Le 6 mai dernier paraissait Au nom des animaux, un livre relatant les 150 ans d’histoire de la SPCA de Montréal (Somme toute, 2019), première organisation vouée au bien-être des animaux au Canada. Sur plus de 400 pages, cet ouvrage richement documenté et magnifiquement narré fournit non seulement un portrait riche de l’évolution de la SPCA, mais aussi des premières sociétés européennes de protection des animaux et des courants philosophiques lui ayant pavé la voie. J’ai eu le privilège de m’entretenir avec Virginie Simoneau-Gilbert (étudiante de la maîtrise en philosophie à l’Université de Montréal), l’autrice et chercheuse derrière ce projet colossal.
Virginie, peux-tu nous parler de ton rapport avec la SPCA et les droits des animaux avant d’amorcer le projet d’écriture de ce livre?
Depuis un très jeune âge, j’ai une grande sensibilité à l’égard des animaux. Comme je suis fille unique, mes parents m’ont entourée d’animaux quand j’étais enfant. À travers ce partage de mon quotidien avec des animaux, j’en suis venue à développer très tôt un certain « sens moral » à leur endroit, avant même de pouvoir rationaliser ces obligations via des arguments moraux ou environnementaux. Par exemple, j’ai déjà refusé de manger de la viande à certains repas, ou encore fait des crises à ma mère parce qu’elle avait écrasé des fourmis…
Puis, à partir de l’âge de 16 ans, j’ai commencé à m’intéresser à la question animale d’un point de vue philosophique. Je suis devenue végétarienne à cet âge et, en 2015, j’ai rendu un essai sur l’évolution de notre conception des animaux dans l’histoire de la philosophie comme travail final pour mes études au collégial. J’étais tellement intriguée par cette question qu’en m’inscrivant en philosophie à l’université, je savais déjà que mon domaine de recherche allait être la question animale.
Par ailleurs, au même moment, j’avais commencé à publier quelques articles à ce sujet dans le Huffington Post. Ces articles m’ont permis de rencontrer Élise Desaulniers, qui était alors autrice, mais qui allait devenir la directrice générale de la SPCA de Montréal en 2016. Comme elle avait beaucoup apprécié mes textes parus en 2015, elle a décidé de m’offrir d’écrire un ouvrage sur l’histoire de la SPCA de Montréal. C’est de cette manière que le projet du livre est né au printemps 2017.
Concrètement, quelles ont été les grandes étapes de cette recherche d’envergure?
La première grande étape a été de trouver les archives de la SPCA et de la littérature secondaire pour pouvoir établir une première table des matières générale pour le livre. Celle-ci allait être présentée au comité de direction de la SPCA de Montréal à l’été 2017 afin que le projet soit approuvé. Il me fallait donc survoler les sources mises à ma disposition assez rapidement. À cet égard, le petit livre de Beatrice Johnston, L’animal sans défense: l’histoire de la Société canadienne de protection des animaux (1869 – 1969), réalisé pour le 100e anniversaire de la SPCA s’est révélé d’une très grande utilité. Court et concis, l’ouvrage m’a permis de retracer rapidement les grandes lignes de l’histoire de la SPCA (ses grands projets, son évolution, ses revendications, etc.), et de livrer ma table des matières préliminaire.
Par la suite, les étapes importantes ont surtout été de me plonger sérieusement dans les archives de la SPCA, les articles de journaux d’époque et la littérature secondaire. À partir des sources, j’ai pu ajuster ma table des matières et sauter tête première dans la rédaction. Je me suis consacrée jour et nuit à la recherche et à l’écriture du livre de mai à novembre 2018. Ça a été très intense!
Quels ont été les plus grands défis à travers cette recherche et sa rédaction?
Mon plus grand défi a surtout été d’ordre archivistique. Quand on m’a proposé le projet, aucun employé à la SPCA ne savait où se trouvaient les archives, ni même s’il y en avait. C’est en consultant un article du politologue Darcy Ingram que j’ai découvert en août 2018 qu’un fonds d’archives de la SPCA avait été légué au Musée McCord dans les années 1990. J’ai donc dû décortiquer les archives très rapidement. Or, malgré l’excellent travail de préservation et de classification effectué par le centre d’archives du musée, plusieurs documents d’époque se sont avérés illisibles, endommagés ou en partie absents du fonds.
