Chacun·e vit son lot de situations difficiles, certaines étant plus traumatiques ou ayant des impacts plus considérables que d’autres. Le dernier roman de Lyne Vanier, psychiatre et autrice, entraine les lecteur·ice·s dans les univers de différents personnages marqués par le choc émotionnel et un environnement malsain.
Les grands chavirements témoigne de la rencontre entre Camille, une jeune doctorante en psychologie, et Léo, un jeune garçon de 9 ans habitant le même immeuble. Celui-ci se retrouve bien souvent chez Camille, fuyant ainsi ses parents négligents. Les deux personnages possèdent une place primordiale dans la vie de l’autre puisque tous deux ont vécu des expériences traumatiques. Ébranlé·e·s par un sentiment d’abandon, Camille et Léo s’attachent énormément l’un à l’autre. Devenue psychologue pour renverser son sentiment d’impuissance envers le malheur des autres, la jeune femme a toutefois bien du mal à ouvrir son cœur. Cette volonté d’être une sauveuse lui inflige d’ailleurs beaucoup de douleur, surtout lorsqu’elle échoue. N’ayant toujours pas passé au travers d’un deuil important, la protagoniste replonge à plusieurs moments dans son passé, saisie de flashbacks éprouvants. Un drame au sein de l’hôpital où elle travaille la remet en question ; elle se rend à l’évidence qu’elle n’a aucune emprise ni sur la douleur ni sur les actions des personnes qui l’entourent.
Ce nouveau roman de Lyne Vanier est tout simplement magnifique. Il est facile de s’éprendre du duo hétéroclite formé de Camille et Léo. En effet, le contraste entre le langage soutenu de la psychologue et familier du jeune garçon en fait une paire hors du commun. C’est au fil de leurs discussions, leurs réflexions et leurs différends qu’ils s’aident inconsciemment à évoluer et à guérir.
Le récit illustre avec respect différents types de troubles psychologiques, s’attardant surtout sur le deuil. Il présente aussi, à travers les personnages, divers mécanismes de défense : déni, sublimation, refoulement. Cela démontre bien que tous·tes réagissent différemment aux situations traumatiques, même lorsqu’il s’agit du même élément déclencheur. La normalisation des troubles psychologiques et de ses conséquences dans l’œuvre de Vanier fait disparaitre le côté tabou du sujet.
Dans le roman, le trouble psychologique n’est pas représenté négativement, au contraire, il est illustré comme une blessure qu’il faut travailler. Cette dernière ne disparait jamais, mais devient une composante du caractère. C’est ce qu’illustre d’ailleurs l’art du kintsugi dans le roman, pratique qui transforme les failles en œuvre d’art. Cette technique consiste à recoller des morceaux de porcelaine brisée avec de l’or, en faisant ainsi une pièce de valeur.
Bref, c’est un livre qui fait du bien, même s’il met en scène des situations difficiles et une grande souffrance chez plusieurs personnages. Les grands chavirements fût pour moi l’équivalent d’un câlin réconfortant. J’aurais voulu en lire davantage, ne voulant pas me séparer du duo auquel je m’étais attachée tout au long de ma lecture. Il pourrait être intéressant de lire le récit du point de vue d’un autre personnage, que ce soit du petit Léo, de Fannie, la psychiatre superviseure de Camille, Jessica, la mère de Léo ou bien de Romain, le frère jumeau de Camille. Bien que ces personnages soient convenablement présentés dans l’œuvre, je serais curieuse de découvrir leur histoire en profondeur. Je retomberais volontiers dans ces grands chavirements.
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Lyne Vanier, Les grands chavirements, Laval, Saint-Jean, 2022.
Article rédigé par Mégane Therrien