Mercredi dernier, l’Artichaut a assisté à la première médiatique de La genèse de la rage, pièce écrite et mise en scène par Sébastien Dodge, présentée à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 21 mai. Et si la pluie terrassait la ville en ce début de soirée, ce n’était rien en comparaison à l’ambiance apocalyptique qui attendait les spectateurs.
Un accouchement sanglant, crasse et gluant, celui d’Otho, un poupon à l’esprit déjà mature dont l’expression faciale désespérée parait annoncer les dures années qui l’attendent. Dans un univers imagé totalement grotesque aux personnages comiquement lugubres grandit le souffre-douleur Otho entouré de sa mère au caractère tout aussi imposant que sa voix et de son père à la présence tout aussi effacée que son silence. De la naissance à l’âge adulte, le protagoniste vit dans un éternel cauchemar où les coups de poing s’enchaînent sans cesse et où le sang gicle comme la fontaine de jouvence. Ce qui se démarque de la pièce reste bien entendu l’ambiance chargée d’un burlesque à l’esprit circassien, mais surtout la qualité de chaque personnage. Extrêmement typé et pourtant très original, l’ensemble du jeu des acteurs, de leur faciès hyper expressif au moindre détail corporel, est magnifiquement bien orchestré. Que ce soit Otho, le chef du village, les pauvres ou la majorette, leur présence constitue un délice autant pour l’œil que pour l’esprit.
En revanche, la richesse du jeu efface parfois la dramaturgie qui, dans une poétique triviale très chargée, embrouille le récit plus qu’il ne le construit. Bien que la beauté des mots rende merveilleusement bien l’ambiance, l’énergie émotive toujours intensément tragique étouffe quelque peu l’entièreté du propos. La genèse de la rage reste pourtant une pièce qui, par son atmosphère peu commune et la qualité de son ensemble autant visuel que musical, vaut certainement le détour. Son humour noir promet un bon divertissement qui pousse tout de même, au final, à une certaine réflexion sur le caractère de notre société.
Article par Frédéricke Chong.