En 2021, l’auteur Vincent Brault publie son troisième roman chez Héliotrope. Le fantôme de Suzuko l’incite à voyager au Japon, où il recueille des histoires de fantômes. Celles-ci permettent de rendre son récit plus crédible puisqu’elles incarnent ainsi la culture japonaise. L’auteur se découvre alors un intérêt pour les histoires de l’au-delà. Lorsque la pandémie frappe de plein fouet, obligeant la population québécoise à s’isoler, Vincent Brault se sortira de l’ennui en écrivant à de vieilles connaissances sur Facebook. La majorité d’entre elles possèdent des récits étranges à lui partager. De fil en aiguille, l’auteur se retrouve avec plus de 300 témoignages entre les mains.
« […] que je pourrais en faire un livre, un livre bizarre, peut-être, introspectif et personnel, je l’espérais, un livre pour mettre en commun mes fantômes et ceux des autres, un livre entre deux mondes, un livre à la frontière du littéraire et de l’ethnographie[1]. »
Les ombres familières réunit 90 de ces témoignages récoltés entre 2018 et 2022, séparés en huit parties qui les regroupent par thématiques : « Les revenants », « La voyance », « Les rêves », « La hantise », « Les possédés », « Les étreintes », « Les signes », et « Les maisons ». Parce que bien sûr lorsqu’on parle d’histoires de fantômes, on trouve des ressemblances. Elles évoquent effectivement des croyances similaires chez la plupart d’entre nous, comme une sensation de froid, des objets qui bougent seuls ou des apparitions mystérieuses. Les récits illustrent toutefois à quel point ces croyances sont culturellement déterminées. Notre conception des fantômes est d’ailleurs majoritairement péjorative alors que plusieurs participant·e·s affirment avoir vécu des expériences touchantes, voire réconfortantes.
C’est un énorme travail d’assemblage qu’a réalisé Vincent Brault et le tout est un véritable page turner. Malgré la peur qui me nouait parfois les tripes, je n’ai pas pu cesser ma lecture, étant trop intriguée par ce que me réservait la prochaine histoire. J’ai par ailleurs apprécié avoir accès à chaque individu, malgré l’anonymat des témoignages. En effet, les récits sont retranscrits de manière à garder leur oralité; j’avais ainsi un peu l’impression que je me retrouvais autour d’un feu de camp à me faire raconter de bonnes vieilles histoires de fantômes. Cela donne un ton très chaleureux à l’œuvre malgré le propos fantasmagorique.
Certaines histoires m’ont dressé les poils sur les bras, d’autres m’ont fait sentir inconfortable, d’autres encore m’ont fait sourire. Toutes m’ont fait me demander : est-ce que j’y crois, moi? Après tout, il peut être difficile d’y croire lorsqu’aucun spectre ne nous a visité… mais désire-t-on réellement que cela advienne? Je me suis laissée entrainée entre les événements inattendus, les rêves et les apparitions soudaines et j’ai terminé le livre en souhaitant en voir un deuxième être publié.
Entre les récits qui durent quelques phrases et ceux qui font quelques pages, Brault illustre qu’il y a diverses manières de penser le surnaturel. Que les témoins aient un esprit scientifique, mathématique, philosophique ou artistique, tous·tes ont une chose en commun : iels ne peuvent expliquer leur expérience.
[1] Vincent Brault, Les ombres familières, Montréal, Héliotrope, coll. « Série K », 2023, p. 96.
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Brault, Vincent, Les ombres familières, Montréal, Héliotrope, coll. « Série K », 2023, 264p.