Se rappeler. Comme un besoin intrinsèque de se conforter. Se dire que tout était mieux avant. Tout était mieux? Pas vraiment, mais il y avait l’espoir d’une révolution dans une société en ébullition. Comment se définir, s’inscrire dans ce temps si individualiste qui s’enfonce dans ses ornières? C’est à cela que nous convient Audrée Southière et Mathilde Addy-Laird dans la pièce solo T’en souviens-tu Pauline? présentée au studio de l’Espace Libre jusqu’au 19 avril.

C’est dans une mise en scène intimiste qu’Audrée Southière livre un hommage à Pauline Julien, la Passionaria du Québec. Pas l’amoureuse, pas l’artiste, pas la rue: la femme. Celle qui se tient debout pour ses convictions, celle qui les crie, qui les chante jusqu’à ne plus avoir de voix. Soutenue par une projection multimédia sombre et efficace, la comédienne tangue entre hier et aujourd’hui. Quelques pans de rideaux fins viennent compléter la scénographie: une métaphore des cordes d’un piano. Leurs emplacement et déplacement laissent libre cours à l’imagination. Trait de lumière d’un projecteur? Pluie triste d’une génération perdue? La finesse de ce décor en fait son charme. Sur le sol, une boîte noire. Dans un temps, signal d’une mort annoncée. La mesure suivante, musique d’un piano révolté. Mais le plus souvent, un banc de pensées interrompues. L’interprétation de la comédienne fournit elle aussi une multitude de possibilités et d’interprétations. Le seul bémol est celui de son ton trop tragique. Il ne servait à rien d’autre que de projeter à outrance. Comme ce Québec que nous appelons pays, la force de cette pièce réside dans sa tranquillité bouillonnante.

Vibrant hommage d’une voix qu’on entend peu à notre époque: celle de la jeunesse. Celle qui en marre du nombrilisme et qui rêve encore que finisse le temps des prisons pour que vienne le vrai visage de notre histoire. Mais il faudra qu’un jour cette génération laisse le passé derrière elle. Il faut cesser cette nostalgie d’une époque inconnue. Ne plus porter l’échec référendaire, ne plus rêver les poètes révolutionnaires, mais chercher à construire sa propre destinée. À coup de regards vers un moment qui bouillonnait, qui était probablement l’époque avec un grand « E » de l’histoire et de l’identité québécoise, toute une nouvelle génération de « refaiseurs de monde » oublie que c’est à elle d’inventer les règles, de jouer les dés de sa destinée. De rythmer la cadence à coups de printemps.
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T’en souviens-tu Pauline?, une création de Théâtre AcharnéE, présentée au studio de l’Espace Libre jusqu’au 19 avril. Audrée Southière interprète son texte écrit en collaboration avec Mathilde Addy-Laird qui signe la mise en scène.
Article par Marie-Michelle Borduas. Animatrice et chroniqueuse radio, amoureuse de théâtre et consommatrice avertie de musique! Je partage mon temps entre tous les théâtres et les salles de spectacles montréalais. 1001 projets parce que la tête bouillonne. Oh et j’ai aussi ce petit papier qui indique: bachelière en journalisme.