La diversité comme signature. Six peintres – Deux écoles – Trois lieux – Une rencontre

L’exposition Six peintres – Deux écoles – Trois lieux – Une rencontre souligne la fin de parcours de six étudiants à…
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L’exposition Six peintres – Deux écoles – Trois lieux  Une rencontre souligne la fin de parcours de six étudiants à la maîtrise de l’Université Concordia et de l’Université du Québec à Montréal, unis par un médium commun: la peinture. Tous se démarquent par l’affirmation d’une démarche distincte et aboutie qui trace une ligne directrice pour leurs œuvres respectives. Commissariée par Christine Major, Eliza Griffiths et Marthe Carrier, l’exposition s’articule à l’intérieur de trois lieux aux rôles différents, soit la Galerie de l’UQAM, la Galerie Lilian Rodriguez ainsi que la Galerie B-312, un centre d’artistes autogéré.

Vue de l’exposition, Galerie B-312.
Crédits photographiques: Jean-Marc Fredette.

D’abord le projet respectif de chaque galerie, c’est par un concours de circonstances, puis grâce à une concordance des calendriers qu’a pu se déployer l’exposition, fruit de la collaboration entre les trois lieux. Bien que la peinture soit le point de départ et l’élément rassembleur, c’est la diversité de la démarche individuelle des artistes qui est mise en évidence. Devant l’absence de cartels identifiants, c’est au fil de notre parcours que l’on s’oriente, associant des œuvres pour arriver à les rattacher à un artiste. À l’exception de la Galerie de l’UQAM, où les œuvres d’Isabelle Guimond occupent l’entièreté de l’espace avec Rêve, Baby, Rêve!, le travail de Jenna Meyers, Brendan Flanagan, Isabelle Guimond, Noémie WeinsteinGabrielle Lajoie-Bergeron et Corri-Lynn Tetz se mélange dans les lieux d’exposition.

La manière de traiter la peinture est multiple et on y constate une abondance de thèmes distincts qui ravivent les infinies possibilités du médium. La matière picturale, mise de l’avant, donne lieu à des questionnements sur la place grandissante que la peinture occupe actuellement sur la scène artistique. Elle permet également d’aborder une variété de thèmes comme l’affluence des technologies, la représentation, le vide, la politique, la déconstruction des images, le quotidien, et l’histoire de l’art en soi.

L’oeuvre de Noémie Weinstein met en scène des lieux de transition traités de façon schématique et géométrique, dans lesquels la présence humaine est évacuée au profit d’une notion de temporalité qui occupe tout l’espace. Sa série Métros offre un regard contemplatif sur des stations de métro vides, que nous connaissons généralement bondées. Les détails de leur architecture sont alors soulignés, et le vide s’expose dans une certaine intemporalité. Le travail de Weinstein montre des endroits habituellement mouvementés, comme les piscines publiques par exemple, mettant en évidence ces lieux où l’on ne s’arrête que très rarement. À partir de ses propres photographies, Weinstein produit des images picturales auxquelles elle ajoute de la craie. Explorant à sa façon des lieux du quotidien, l’artiste fixe une distance entre l’espace et le spectateur, mais en procurant cette impression d’un moment fugitif, qu’elle arrive à figer quelques secondes.

Vue de l’exposition, Galerie B-312.
Crédits photographiques: Jean-Marc Fredette.

Occupant à elle seule la Galerie de l’UQAM et participant également à l’exposition collective, Isabelle Guimond met en scène le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Elle peint entre autres des déchets et des objets quelconques rappelant des épisodes du quotidien public et privé, qu’elle replace dans leur contexte. Dans Un jour mon prince viendra et moi aussi (2013), elle représente, à la peinture à l’huile et à l’aérosol, un matelas traînant dans la neige aux côtés de sacs à ordures et d’un petit sapin dans un sceau. La quotidienneté des bords de rue de ce quartier hétérogène est pointée par les objets qui commencent à raconter des histoires. Rappelant les pratiques cinématographiques et photographiques, les compositions de ses œuvres font un clin d’œil aux plans rapprochés. Les moments sont figés dans leur intégralité, ignorant ce qui se passe hors champ. D’autre part, les couleurs qu’elle utilise sont éclatantes, portant fréquemment sur le fluo, donnant un aplomb supplémentaire à ses peintures déjà très expressives.

Vue de l’exposition, Galerie B-312.
Crédits photographiques: Jean-Marc Fredette.

Les oeuvres de Corri-Lynn Tetz donnent l’impression de pénétrer un monde lointain et inaccessible, entre l’intimité de la mémoire et l’utopie. Exploitant le format ovale, Tetz peint des scènes où les personnages se retrouvent au premier plan et où la composition très serrée des tableaux nous place dans la position d’un voyeur regardant au travers de ses jumelles. Dans sa série Nature Lovers, des couples s’adonnent à des actes sexuels. Les contours flous et indéfinis de leur corps, se fondant au paysage indompté, rendent la scène invraisemblable. La gestualité vaporeuse rappelle les possibilités de la mémoire; le travail de Tetz nous confronte à la confusion de nos souvenirs. Avec de remarquables camaïeux, l’artiste crée des ambiances qui affectent considérablement nos impressions, maintenant cette sensation de goûter à des espaces entre utopie et mémoire.

Vue de l’exposition. Oeuvres de Corri-Lynn Tetz.
Crédits photographiques: Jean-Marc Fredette.

L’exposition fait jaillir la peinture sous toutes ses formes, réaffirmant sa pertinence dans l’art actuel. Mis de côté ou rejeté dans les dernières décennies au profit de pratiques souvent plus conceptuelles, on assiste ici à un retour en force du discours du médium. Après des années d’abondance technologique, de triomphe des nouveaux médias, puis d’interdisciplinarité des pratiques artistiques, les limites de la peinture sont remises en cause; les médiums sont transpercés par d’autres. Les artistes finissants du projet  Six peintres – Deux écoles – Trois lieux – Une rencontre nous présentent des œuvres qui témoignent de l’achèvement de leur maîtrise en arts visuels et attestent de l’étendue des possibilités qu’offre la peinture.

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Six peintres – Deux écoles – Trois lieux – Une rencontre, du 10 janvier au 15 février 2014 à la Galerie B-312 et à la Galerie Lilian Rodriguez, et du 10 janvier au 22 février à la Galerie de l’UQAM.

Article par Sophie Daviault. Étudiante au baccalauréat en histoire de l’art.

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