Outre ces difficultés propres à la documentation, j’ai rencontré un obstacle majeur: la quasi-absence d’ouvrages ou d’articles consacrés à l’histoire de la cause animale au Québec et au Canada. Contrairement au mouvement des droits des animaux en Angleterre et aux États-Unis, l’histoire des organisations de défense des animaux est très peu étudiée ici. Bien entendu, on trouve des articles et des ouvrages de très grande qualité sur la cause animale au Canada, mais ces études se concentrent principalement sur la période dite « victorienne » de la cause animale, qui s’étend des années 1830 jusqu’au début du 20e siècle. C’est surtout la naissance des premières SPCA au Canada qui retient l’attention des historiens. On retrouve donc très peu de travaux sur l’histoire plus récente du mouvement de protection des animaux.
Je me suis ainsi trouvée devant un manque d’études sur la question animale, études qui m’auraient permis de mieux encadrer ma recherche et ma rédaction, ou encore de valider certaines intuitions. Additionnées au fait que je possède uniquement une formation collégiale en histoire, ces difficultés m’ont fait douter de mes capacités à mener à bien ce projet. J’ai été affectée par « le syndrome de l’imposteur » qui, j’en suis convaincue, affecte plusieurs jeunes femmes chercheuses. Je me questionnais sans cesse: suis-je la bonne personne pour écrire cet ouvrage? Ma méthodologie est-elle exacte? Vais-je réussir à rendre un livre crédible et solide sur le plan des sources? Finalement, on dirait que ça ne s’est pas si mal passé!
As-tu fait des découvertes surprenantes? Lesquelles?
J’ai fait deux découvertes particulièrement étonnantes au cours de mes recherches. Premièrement, j’ai réalisé que plusieurs des membres fondateurs de la SPCA de Montréal appartenaient à une bourgeoisie que l’on pourrait qualifier de « coloniale ». Avant d’entamer de manière plus approfondie mes recherches, j’étais bien consciente que les pères fondateurs de la SPCA appartenaient à la classe des affaires anglo-protestante de Montréal. Or, j’ignorais que certains d’entre eux avaient été impliqués dans des activités de nature coloniale. Je songe, par exemple, à Thomas Workman, qui a été un membre actif du Doric Club, un club paramilitaire radical fondé en 1836 par Adam Thom, un francophobe notoire. Le groupe s’opposait aux Rébellions des patriotes et avait pour mission de « conserver le lien britannique » au Canada. Selon l’Encyclopédie canadienne, Thomas Workman, un des membres fondateurs de la SPCA, « était fier d’appartenir à cet organisme dont, plus tard, il rappelait avec attendrissement les exploits. »
Outre le cas assez spectaculaire de Workman, d’autres pères fondateurs de la SPCA ont joué un rôle important dans la préservation des intérêts britanniques en Amérique du Nord. C’est le cas, entre autres, de John Abbott, qui a rédigé la charte de fondation du chemin de fer du Canadien Pacifique et qui a été premier ministre du Canada de 1891 à 1892.
J’ai aussi découvert que la SPCA de Montréal, à ses débuts, dépendait largement de l’appui financier des chasseurs du Montreal Hunt Club qui pratiquaient la chasse à courre sur le mont Royal. L’implication des chasseurs auprès de la SPCA peut sembler quelque peu contradictoire aujourd’hui, considérant que la SPCA a une politique officielle contre la chasse sportive, aussi appelée « chasse de trophée ». Or, à l’époque, les hommes qui s’adonnaient à la chasse au renard portaient avec eux une vision de la conservation, de la gestion de la faune et du bon traitement des animaux. De même, ils entretenaient un grand intérêt pour les chevaux, lesquels étaient mis en valeur dans la pratique de la chasse à courre. Par conséquent, il allait de soi pour ces hommes de se montrer généreux à l’endroit d’une organisation vouée à la protection des chevaux de la métropole. D’ailleurs, leur soutien financier était si important qu’à la fin du 19e siècle, la SPCA de Montréal a refusé de se prononcer sur la chasse, sous prétexte que l’organisation ne pouvait «abandonner aussi facilement une telle source de revenus[1].»
À tes yeux, quelles seraient les transformations ou évolutions les plus marquantes au sein de la SPCA depuis ses débuts?
