Jeudi dernier, l’Artichaut était présent à la représentation de Céline vivant présenté à la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal. Soirée plutôt inégale, mais qui valait néanmoins le détour, puisque la compagnie Théâtre de fortune s’attaquait à l’œuvre d’un des plus grands auteurs français du XXe siècle : Louis-Ferdinand Céline.
Après une courte présentation de l’auteur, le spectacle a démarré en trombe, proposant d’emblée l’un des moments fort de la soirée : une entrevue avec l’auteur filmée à la fin des années cinquante. Plutôt étrange de constater à quel point l’homme incarnait son œuvre, comme s’il était lui-même un de ses personnages décalés. En effet, installé à même son cabinet (il était médecin), entouré par ses chiens et son perroquet jacassant, l’auteur tient des propos tout à fait décousus et plutôt hilarants, lançant à la volé des réflexions acerbes, souvent percutantes, transposant en quelque sorte son écriture emportée au discours oral. Le style avant tout, quoi!
Les comédiens Roch Aubert et Jean-Charles Fonti ont ensuite mis la main à la pâte, interprétant un extrait fort intéressant des Entretiens avec le professeur Y, extrait qui soulignait bien la position particulière occupé par Céline au sein du milieu intellectuel français de l’époque. Homme polémique, préférant le coup de gueule à la réflexion posé, le style au contenu, les machines aux êtres humains, ouvertement antisémite, il va sans dire qu’il ne faisait pas l’unanimité (chose qui n’a d’ailleurs pas tellement changé). Sans offrir une performance époustouflante, les comédiens s’en sont néanmoins très bien tirés, surtout si l’on considère la langue populaire à fleur de peau de Céline : hachurée, mais extrêmement rythmée, une langue sans doute fort difficile à interpréter oralement, malgré son caractère justement… oral.
Dommage qu’un long extrait de Scandale aux abysses ait ensuite plombé la soirée. Ce texte est peu connu et, si je me fie à ce qui a été présenté jeudi dernier, je crois comprendre pourquoi.
La soirée a néanmoins repris sur une nouvelle envolée, grâce, encore une fois, à un document d’archive : un enregistrement d’une lecture des premiers chapitres du Voyage au bout de la nuit, l’œuvre maîtresse de Céline, lecture effectuée par Michel Simon (1895-1975), comédien d’origine suisse. Brillante lecture, il faut le souligner. Lecture faisant ressortir toute la richesse de la prose de l’auteur, toute l’émotion, tout le rythme, toutes ses idées farfelues, glauques et drôles à la fois; tout ce qui fait de Voyage au bout de la nuit une des plus grandes œuvres de la littérature française.
Article par Gabriel Vignola. Il aime le gros son, mais aussi la délicatesse… Le verre ciselé par l’orfèvre… Il aime qu’on se lance, qu’on s’attrape et qu’on s’arrête, devant une toile, un livre ou un panneau de signalisation.