L’Aleksandar Uzelac Trio, composé du pianiste Aleksandar Uzelac, du contrebassiste Carlos Mal-Cisne et du batteur Claude Lavergne, a sorti son premier album, Lullaby for Outrage, le 1er novembre dernier. Le compositeur et arrangeur des six pièces qui y figurent, Aleksandar Uzelac, a généreusement accepté de répondre à mes questions.
«Je crois que notre monde vit actuellement des changements inquiétants. Lullaby for Outrage est dédié à ces changements, particulièrement à la crise sanitaire à laquelle nous sommes confrontés.» Lullaby for Outrage est né de l’esprit créatif du pianiste Aleksandar Uzelac entre 2017 et 2019, soit quelques années après son déménagement au Québec. Il s’agit d’un album où «toutes les compositions traduisent en musique la vie montréalaise.» Une atmosphère planante, comme on en retrouve dans les clubs de jazz de Montréal, s’en dégage sans conteste. Mais l’album touche également une corde sensible, et avec véhémence: il «mélange l’atmosphère montréalaise à la crise climatique dans un manifeste musical provocant […]». Une énergie représentée avec justesse par le graphiste derrière la pochette, Stevo Mandic.
C’est à l’Université McGill qu’Aleksandar a rencontré ses acolytes, Carlos Mal-Cisne et Claude Lavergne, et ce sont «leur approche, leur technique et leur musicalité uniques qui ont attiré [son] attention». La cohésion du trio s’est instaurée lors de séances d’improvisation libre organisées par Aleksandar. Tout comme son processus de composition, son processus d’arrangement a pu bénéficier du jeu spontané de ses pairs. « Ce que j’ai appris, c’est que pour savoir composer, il faut d’abord savoir improviser », dit-il. Chaque pièce laisse une grande place à chacun des instrumentistes. La ligne entre le respect de la forme et la liberté d’expression est presque imperceptible: c’est une des grandes réussites de Lullaby for Outrage, qui rassemble 38 minutes de jeux et d’échanges. Mais outre les talents d’improvisateurs des trois musiciens, la diversité de leurs origines ajoute également à l’étendue des paysages sonores qu’ils peignent en groupe. Leurs trois cultures (serbe, mexicaine et québécoise) «contribuent à l’énergie interculturelle» de leur musique.
Entièrement instrumentales, les compositions découlent toutes de concepts recherchés et uniques. «Derrière chaque pièce se trouve une histoire», explique-t-il. La pièce Phoneology, deuxième de l’album, a été composée à l’aide de la technique dodécaphonique, une technique de musique atonale, et est basée sur deux numéros de téléphone : son numéro montréalais et son numéro serbe. D’un autre côté, la pièce Tails of Mr. L dépeint les péripéties que traverse Mr. L, un personnage «qui parle avec sa queue». Pour le représenter, le pianiste utilise une méthode non conventionnelle; il joue directement avec les cordes à l’intérieur du piano, ce qui permet aux auditeurs de reconnaître sa personnalité tapageuse. « Ses aventures sont imprévisibles et pleines de contrastes », me dit Aleksandar à propos de son personnage.
Aleksandar est optimiste; il cible le printemps et l’été 2021 pour promouvoir sa récente sortie. On lui souhaite que son rêve de tourner au Québec et à l’international puisse être exaucé.
Aleksandar Uzelac est un pianiste jazz originaire de Serbie. Déménageant à Montréal en 2014, il entame des études supérieures en jazz à l’Université McGill. L’album Lullaby for Outrage est sa première sortie.
Entrevue réalisée par Roxane Reddy, auteure-compositrice-interprète montréalaise.