La transformation la plus importante de la SPCA depuis 1869 est sans doute l’ouverture de son refuge pour chiens et chats. Au 19e siècle, la SPCA se consacrait principalement aux chevaux maltraités de la ville, mais au tournant du siècle, elle s’intéresse de plus en plus au sort des chiens et des chats. En 1914, elle ouvre son premier refuge dédié aux animaux de compagnie sur la rue De Montigny (aujourd’hui de Maisonneuve), dans le Quartier latin. Cet intérêt croissant pour les chats et les chiens est attribuable à deux causes: 1) le remplacement graduel des chevaux par la voiture à moteur et 2) l’implication de plus en plus importante des femmes au sein du mouvement de protection animale.
Ces dernières, qui accordent une grande valeur sentimentale à leurs animaux de compagnie, se montrent financièrement généreuses à l’endroit des sociétés protectrices des animaux. Dans le cas de certaines, comme les militantes féministes Séverine et Marie Huot en France, elles s’identifient à la situation sociopolitique peu enviable des animaux et tracent explicitement des parallèles entre le statut des animaux et celui des femmes au début du 20e siècle. Enfin, plusieurs s’impliquent dans des ligues contre les vivisections, des dissections expérimentales pratiquées sur des animaux vivants. Cette pratique était en vogue à l’époque, dans le contexte du développement de la médecine expérimentale par Claude Bernard.
C’est également aux femmes que l’on doit les premiers refuges dédiés aux animaux de compagnie. Dans les années 1870, la Section des Dames de la SPCA de la Pennsylvanie fait pression pour que les autorités de la ville de Philadelphie lui confient la gestion des fourrières. Ce mode d’action sera officiellement adopté en 1880 par les autres organisations de défense des animaux à l’occasion du huitième Congrès international des sociétés protectrices des animaux tenu à Bruxelles. La SPCA de Montréal se montre aussi intéressée par le projet et, en 1896, lors de l’assemblée générale annuelle, les membres expriment leur volonté d’aller de l’avant avec le projet du refuge. Ce dernier sera concrétisé quelques années plus tard.
Quels sont les aspects de la SPCA ayant persisté jusqu’à aujourd’hui?
Le bon traitement des chevaux a toujours été une préoccupation importante dans l’histoire de la SPCA de Montréal. C’est d’ailleurs pour protéger ces animaux contre la cruauté et la négligence que l’organisation a été fondée en 1869. À la fin du 19e siècle, les chevaux étaient omniprésents à Montréal. La démographe Sherry Olson estime qu’environ 400 chevaux par heure pouvaient passer sur la rue Saint-Antoine, dans le Vieux-Montréal, et que la ville ne comptait pas moins de 3000 écuries non drainées ou ventilées pour la plupart.
Même dans le contexte de l’avènement de l’automobile, les chevaux sont demeurés très présents à Montréal et ce, jusque dans les années 1960. Dans la première moitié du siècle, ils sont encore utilisés pour plusieurs services: pour le déneigement (jusque dans les années 1920), pour le service des incendies (qui délaissera ces animaux en 1936) ou encore pour les postes (jusqu’en 1938). Dans les années 1940, environ 3000 chevaux sont encore employés dans la ville pour la livraison de la glace, du pain et du lait. La SPCA de Montréal leur prête ainsi régulièrement assistance, par exemple en mettant de l’eau à leur disposition ou encore en les secourant en temps de canicule.
De même, les chevaux peuvent être aperçus sur le mont Royal jusque dans les années 1960, où les écuries de louage foisonnent. Les animaux pouvaient alors être « loués » pour des promenades sur la montagne, ce qui ne manquera pas d’attirer l’attention de la SPCA de Montréal. De la même manière, ils sont employés par l’industrie des calèches du Vieux-Montréal, laquelle fait déjà l’objet de critiques de la part de la SPCA dans les années 1990. L’interdiction des calèches, à partir de l’année 2020, marque ainsi la fin d’une longue histoire de relations complexes et souvent conflictuelles entre les animaux et les habitants de Montréal.
Comment la vision, le traitement et le statut des animaux au Québec ont-ils évolué depuis les débuts de la SPCA en 1869?
Depuis le 19e siècle, plusieurs avancées légales et sociales sont à souligner: premières lois contre la cruauté animale, interdiction des combats d’animaux, interdiction d’utiliser des oiseaux vivants pour le tir de précision, interdiction des chirurgies esthétiques sur les animaux, octroi du statut « d’être sensible » aux animaux, éducation du public à l’importance de la stérilisation et de l’adoption, etc. Même si beaucoup de travail reste à faire, le mouvement de protection des animaux a fait des progrès majeurs au Québec depuis 150 ans. Petit à petit, les sociétés protectrices des animaux réussissent à faire interdire certaines pratiques et à faire évoluer notre vision collective des animaux.
