Les Panthères rouges, c’est un collectif féministe, subversif et, surtout, non mixte « qui se nourrit de male tears » (p.4) depuis 2015. Les trois féroces qui le forment, Catherine Dupuis, Stéphanie Roussel et Kim Venn, ont réuni d’autres voix de femmes, le temps de publier un zine d’une quarantaine de pages. Le titre? GUÉDAILLES. En majuscule, s’il vous plaît, tout comme les premiers mots des poèmes puisque, parfois, les femmes doivent crier pour être entendues.

Crédit: Hugo St-Laurent/Page Facebook Panthères rouges
Le désir des artistes avant toute chose : « poétiser les tabous corporels et magnifier les abjections liées aux corps féminins. Les Panthères rouges revendiquent la beauté des tampons souillés, des vergetures, des infections urinaires, des diarrhées postboisson ». (p. 4) Le corps saignant, adipeux, hors-norme, jouissif, s’inscrit dès lors comme point de tension principal de la poésie. D’ailleurs, les photographies et les dessins de sang menstruel, de seins, de corps nus, de parties génitales, l’encrent dans le projet de manière assumée, originale. Parfois humoristiques, parfois provocantes, les images nuancent de manière intéressante les points de vue sur le féminin. Par exemple, Miriam Arseneault introduit ses photographies de taches de sang par une donnée factuelle : « Pour le plaisir de jouer avec la matière. Intriguée par ses textures et ses variations de ton. J’ai calculé environ 200 ml par cycle menstruel. » (p. 29).
Puis, l’audace. L’audace d’une poésie et d’une image où le féminin – dans tout ce que ce mot contient de force physique, morale et créatrice – démystifie, entre autres, ses crampes, ses globulines, ses orgasmes, ses poils et sa fatigue : « Il fallait en finir des dépressions hormonales et des craintes de grossesse : un médecin m’a installé un stérilet en cuivre. J’ai arrêté de pleurer 12 h par jour, 2 semaines par mois. Les larmes se sont transformées en marécages de sang » (p. 7), écrivent les Panthères rouges.
Les stratégies subversives des artistes reposent sur l’attention mise à décomplexer la chair, par le biais de l’image et de la langue, mais surtout par l’humour, comme l’exemplifient bien deux vers du poème Vulve love, écrit par Marie-Hélène Racine : « home sweet fucking home/ doux petit tapis d’entrée inclus dans la visite ». (p. 29) La langue ne se dépose jamais sur la page. Elle la déborde. Elle arrache, tache, exhibe, provoque. La langue prend son pied, quoi! « Je vais jouir. Je jouis en jet sur mon clavier », écrit Marie-Pier Sansregret dans son poème Chatroulette. Com. La langue écarte les jambes, sans honte, puisque, mesdames, comme l’écrit si bien Loriane Guay : « le saloon nous appartient désormais ». (p. 27)
La jouissance concerne surtout l’authenticité, l’appropriation tranchée, revendiquée du corporel et de ses déchets : « Chaque mois, je salis tout ce qui touche à ma vulve. Mes bobettes blanches, vertes, roses sont tachées de rouge, comme si je les avais embrassées avec la plus grande passion » (p. 8), écrivent de nouveau les Panthères rouges. Les guédailles jouissent du fait de dire Non! au filtre, au voile, à Photoshop, à la pudeur, et au discours bien-pensant, toujours limitatif, souvent cliché. Elles refusent en majuscule et en caractère gras l’image sociale unique trop souvent imposée, celle du corps propre, imberbe, lustré, anguleux, asexué. Le corps dans Guédailles est pluriel et affranchi. Comme quoi, parfois, les male tears peuvent servir la poésie.
Pour vous informer au sujet du collectif les Panthères rouges et pour savoir comment vous procurer Guédailles, consultez leur page Facebook.
Panthères rouges, Guédailles,Montréal, 2016, 42 p.
Article par Marie-Pier Lafontaine.