Plywood, un show sur le rough, c’est la métaphore d’une génération en construction. À partir de seulement trois planches de plywood, Réal Bossé construit ce portrait représentant cette nouvelle société qui tente de poser les piliers des valeurs qu’elle veut véhiculer.
Sur scène, nous assistons à cinq femmes et cinq hommes qui, à travers une cinquantaine de tableaux anecdotiques, jouent des situations du quotidien qui sont représentatives des questionnements et des incertitudes auxquels la génération Y doit faire face. Cette génération est exposée à tant de possibilités, que ce soit son mode de vie, sa carrière professionnelle ou sa sexualité, qu’elle est déchirée par les choix qu’elle doit faire et constamment confrontée à ceux des autres. Si la majorité de la pièce est construite à partir de dialogues réalistes dans des situations concrètes, les scènes muettes, où les corps entrent en action sur une scène vide habillée par de simples éclairages, ont pour effet d’absorber le spectateur dans la beauté des gestes chorégraphiés. Des gestes parfois simples, parfois complexes, qui sont mille fois plus évocateurs que les mots. Quatre acteurs travaillent ensemble pour soulever à bout de bras leur collègue perché au sommet de la mince planche de bois. Cela révèle, d’autant plus, une collectivité qui tente de se construire.

L’espace vide est rempli par les éclairages, créant une multitude d’atmosphères qui mettent en valeur les différents tableaux. L’espace de jeu est vaste et permet une grande exploitation du plateau. Les dix interprètes exécutent des figures complexes avec les trois panneaux de planches de bois. Des douches de lumières viennent parfois magnifier certaines figures, donnant l’impression que nous regardons des sculptures se former et se déformer, en permanente reconstruction. La musique et l’environnement sonore conçus par Ludovic Bonnier rendent le tout encore plus enveloppant, nous rendant alors contemplatifs jusqu’au moment où l’on est ramené sur Terre par une scène réaliste où les personnages dialoguent entre eux.

L’une des images les plus marquantes est cette scène où les dix interprètes s’avancent en ligne face au public en frappant les planches de plywood au sol. Tous masqués, ils crient des slogans connus des gens qui ont participé aux manifestations du printemps érable. En fond sonore, on entend la voix de Jean Charest, récitant son trop connu discours sur le plan nord, invitant les jeunes à aller s’y trouver un emploi. Ces jeunes unis dans la rue sont les mêmes qui aujourd’hui se cherchent dans leur individualité et tentent de trouver un sens à leur existence. Une génération qui, après la déception d’avoir vu un grand rêve collectif s’échouer, se range comme le fait les générations précédentes. La force de Plywood se tient dans cette idée de collectivité qui est transmise directement au spectateur. Nous contemplons le reflet d’un miroir qui est dirigé vers nous, le public, nous mettant en pleine figure nos comportements ainsi que nos peurs et désirs. À la fois un spectacle hautement esthétique et intelligent, Plywood provoque aussi un profond questionnement sur notre façon de concevoir la vie. Certaines situations dépeintes relevaient parfois du cliché (je pense à une scène confrontant la vision stéréotypée du couple qu’ont les femmes versus celle des hommes). L’écriture de certaines scènes était peu complexe et restait près de l’improvisation. Tout de même, c’est cette vue d’ensemble offerte par la fragmentation des diverses scènes, mettant en parallèle toutes les situations banales du quotidien, qui crée cette grande toile percutante. Bien que nous assistions au portrait de la génération Y, la pièce nous fait constater que finalement, chaque génération rêve à sa façon de changer le monde et fait face aux mêmes déceptions un fois l’euphorie terminée. De quoi nous laisser songeurs sur notre siège une fois les applaudissements terminés.
Plywood, un show sur le rough, une production d’Omnibus, était présenté à L’Espace Libre du 5 au 30 avril.
Article par Lorie Ganley.