Toutefois, les motivations des défenseurs des animaux ont beaucoup évolué depuis 150 ans. Aux 18e et 19e siècles, il s’avérait crucial de protéger les animaux contre les actes de cruauté, mais cette importance accordée au bien-être animal s’accompagnait de croyances fortes entourant les actes de sadisme commis durant l’enfance. Déjà, à l’époque, l’idée reçue selon laquelle des gestes de violence perpétrés sur des animaux dans l’enfance laisseraient présager des actes de violence à l’âge adulte était une croyance très répandue.
Par ailleurs, plusieurs philosophes et représentations visuelles ont contribué à propager cette idée. On peut penser à Emmanuel Kant et à John Locke, ou encore à la série de gravures The Four Stages of Cruelty de William Hogart. Dans ce contexte de peur sociale, il s’avérait crucial de prohiber les actes de cruauté commis sur les animaux non pas pour protéger les bêtes elles-mêmes contre des gestes de sadisme, mais par peur que la violence ne se répande parmi les êtres humains. Un tel contexte social et philosophique permet d’expliquer pourquoi les sociétés protectrices des animaux ont accordé une importance toute particulière à l’éducation des enfants, et ce, dès leurs premières années d’activité.
Au Canada, la juriste Lesli Bisgould et le politologue Darcy Ingram émettent également l’hypothèse selon laquelle les pères fondateurs de la SPCA de Montréal, de riches hommes d’affaires pour la plupart, se seraient intéressés à la cause animale pour des raisons d’ordre économique, principalement. Un cheval en santé, bien soigné et protégé légalement des actes de cruauté s’avérait plus rentable à l’entreprise qu’un cheval maltraité. Dès lors, il fallait protéger les chevaux non pas pour eux-mêmes, mais plutôt pour favoriser une certaine vitalité économique pour les industries.
Or, aujourd’hui, le mouvement des droits des animaux – et en particulier le mouvement végane, s’appuie sur des prémisses bien différentes pour justifier son action. Depuis les années 1970, avec le développement de l’éthique animale comme champ de recherche universitaire, on assiste à de plus en plus de réflexions d’ordre moral sur la valeur en soi des animaux, sur leur sensibilité au plaisir et à la douleur et sur les responsabilités qui incombe aux êtres humains. Dès lors, il ne s’agit plus tellement de protéger les animaux pour limiter la violence parmi les êtres humains ou encore pour rentabiliser les entreprises, mais plutôt pour limiter la souffrance des animaux. Ces derniers ont des intérêts fondamentaux: des intérêts à vivre, à ne pas souffrir ou encore à exprimer des comportements naturels, qu’il incombe de respecter.
Quelles sont les idées reçues les plus courantes au sujet de la SPCA et quelles sont tes réponses à celles-ci?
Le préjugé le plus répandu entourant la SPCA de Montréal est celui selon lequel elle aurait à cœur uniquement le bien-être des chiens et des chats. Bien entendu, son refuge dédié aux animaux de compagnie est le grand projet qui mobilise le plus ses ressources humaines et financières.
Cela dit, la SPCA reçoit beaucoup d’animaux d’élevage et des animaux issus de la faune urbaine à son chenil. Dans un même ordre d’idées, il est arrivé dans son histoire qu’elle procède à la saisie d’animaux exotiques ou en captivité, comme ceux du zoo de Saint-Édouard en ce moment.
Enfin, ce que j’ai tenté de démontrer dans cet ouvrage, c’est que la SPCA tente de protéger des animaux de toutes les espèces contre les abus et l’exploitation. Au 19e siècle, l’organisation se portait à la défense des chevaux, mais aussi des coqs utilisés dans les combats, des chiens errants et des animaux d’élevage. Déjà, à cette époque, elle inspectait les abattoirs et les wagons de train dans lesquels les animaux de ferme étaient transportés. Puis, dans la première moitié du 20e siècle, elle s’est tournée graduellement vers la protection des chiens et des chats, tout en continuant de surveiller les chevaux qui étaient toujours utilisés pour certains services dans la métropole. Enfin, à partir des années 1960, elle a diversifié ses revendications et a commencé à critiquer un plus grand nombre d’industries: l’expérimentation animale, la chasse aux phoques, les élevages d’animaux à fourrure, etc. L’histoire de la SPCA de Montréal n’est donc pas seulement celle de son refuge pour chiens et chats.
