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17-03-2025 Vol 19

Coup de gueule aux Quat’sous. Guérilla #2 du Théâtre de l’Odyssée

Le Théâtre de l’Odyssée s’est donné un mandat politique et artistique. S’intéressant depuis quelque temps aux écrits de Che Guevara, le collectif a lancé une série de guérillas pour exposer le plus de gens possible à de l’expérimental. Guérilla #2 s’inspirait de la devise: Frappez, puis courrez! 

Crédit photographique: Hugo Leblanc
Crédit photographique: Hugo Leblanc

Le 26 mai dernier, le Théâtre de l’Odyssée organisait sa seconde guérilla au Théâtre de Quat’sous. À la sortie des producteurs, une dizaine de personnes masquées se sont mêlées à la foule, au son d’un accordéon et d’une guitare portugaise. «Félicitations, camarade!» ont-ils chanté, pour ensuite enchaîner avec une danse rythmée autour d’une structure voilée. Sur un cri strident, la structure de viande et de métal fut dévoilée. Un tonnerre se fit entendre; des figures masquées à l’extérieur du théâtre pianotaient sur la vitrine du Quat’sous. Les danseurs ôtèrent alors leurs masques, puis posèrent la question qu’exhibe le théâtre sur sa façade depuis plusieurs semaines: «Où sont passés ces jeunes révolutionnaires que nous étions?» Les performeurs quittèrent, le sol était jonché de dossiers verts et de leur lettre ouverte. Le lendemain, une vidéo revendiquait l’événement.

«Le but, soutient l’équipe, c’est d’offrir une fleur aux acteurs, de leur dire qu’on est avec eux.» Un geste de solidarité, donc, contre la marchandisation des corps et des voix de nos collègues. Ceux qui font la fierté de leur école, qui deviennent les visages qu’on reconnaît dans la rue ou les voix de notre enfance, sont en fait les mêmes qu’on livre en pâture chaque année aux agences et aux producteurs. Ils ont alors deux scènes (parfois trois), dix minutes, pour faire l’étal de leur santé et de leurs attraits physiques. La créativité, l’intelligence, l’esprit critique, on n’en a pas besoin, ou on n’en veut pas. La troupe, elle, croit qu’une formation plus polyvalente et axée sur l’intermédialité permettrait de nous sortir de ce complexe craiguien de l’acteur marionnette. Le comédien n’est-il pas un artiste au même titre que le compositeur, le peintre ou le metteur en scène? Si c’est le postulat que nous choisissons collectivement, il importe de faire des changements dans le cursus des écoles de théâtre.

Des coups de gueule du genre, on n’en avait plus vu beaucoup depuis le Projet blanc d’Olivier Choinière. Un hacking en belle et due forme tout en restant respectueux des auditions ayant eu lieu dans la journée. Les membres du Théâtre de l’Odyssée croient qu’il y a encore de la place pour la critique assumée dans notre milieu financièrement pris à la gorge. Ils posent la question: pourrions-nous cesser de chuchoter ces commentaires moins flatteurs que nous nous passons en douce à la sortie des théâtres? Est-il possible de faire un peu plus de place à la critique constructive et un peu moins à la flatterie? J’ai beau chercher, je ne trouve pas quand «ne pas aimer» est devenu synonyme de «trahir».

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Guérilla #2 a eu lieu au Théâtre de Quat’sous le 26 mai 2014. M.E.S du Théâtre de l’Odyssée.

Article par Corinne Pulgar. Bachelière en art dramatique, parfois régisseur, metteur en scène et conseillère dramaturgique. Aussi végétarienne, humaniste, addict de la parrhésie et numéricienne lettrée.

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