L’Auditorium de la Grande Bibliothèque était l’hôte mardi dernier de la première représentation de l’événement Théâtre à lire, produit conjointement par le Centre des auteurs dramatiques et de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Offert gratuitement au public, cet événement était le premier de quatre soirées qui se tiendront au courant de la saison 2011-2012.
Les soirées Théâtre à lire permettent l’exploration de l’univers d’un auteur dramatique, mettant la lumière à la fois sur les thématiques jalonnant son œuvre, à travers l’interprétation d’extraits significatifs, mais aussi sur le processus créatif qui caractérise le travail de l’auteur. Théâtre à lire est donc l’occasion d’un partage et d’un échange inouï, sans fards, entre un auteur et son public.
Pour entamer cette saison, on entrait dans l’univers du dramaturge et metteur en scène québécois René-Daniel Dubois. L’œuvre de cet auteur, né à Montréal en 1955, est riche, foisonnante et novatrice, de par les thèmes puissants qu’elle aborde, mais aussi par l’originalité et l’unicité avec lesquelles elle les met en scène. Cela ne tardera pas à faire de Dubois l’une des figures de proue du théâtre québécois. Formé à l’École nationale de théâtre du Canada et à l’Institut Alain-Knapp de Paris dans les années 1970, il publie Panique à Longueuil en 1980, mais c’est Ne blâmez jamais les Bédouins, pièce pour laquelle il se verra remettre le Prix du Gouverneur général du Canada, qui le propulsera véritablement en 1985. Des treize pièces que l’auteur a publiées jusqu’à aujourd’hui, plusieurs seront traduites dans de nombreuses langues et même une – Being at home with Claude – sera adaptée au cinéma par Jean Beaudin en 1992.
Tout au long de cette soirée d’une heure et trente minutes, on a pu se confronter à un thème majeur chez l’auteur : sa tentative de sonder les complexités des relations humaines, à travers la dimension du désir de l’autre. Au moyen d’extraits d’une grande intensité tirés de ses pièces Bob (2008) et Being at home with Claude (1986), Dubois a livré l’essence de ce qu’il décrit comme la beauté suprême de la vie, en expliquant que ce désir de l’autre est un aboutissement en soi, une finalité que tout être humain cherche à atteindre. « Apparaître dans les profondeurs de l’autre et lui permettre d’apparaître dans les nôtres », lance-t-il passionnément.
Furent abordés, dans la même optique, les thèmes de la perception de l’autre et des difficultés à saisir l’essence réelle de ce qu’on est et de ce que l’autre est. « Je n’ai pas l’air de ce que je me sens être », affirme lucidement un des personnages de Dubois. Fait alors aussi son entrée l’idée du rêve, sorte de projection secrète et insondable du véritable soi, qui, une fois atteint, permet une auto-compréhension. L’atteinte de ce rêve est par contre inévitablement parsemée d’obstacles, auxquels les personnages de Dubois se voient constamment confrontés.
C’est d’ailleurs quand, « de la forêt innommable où poussent nos rêves », René-Daniel Dubois peut les faire transiter « au monde tangible où nous beurrons nos toasts », qu’il considère que sa démarche créative est accomplie, du moins momentanément. Cette démarche s’éloigne de toute mécanique, loin de choix conscients et volontaires que pourrait faire l’auteur à travers les idées ayant germées en lui. « La pièce se met elle-même au monde » et au moyen d’un lent processus, « à travers moi, quelque chose se dit », conclut René-Daniel Dubois.
La prochaine édition des soirées Théâtre à lire se tiendra à l’Auditorium de la Grande Bibliothèque le mardi 6 décembre prochain et explorera l’univers de l’auteur François Archambault. C’est un rendez-vous.
La programmation ici.
Article par Félix Delage-Laurin.