue Masson, en face d’une librairie, tu lis : les fleurs poussent encore[1]. »
[1] Marie-Hélène Racine, Tohu-bohu, Montréal, Les éditions de la maison en feu, 2022, p. 118.
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Racine, Marie-Hélène, Tohu-bohu, Montréal, Les éditions de la maison en feu, 2022, 128 p.