Dans la toute petite galerie « Produit Rien » dans le Mile Ex, du 7 au 17 novembre 2024, on retrouve THREAD/BARE, l’alliance artistique entre la performeuse et créatrice multidisciplinaire AnneBruce Falconer et l’artiste visuel Randal Newman. Le duo partage l’aboutissement de leur rencontre autour d’une exploration de l’intériorité, de notre capacité à la partager et de toute sa sensibilité à travers une palette de médiums : performance, danse, art visuel et photographie.
À la galerie, vous ferez la rencontre d’une multitude d’interprètes de renommée internationale dans un contexte et une forme intimistes afin de rendre palpable leur sensibilité respective de tout proche. Rencontrez Peter Trosztmer, Margie Gillis, Louise Bédard et d’autres légendes de la scène contemporaine d’ici et d’ailleurs, qui vous offriront une série de courts actes performatifs in situ. Dans ces actes, iels se prêteront au jeu de partager au public leur dialogue intérieur avec les œuvres autour d’eux·elles, mais également à l’espace, à la musique et au public lui-même. Ce dernier sera toujours pris en compte dans l’équation. Le public est transporté par l’incarnation vivante du contact entre une œuvre matérielle et la sensibilité d’un individu.
Dans ce minuscule espace, le public fait aussi la rencontre avec une série d’œuvres arborant une signature commune : le fil rouge, qui est le porteur de toutes sortes de chemins significatifs en arts vivants et performatifs. On y retrouve l’idée du lien entre le public et l’artiste, mais aussi entre ses douleurs intérieures et extérieures, les blessures du monde. Puis, on y voit le sang, le cœur individuel et collectif, ce qui bat en les gens et hors d’eux, les veines qui nous traversent et, qui nous lient aux autres. Qu’est-ce qui nous rattache? À quoi (à qui?) et comment l’on s’attache? Ce fil rouge peut être envisagé comme moyen de strangulation ou d’étouffement de soi dans l’œuvre photographique de Randal Newman, qui consiste en une série de portraits d’AnneBruce Falconer entourée de fils rouges serrés sur la peau de son visage et de ses mains. On voit le fil traverser des plaques de plexiglass, tissant des mots, des dessins ou des formes de cicatrices. Cicatrisation est le mot clé : on sent que le corpus d’œuvres qui habitent l’espace et qui habitent le spectateur à la fois, se veut une guérison pour l’artiste, comme un vœu de soin, de réparation par l’introspection pour tous celles et ceux qui entrent en contact avec le produit artistique. Est-ce que l’art peut agir comme baume, comme outil de guérison individuelle et collective pour les blessures du monde?
C’est cette rencontre entre les moyens d’expression qui cristallise le souffle de vie, cette véritable mise à nu de l’âme que tentent de nous transmettre les artistes. Lorsqu’on porte un regard vers l’intérieur, lorsqu’on se voit véritablement dans notre transparence absolue, la vulnérabilité qui nous sculpte fait surgir toutes les douleurs des sphères émotionnelles et existentielles, qui sont souvent enfouies dans l’invisible de l’être. C’est cet invisible que les artistes cherchent à dévoiler, leur propre nudité intérieure, pour espérer qu’une fois à découvert, les douleurs et les réalités qui s’y attachent puissent entrer en contact avec celles des autres, nous, spectateurs et spectatrices, et possiblement dialoguer avec elles. Avec THREAD/BARE, les artistes tentent de s’exposer à cœurs ouverts pour se frayer un chemin en celui des autres, souvent recouverts de bien des couches superflues qui nous éloignent de la beauté qu’il y a dans la transparence et dans l’aveu de nos souffrances.
Une critique de Vincent Lacasse