<
div/align= »justify »> Présenté dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), lors d’une soirée de leur cycle Docville, le film Seymour: An introduction de Ethan Hawke marque la première incursion du réalisateur dans le milieu du documentaire. On connaissait Hawke, découvert dans le rôle du jeune garçon timide du Cercle des poètes disparus (Dead Poets Society), en tant qu’acteur vedette hollywoodien, on l’avait notamment vu dans le thriller de science-fiction Gattaca et on avait pu voir sa vision de réalisateur dans deux longs-métrages, Chelsea Walls et The Hottest State. Ethan Hawke se lance donc dans ce premier mouvement avec toute l’assiduité, la douceur et l’amour que Seymour Bernstein lui a enseignés.

Il était devenu l’inspiration des soldats durant la guerre de Corée, lorsqu’il jouait des concerts sur la ligne de front, redonnant espoir au moral des troupes fatiguées. Encensé par la critique, Seymour Bernstein avait devant lui une belle renommée, lorsqu’il laissa tout tomber à l’âge de 50 ans pour se consacrer à l’enseignement et transmettre une discipline salvatrice à ses élèves. Dans ce documentaire, on découvre toute la profondeur de ce musicien et grand compositeur classique qui expose comment il a tout abandonné pour s’enfermer dans un «dôme translucide», dans lequel il arrivait à transcender son moi intérieur pour arriver à être son moi créateur.
Pour Hawke, qui fait une courte apparition dans le film, il trouve en Seymour un mentor qui lui prodigue des conseils pour se guérir de son tract à l’idée de monter sur une scène. Hawke réussit ici un double tour de force, alors qu’il convainc son ami et guide artistique Seymour de performer lors de son premier concert privé depuis 35 ans et d’immortaliser sa philosophie de vie dans ce documentaire lyrique sans prétentions. On trouve en Seymour, un homme simple, doué, réfléchi et dôté d’une grande sensibilité. Ses souvenirs de vétéran lui sont encore douloureux, mais ses paroles résonnent de sagesse: «Sans la dissonance, on ne saurait pas distinguer le sens de la résolution.»

Soutenu par une trame musicale fidèle à son sujet, Chopin, Schubert, Schumann et les propres compositions de Seymour viennent donner le ton au film. Bernstein insiste sur le fait que «sans la pratique, il n’y pas de réel art». Selon lui, les parents qui ne forcent pas leurs enfants à pratiquer une heure par jour auront des «enfants à moitié développés». Même si son enseignement peut sembler dur et indéfectible, tous ses élèves finissent par prendre goût à cette méthode de travail.
«Si vous vous sentez inadéquat en tant que musicien, vous allez vous sentir inadéquat en tant que personne.» Bernstein soutient que les performances musicales affectent sa vie quotidienne. «Le monde social est imprédictible, alors que l’art est prédictible.»

Si tel est le cas, on peut peut-être justifier l’absence de mention de sa vie privée, par un sacrifice de sa vie personnelle au profit de sa carrière musicale. Ce choix vient être ensuite justifié par un dédain de l’industrie et une quête spirituelle. Au cours de conversations avec ses anciens élèves devenus pianistes, de séances d’enseignement et de rencontres comme celle de Kimmelman, journaliste critique pour The New York Times et ancien élève du maître, on apprend à connaître un artiste qui a réussi à concilier son intériorité et sa vie créatrice. Nous avons également droit à des anecdotes savoureuses, remplies d’humour et puissantes (celle sur le père de Bernstein est un réel bijou).

Le personnage de Seymour Bernstein est indéniablement fascinant et il nous donne tour à tour des leçons de piano qui finissent par avoir un écho en tant que leçons de vie. S’il nous fait évoluer par son propos, le film échoue à transcender la forme classique pour atteindre une forme finie à la hauteur de son sujet. Mais cela peut se justifier par un choix artistique et, en ce sens, seul un bémol peut être reproché à Hawke. Il s’agit de la tentative ratée de créer un langage universel en montant des images muettes de musiciens et musiciennes à travers divers genres musicaux. On se dit que Seymour lui aurait demandé de refaire son allegretto avec plus de subtilité.
Le dernier mouvement du film s’ouvre sur un concert de Seymour, le premier depuis son retrait de la scène, où il ira reconquérir son public et affronter ses peurs. Seymour nous laisse finalement sur une dernière leçon de style: le but ultime est d’«inspirer une émotion pour tous les aspects de la vie.» Notre existence est remplie de conflits, de plaisir, d’harmonie et de dissonance. Et d’accepter la dissonance, c’est parvenir à la résolution. </divalign= »justify »>
__
Présenté dans le cadre des RIDM à l’Excentris le 26 mars, le documentaire a prit l’affiche le 27 mars 2015.
Article par Ariane Brien-Legault – Passionnée d’art, de culture et de l’être humain dans toute sa complexité, Ariane Brien-Legault est rédactrice en chef du pupitre cinéma pour l’Artichaut, journaliste-pigiste à NIGHTLIFE.CA, chroniqueuse à CIBL et l’auteure du blogue EXO. Elle étudie actuellement en Communications journalisme à l’UQÀM.