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15-05-2025 Vol 19

La Peinture canadienne de Marc-Antoine K. Phaneuf à la rencontre des publics

La question de l’accès des publics à l’art contemporain est sur toutes les lèvres dans le milieu des arts visuels montréalais. Le 16 mai dernier, le réseau Accès Culture présentait un après-midi de discussion sur le thème de la diffusion de l’art contemporain et sur les manières de rejoindre et renouveler les publics. Le remaniement important en cours au Musée d’art contemporain de Montréal suscite, lui aussi, de nombreuses discussions à ce propos. C’est également ce sujet d’actualité qu’aborde l’installation Peinture canadienne de Marc-Antoine K. Phaneuf, présentée à l’espace Sightings de la galerie Leonard & Bina Ellen de l’Université Concordia.

Marc-Antoine K. Phaneuf, Peinture canadienne, 2014, dans le cadre du projet Sightings de la Galerie Leonard et Bina Ellen. Crédit photo : Guy L’Heureux.
Marc-Antoine K. Phaneuf, Peinture canadienne, 2014, dans le cadre du projet Sightings de la Galerie Leonard et Bina Ellen. Crédit photo: Guy L’Heureux.

On peut actuellement y aperçevoir quatre mosaïques colorées qui, de loin, peuvent être assimilées à des tableaux abstraits. Chacun des «tableaux» remplit la majeure partie de l’une des facettes du white cube dont est constitué l’espace Sightings. Ce n’est qu’en s’approchant de l’installation qu’on réalise que les tesselles de la mosaïque sont en réalité des cartes de hockey, disposées stratégiquement par l’artiste afin d’évoquer des toiles de peintres canadiens (et québécois) de la période moderne. Inspirés des œuvres de Paul-Émile Borduas, Jean-Paul Riopelle ou Serge Lemoyne, les quatre collages livrent l’effet escompté: à distance, on croit reconnaître les coups de spatule de Riopelle, et on distingue ailleurs les bleus et rouges emblématiques de Lemoyne.

Marc-Antoine K. Phaneuf, Peinture canadienne, 2014, dans le cadre du projet Sightings de la Galerie Leonard et Bina Ellen. Crédit photo : Guy L’Heureux.
Marc-Antoine K. Phaneuf, Peinture canadienne, 2014, dans le cadre du projet Sightings de la Galerie Leonard et Bina Ellen. Crédit photo: Guy L’Heureux.

Cette peinture doublement canadienne – la faute aux peintres et aux Canadiens de Montréal – a surtout le mérite de pouvoir dialoguer avec différents types de publics. Si les références à la peinture abstraite interpellent un public d’initiés, les quelque trois mille cartes de hockey qui la composent font appel à l’imaginaire collectif canadien et québécois. Les férus d’art s’amuseront à identifier les œuvres de référence et admireront l’habileté avec laquelle K. Phaneuf a réussi à esthétiser un objet autrement banal. Les publics néophytes pourront, quant à eux, renouer avec leurs souvenirs de jeunesse en retrouvant les cartes qu’ils possédaient ou les joueurs qu’ils encourageaient. Peut-être l’œuvre piquera-t-elle même assez leur curiosité pour qu’ils prennent le temps de se renseigner sur les œuvres picturales qu’elle émule.

Ce type d’œuvre représente une passerelle vers le monde de l’art contemporain, si souvent critiqué pour son hermétisme. En intégrant un élément – ici, les cartes de hockey – susceptible de transcender les différentes couches du public, l’œuvre de Marc-Antoine K. Phaneuf rompt avec le snobisme inavoué souvent en vigueur dans le milieu des arts visuels et offre un point de référence à quiconque veut bien s’y intéresser. Dans un milieu ou la médiation est souvent perçue à la fois comme un mal nécessaire et comme un pervertissement de la «pureté» de la création, il est rafraîchissant de voir des œuvres qui résolvent le dilemme en effectuant, en quelque sorte, une part de leur propre médiation.

Marc-Antoine K. Phaneuf, Peinture canadienne, 2014, dans le cadre du projet Sightings de la Galerie Leonard et Bina Ellen. Crédit photo : Guy L’Heureux.
Marc-Antoine K. Phaneuf, Peinture canadienne, 2014, dans le cadre du projet Sightings de la Galerie Leonard et Bina Ellen. Crédit photo: Guy L’Heureux.

L’installation est d’ailleurs tout à fait appropriée à l’espace Sightings, où elle est présentée. Ce cube de plexiglas appartenant à la galerie Leonard & Bina Ellen, mais situé hors de ses murs, permet d’entrer en contact avec une portion du public qui n’aurait peut-être pas pris l’initiative d’entrer dans la galerie. La rencontre de cette installation et de cet espace est donc tout à fait opportune, et on ne peut qu’espérer qu’elle réussisse à piquer la curiosité de quelques passants, qui ressortiront de cette rencontre avec une expérience positive de l’art contemporain.

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Peinture canadienne, présentée jusqu’au 25 juin à l’espace Sightings de la galerie Leonard & Bina Ellen. L’espace Sightings est situé au rez-de-chaussée du pavillon Henry F. Hall, au 1455 boul. de Maisonneuve Ouest. Ouvert entre 8h et 22h.

Article par Marie-Philippe Mercier Lambert. Étudiante à la maîtrise en histoire de l’art et fervente amatrice de toutes choses qui stimulent son cerveau, Marie-Philippe a l’habitude de se subdiviser pour participer à plusieurs projets simultanément. En attendant de se voir octroyer le don d’ubiquité, elle milite ardemment en faveur de l’allongement des journées.

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