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17-04-2025 Vol 19

Accepter la défaite. L’absence de guerre de David Hare

Un socialiste qui dit tout haut ce qu’il pense, un Parti travailliste (Labour Party) qui exige plus de rigueur, une gauche qui imite la droite: c’est une défaite annoncée que nous livre le dramaturge britannique David Hare. Présenté à La Licorne jusqu’au 9 mai, L’absence de guerre transporte le spectateur au-delà de l’image, dans les coulisses du pouvoir.

Crédits photographiques: Stéphane Bourgeois
Crédits photographiques: Stéphane Bourgeois

La pièce relate les revers du Parti travailliste anglais. Cette formation de gauche a connu un échec lamentable en 1983, ce qui l’amena à se restructurer. Le test de la nouvelle ère travailliste s’est soldé par la perte des élections en 1992, de justesse. Une défaite d’autant plus amère. La dernière avant que Tony Blair prenne la tête du parti. Le scénario ne nous est pas étranger. Devant la chute d’un des plus vieux partis politiques de notre histoire et la victoire écrasante d’un parti élu majoritaire avec moins de la moitié des voix, L’absence de guerre prend un tout autre sens.

La plume habile de David Hare nous plonge de l’autre côté du miroir et propose une vision à l’opposé de l’image, une vision qui ébranle les certitudes. Le pays est dans un climat d’instabilité, le gouvernement décide de déclencher des élections en grande surprise, le Parti travailliste rêve de la victoire. Une victoire formatée où le chef, pour une erreur commise six ans plus tôt, se fait dicter sa pensée. Le chef de l’opposition George Jones, quant à lui, est conseillé par son équipe et se voit couper les ailes de ses envolées lyriques et de sa spontanéité. C’est dans cette recherche précise du contrôle de l’information que la gauche trouvera sa perte. 

Crédits photographiques: Stéphane Bourgeois
Crédits photographiques: Stéphane Bourgeois

Présentée pour la première fois à Montréal, cette pièce a été créée au Théâtre du Trident à Québec en 2011 par la compagnie Les Écornifleuses. L’œuvre s’inscrit dans un réalisme non épuré. Chaque action est appuyée de son accessoire, ce qui alourdit la production. Bien qu’efficace, la mise en scène regorge de détails inutiles. Trop placés, les enchainements deviennent parfois mécaniques. Le jeu plutôt cérébral laisse le citoyen en nous sur sa faim. Normand Bissonnette sort du lot pour livrer un chef passionné, désillusionné par le moule de la conformité. Il incarne ces grands hommes qui s’oublient au profit d’une victoire politique et qui finissent trop souvent par perdre de vue ce pour quoi ils se battent. Ces grands hommes qui trop souvent acceptent la défaite.

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L’absence de guerre, présenté jusqu’au 9 mai au Théâtre La LicorneUn texte de David Hare traduit par David Laurin. Une mise en scène d’Édith Patenaude. Avec Marc Auger, Normand Bissonnette, Vincent Champoux, Jean-Michel Déry, Gabriel Fournier, Laurie-Ève Gagnon, Israël Gamache, Marie-Hélène Lalande, Joanie Lehoux, Jean-René Moisan, Jessica Ruel-Thériault, Andrée Samson et Alexandrine Warren.

Article par Marie-Michelle Borduas. Animatrice et chroniqueuse radio, amoureuse de théâtre et consommatrice avertie de musique! Je partage mon temps entre tous les théâtres et les salles de spectacles montréalais. 1001 projets parce que la tête bouillonne. Oh et j’ai aussi ce petit papier qui indique: bachelière en journalisme.

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