Quels sont les prochains projets de la SPCA?
La SPCA de Montréal a mis sur pied deux programmes novateurs en 2019: un programme pour les chatons orphelins et un autre pour les animaux en fin de vie. En effet, l’organisation reçoit beaucoup de chatons de moins de deux mois qui arrivent au refuge sans mère. En raison de leur trop jeune âge et des soins importants qu’ils requièrent, ces petits chats ne peuvent être adoptés dans l’immédiat. Devant cette situation, la SPCA avait mis sur pied, en 2018, un projet pilote qui consistait à offrir des formations aux familles d’accueil prêtes à prendre en charge les chatons. En 2019, l’organisation a pour objectif de recueillir 40 chatons orphelins non sevrés.
La SPCA a également mis sur pied un programme de soins palliatifs pour les chats et les chiens en fin de vie. Le programme consiste à fournir tous les soins nécessaires pour les animaux âgés ou gravement malades et à transférer ces derniers dans des familles d’accueil. Les familles ont pour mandat d’assurer une belle fin de vie – remplie d’amour, aux animaux.
Quelles sont les manières de s’impliquer dans la SPCA et sa mission?
Il existe plusieurs façons de prêter main-forte à la SPCA de Montréal. L’organisation est souvent à la recherche de bénévoles. Certains types de bénévolat nécessitent une formation particulière (par exemple, pour les promeneurs de chiens), mais d’autres activités bénévoles sont accessibles pour quiconque souhaite donner quelques heures par semaine aux animaux. C’est le cas, par exemple, du Petfinder – un service de la SPCA qui permet de consulter en ligne la liste des animaux disponibles pour adoption.
Pour ceux et celles qui n’auraient pas le temps de s’impliquer au chenil, les dons sont toujours les bienvenus. Comme les revenus de la SPCA proviennent à 90% du public, l’organisation accueille toujours avec enthousiasme les nouveaux donateurs. Outre le bénévolat et les dons, diffuser les différents projets et pétitions de la SPCA sur les réseaux sociaux ou auprès de son entourage aide toujours à faire connaître la mission de l’organisation et ses diverses activités.
En ce moment, à quoi ressemble le statut des animaux au Canada par rapport à ailleurs dans le monde?
Il est difficile d’établir un portrait général de la législation entourant le bien-être animal au Canada, car les provinces peuvent adopter des lois qui leur sont propres en matière de protection des animaux. À l’échelle fédérale, le Code criminel canadien régit la cruauté envers les animaux.
Au Québec, les animaux sont officiellement reconnus comme des êtres sensibles dotés d’impératifs biologiques en vertu de la Loi sur le bien-être la sécurité de l’animal de 2015. Cela constitue une avancée majeure dans la terminologie légale. Avec cette nouvelle loi, le Québec est aussi venu rattraper son important retard par rapport aux autres provinces canadiennes, retard dû notamment à l’absence de régulation des usines à chiots. C’est d’ailleurs en raison de la prolifération de ces élevages illégaux qu’en 2012, le Animal Legal Defense Fund avait classé le Québec avant-dernier, derrière le Nunavut, au classement des législations canadiennes les plus sévères en matière de protection animale.
De plus, au Canada, plusieurs avancées majeures sont à souligner pour l’année 2019, comme l’interdiction de garder en captivité des baleines et des dauphins et l’interdiction d’importer des ailerons de requin. Une loi interdisant les tests sur des animaux pour les produits cosmétiques sera peut-être adoptée au cours des prochaines semaines.
En revanche, le Québec a aussi beaucoup de chemin à faire sur plusieurs enjeux spécifiques. Le dégriffage n’y est pas interdit, alors que d’autres États ont prohibé la chirurgie. C’est le cas, par exemple, du Manitoba et de l’État de New York. De même, au Québec, les propriétaires peuvent refuser arbitrairement un locataire en raison de son animal de compagnie, alors que ce n’est pas le cas en Ontario, en France ou en Belgique, où les clauses interdisant les animaux sont interdites dans les baux résidentiels. Même si nous avons raison de célébrer les victoires récentes, le Québec a aussi beaucoup de retard à rattraper.
