Dans son tout nouveau recueil, Pascale Bérubé nous invite à entrer avec elle dans son univers réflexif alors qu’elle se questionne sur la féminité et l’image corporelle. Sa poésie transgresse à la fois les codes d’écriture et les codes sociaux. En s’interrogeant sur les corps et les identités, l’autrice offre un accès direct à ses pensées, qui coulent à flots. L’absence de majuscules et la rare présence de ponctuation, facilitent l’immersion dans le fil de ses pensées. Le fait que l’œuvre soit composée de courts fragments augmente la cadence de lecture. Toutefois, l’autrice a soigneusement intégré des silences entre chacun d’entre eux, ce qui nous permet de prendre un moment pour bien les déchiffrer.
« je meurs mais il y a plusieurs autres pascale, jamais exactement la même chaque fois que j’en annule une. je me sens toujours comme tout ce que je ne suis pas[1] »
En se questionnant sur le corps et la beauté, la poète propose plusieurs incarnations par l’écriture. Ainsi, elle se moule à différents corps, à différentes réalités, explorant de multiples Pascale. Il n’y a à la fois pas de Pascale et toutes les Pascale. Il est impossible de distinguer le vrai du faux, de savoir si nous avons accès à l’autrice authentique, à son propre reflet – déformé par sa perception – dans le miroir ou à celui de l’un de ses personnages. C’est le questionnement de l’existence, celle d’un monde intérieur, celle d’un monde virtuel, celle d’un monde qui se plie aux normes pour plaire.
Dans sa poésie autoréflexive, Pascale Bérubé suggère qu’elle est à la fois un tout et un vide à remplir; l’image qu’elle a d’elle-même est à la fois construite et déconstruite, jusqu’à supposer la mort de sa propre identité. Elle dépeint l’existence comme une performance, conçoit la personnalité comme un vêtement dans lequel on doit se glisser. L’identité semble versatile, aussi facile à enfiler qu’un masque. Malgré la façade de femme forte, la vulnérabilité traverse les fragments du recueil. Même les femmes fortes se comparent sans cesse les unes aux autres, sont en concurrence avec leurs prochaines, jusqu’à être en compétition contre elles-mêmes. L’immense pression de performance incite à vouloir être une copie conforme de l’image de la femme parfaite, à laisser ses traits être effacés par le désir d’être accepté·e.
Pascale Bérubé fait preuve de beaucoup de courage en partageant ses pensées les plus intimes dans son premier livre, Trop de Pascale. Sa poésie soulève une multitude de questionnements qui donnent simultanément l’impression que l’autrice se dédouble et se déconstruit. À l’aide de sa plume, l’autrice fait peau neuve, laissant les lecteur·rice·s la dépouiller de chaque couche qui dissimule sa réelle identité.
[1] Pascale Bérubé, Trop de Pascale, Montréal, Triptyque, coll. « Queer », 2023, p. 19.
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Bérubé, Pascale, Trop de Pascale, Montréal, Triptyque, coll. « Queer », 2023, 126 p.