«Avez-vous entendu, ce qui a été dit: Ne t’oppose pas au mal? Mais à celui qui t’a frappée sur la joue droite, il faut tendre l’autre joue. Et à celui qui veut te faire un procès pour te prendre ta chemise, il faut donner aussi ta veste.» — Oxygène d’Ivan Viripaev
Dans un univers où la religion est reine, deux narrateurs se livrent un combat dialectal démontrant les contradictions du monde. L’histoire se déroule à la fois en Russie et nulle part. Les narrateurs parlent de tous ainsi que d’eux-mêmes. L’action vient d’hier, mais d’aujourd’hui également.
Le spectateur est convié à entrer dans la danse, parce que bien que profondément tragique, la fête s’impose d’elle-même. Il aura fallu déconstruire la salle pour y créer un lieu de réunion propice à la performance. Chapiteau, centres de table et habits de noce accentuent l’ironie de ce monde post 11-septembre.
Les mots de Viripaev, dramaturge Russe contemporain, rythment la pièce comme une ritournelle infernale, mais il faut les laisser couler. Le sens de la pièce ne s’y trouve pas. Le mouvement est la clé pour quiconque sait le décoder. Le code gestuel traduit les propos de la pièce (la quête de sens, la conscience, l’oxygène). Le texte démontre avec finesse les incohérences de l’être. «Et si tu suis la mode des magazines, et si tu ne sais pas, que la mode, c’est ce qui reflète ton monde intérieur, alors ni les parfums, ni le savon, ni le sarafane de fleurs ne compenseront le manque d’oxygène dans l’air, et tout homme à tes côtés, souffrira d’un manque d’oxygène.»
Oublions ici la notion de comédiens. Ève Pressault et Éric Robidoux sont performeurs. Ils sont la courroie de transmission du symbolisme. Ils narrent l’histoire du monde. Jérusalem, les Arabes, l’Amérique. Rien n’est laissé au hasard. La livraison ardue du texte se fait bombe à retardement. Mais le plus impressionnant, c’est le naturel de leur gestuelle, malgré quelques problèmes de synchronisation.
Dans cette mise en scène, l’éclairage est maître. Celui-ci rappelle parfois le soleil qui entre par une fenêtre, plus souvent les lumières associées au monde des raves. Attention corps sensibles, stroboscope en usage! La musique, aussi dense que le texte, amène un sentiment d’urgence, mais également une dose de légèreté. Elle appelle à se laisser bercer par la stupidité du monde. Au final, avec cette mise en scène symboliste et plus qu’in your face de Christian Lapointe, la pièce s’empare de nous et nous la comprenons sans le savoir. Un texte-choc emballé dans une simplicité désarmante.
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Oxygène d’Ivan Viripaev, présentée au Théâtre Prospero du 19 novembre au 14 décembre 2013. M.E.S. Christian Lapointe.
Lisez également l’entrevue avec Christian Lapointe réalisée par Marie-Michelle Borduas.
Article par Marie-Michelle Borduas. Animatrice et chroniqueuse radio, amoureuse de théâtre et consommatrice avertie de musique! Je partage mon temps entre tous les théâtres et les salles de spectacles montréalais. 1001 projets parce que la tête bouillonne. Oh et j’ai aussi ce petit papier qui indique: bachelière en journalisme.