Y a-t-il des pays qu’on devrait suivre en exemple au chapitre de l’éthique animale?
Selon moi, les pays scandinaves, en particulier la Suède et la Norvège, constituent des exemples très intéressants en matière de bien-être animal. La Suède a maintenant une nouvelle loi de protection des animaux qui est entrée en vigueur le 1er avril 2019 et qui comporte plusieurs avancées majeures: l’interdiction d’abandonner un animal; l’amélioration du bien-être des animaux d’élevage et de compétition; la diminution du nombre d’élevages d’animaux à fourrure; et l’interdiction des éléphants et des otaries dans les cirques. Les rhinocéros, les singes et les girafes avaient déjà été interdits.
De même, en Norvège, il existe depuis 2009 une sorte de « police des animaux », c’est-à-dire un service de police entièrement consacré à la défense des droits des animaux. Le Animal Welfare Act de 2009 donne ainsi le pouvoir et l’obligation à chaque citoyen de venir en aide à un animal en détresse, et ce, en alertant les autorités. La Norvège compte également interdire définitivement tous les élevages à fourrure d’ici 2025.
Enfin, de 1992 à 2010, le canton de Zurich, en Suisse, possédait un avocat des animaux chargé de défendre ses « clients » victimes de mauvais traitements. Le poste a été supprimé récemment à la suite d’un référendum sur l’avenir de cette fonction, où le « non » a remporté 70,5% des voix.
Toutefois, un tel poste pourrait très bien être transposé sur le plan politique, ou une sorte de « représentant particulier » ou un « conseil des animaux » pourrait être chargé de veiller au respect des intérêts fondamentaux des animaux dans la prise de décisions politiques. Faire avancer la question animale, c’est inciter le public et les décideurs politiques à être plus attentifs aux besoins que nous expriment les animaux et à considérer ces besoins au moment de prendre des décisions individuelles ou collectives. Une telle fonction pourrait être assumée par un représentant des animaux.
À ton avis, quels sont les meilleurs moyens pour amener le public à prendre conscience de ces enjeux?
Pour moi, les modes d’action de la SPCA de Montréal offrent un modèle intéressant de sensibilisation du public aux enjeux entourant le bien-être animal. Au cours de son histoire, la SPCA a toujours orienté ses actions de deux « pôles »: un pôle plus « critique » de notre traitement des animaux et un pôle un peu plus « éducatif ».
Par exemple, si nous nous penchons sur la question des conditions de vie des animaux de ferme, la SPCA a mené plusieurs campagnes dénonçant la manière dont ces derniers sont élevés. On peut songer à la campagne de la réforme du transport de 2017 ou encore à la campagne AniMAL de 2018, dont la principale revendication était une meilleure protection légale des animaux de ferme.
D’un autre côté, la SPCA a offert des outils au public afin que la population modifie peu à peu ses habitudes alimentaires. Le livre de recettes véganes Cuisine fine, lancé en 2016, puis réédité en 2017 sous le titre Saveurs véganes, offre un exemple de l’importance accordée à la sensibilisation du public par la SPCA de Montréal. Ces deux modes d’action – critique et éducatif, peuvent également s’appliquer à d’autres enjeux, ou encore être utilisés par quiconque souhaite sensibiliser son entourage à la protection des animaux.
Quel serait ton plus grand souhait par rapport à cette publication?
Il s’agit du premier ouvrage en français consacré à l’histoire de la cause animale au Québec. J’aimerais que mon ouvrage encourage la recherche sur l’histoire de la cause animale au Canada, et particulièrement la recherche en langue française. Avant de commencer la rédaction de ce livre, aucun article ou ouvrage ne dressait un portrait général de l’évolution de la cause animale au Québec, du 19e siècle à aujourd’hui. Le manque d’études sur le mouvement des droits des animaux au Canada, et particulièrement celles qui concernent le 20e siècle, a été un obstacle important à ma rédaction. Essayer de tracer les grandes lignes du mouvement de protection animale, c’était comme défricher un sentier en pleine forêt.
Or, maintenant que ce livre existe,
j’espère que des chercheurs pourront s’y référer pour leurs propres travaux et
qu’ils se sentiront encouragés à approfondir la question. Mon livre est loin
d’être exhaustif et j’espère qu’il sera le premier d’une longue série
d’ouvrages sur cette histoire.
[1] «Deux justices», La Presse, 26 janvier 1898, p. 5.
Article par Fanie Demeule.