La Sala Rossa a accueilli la rentrée montréalaise d’Andre Papanicolaou le 1er octobre dernier. Auteur-compositeur-interprète acclamé autant par la critique que par le public, l’artiste en a profité pour présenter son dernier album, Strange Nights, sorti en février 2015. Entrevue avec cet artiste émergent dont la carrière musicale semble en pleine effervescence.

Il est assez rare qu’un artiste attende plusieurs mois après la sortie de son dernier album avant de monter sur scène. Andre Papanicolaou l’a pourtant fait et il assume totalement son choix. «Quand nous avons sorti Strange Nights, nous voulions prendre notre temps, justifie-t-il. L’été, il y a plein de festivals et de spectacles gratuits. Les gens sont sollicités de partout et essayer de se bouquer un show là-dedans est donc travailler un peu contre soi-même. À l’automne, c’est toujours un bon moment pour recommencer, puisque les gens sont prêts à retourner voir des spectacles en salle.»
Un album plus mature
Alors que le premier opus d’Andre Papanicolaou, Into the woods, Out of the woods, sorti en 2013, présentait une variété de chansons aux styles différents, l’album Strange Nights, lui, garde une ligne directrice de douceur, voire de sérénité. Papanicolaou l’explique par le temps de création différent entre les deux albums: «Tu as toute ta vie pour écrire ton premier album comparativement à environ un an pour le deuxième. Les influences et les styles que tu veux utiliser deviennent donc très condensés.» Il continue en indiquant qu’il a vécu peu de changements dans l’année d’écriture de Strange Nights. Il a eu une deuxième fille avec sa conjointe, mais étant déjà père, cela n’a pas changé la routine selon lui.
Il ajoute aussi que ce deuxième album est le fruit d’une prise de maturité de sa part. «Pour mon premier disque, j’essayais un peu de me prouver, de faire en sorte que les gens me prennent au sérieux. Il y a beaucoup de rock sur l’album parce que j’étais, jusqu’à ce point là, identifié comme un guitariste et, donc, je ressentais le besoin de refaire des chansons qui étaient très «guitares». Pour Strange Nights, je voulais faire un contraste conscient afin de ne pas pouvoir me répéter.»

Musicien d’abord et avant tout
La rentrée montréalaise du guitariste chanteur a aussi été retardée par ses collaborations avec d’autres artistes. «J’ai fait le tour du Canada et de l’Europe, mais pas toujours avec ma musique.» Papanicolaou a en effet accompagné Daran, Vincent Vallières et Patrice Michaud en tant que guitariste dans leurs plus récentes tournées. Il a par ailleurs réalisé le dernier album de ce dernier. L’artiste estime que ces collaborations l’aident à avancer. «Travailler pour les autres ou travailler pour soi-même, ce n’est pas nécessairement deux choses différentes.» Ce sont des choses qui, au contraire, se complètent très bien à son avis. «Je suis musicien d’abord et avant tout. Travailler avec des gens qui acceptent de partager leur travail et leur musique avec moi, ça me permet d’apprendre.» Il ne se sent jamais déstabilisé d’alterner entre sa carrière solo et celle de ses collaborateurs. «Au contraire, ajoute-t-il, ça fait partie du métier que je fais!»
Andre Papanicolaou ne fait pas que chanter: c’est aussi un guitariste accompli. Autodidacte, il a commencé à jouer de son instrument à 14 ans. «Sans prendre de cours ou rien, j’ai compris comment ça marchait. Ce n’était pas nécessairement bon, mais j’ai compris la logique de la chose.» Il admet qu’il y avait beaucoup de trous dans son apprentissage. Pourtant, 24 ans plus tard, il est l’un des rares musiciens de la scène montréalaise à pouvoir se vanter de vivre de sa musique.
Lorsqu’il parle de son processus créatif, Andre Papanicolaou est clair: il s’inspire de tout ce qu’il écoute. «Il y a tout le temps quelque chose qui va venir me chercher, élabore-t-il, que ce soit une note ou une tournure de phrase.» Parce que ça peut prendre des années avant d’avoir un «flash», selon lui. Parfois, ça vient en buvant du café, parfois en plein milieu de la nuit. «L’inspiration est mystérieuse comme ça».
Il ajoute que tout créateur comme lui veut avoir cette ouverture auditive. «Il faut que tu deviennes une antenne: tu t’ajustes afin de capter tout ce qui est autour de toi, pour ensuite le garder de côté et y revenir plus tard.»
Le français en ligne de mire
L’auteur-compositeur-interprète de 38 ans, qui n’a fait paraître que des chansons en anglais, avoue également que beaucoup de son inspiration pour les textes provient de la culture anglophone. «J’ai grandi et étudié en anglais, dit-il. Ça me vient naturellement.» Les références surgissent d’ailleurs plus rapidement et les mots se placent mieux.
Cependant, l’artiste montréalais n’exclut pas d’éventuels projets en français. «Le français est une langue tellement riche. Je trouve que ça ouvre plein de possibilités.». Il espère en fait sortir un album francophone, à condition que ça en vaille la peine. «Si je mets mon nom sur quelque chose, il faut que ce soit bon au moins à mon avis, mais les essais que j’ai fait de chansons en français n’accotaient pas ce que je suis capable de faire en anglais.» Considérant que ça ne valait pas la peine de forcer la chose, Papanicolaou a donc préféré mettre ces projets sur la glace et se concentrer sur ce qui est le plus naturel pour lui.
De toute façon, même s’il reporte son saut vers la musique francophone pour le moment, Andre Papanicolaou n’en reste pas moins occupé. En plus de sa carrière solo, il a des projets avec son groupe Charley Davidson, mais aussi avec d’autres artistes, dont Pierre Flynn, pour qui il est guitariste de tournée. De plus, il réalisera prochainement les disques de Joseph Edgar, de Mordicus et d’Andréanne A. Malette. «Je suis très occupé, conclut-t-il, mais c’est un beau problème.»
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Andre Papanicolaou était en spectacle à la Sala Rossa le 1er octobre dernier. Des extraits de son plus récent album, Strange Nights, sont en écoute libre sur son site.
Article par Marie-Jeanne Dubreuil. Étudiante en première année en journalisme à l’UQAM.