Batteur dans le groupe de musique Sex Machine Octopus et étudiant en écologie à l’Université du Québec à Montréal, Samuel Morissette a une passion certaine pour la musique. En plus de son engagement auprès de son groupe rock alternatif, il a longtemps pratiqué la guitare, la composition et le chant. Marie-Andrée Labonté-Dupuis a réalisé une courte entrevue avec Samuel Morissette, pour le compte de l’Artichaut, afin d’en connaître davantage sur le parcours peu commun de cet artiste et étudiant.
Marie Andrée Labonté-Dupuis: En tant que l’un des trois membres fondateurs de Sex Machine Octopus, tu t’impliques dans ce groupe rock alternatif depuis le secondaire. Peux-tu expliquer l’évolution de ce groupe qui est aujourd’hui composé de quatre musiciens permanents ?
Samuel Morissette: Comme beaucoup de bands qui se rallient dans une passion pour la musique, le groupe s’est formé au secondaire, au collège Ville-Marie. Il y avait un local de musique disponible, un peu sketch. C’est dans ce local, après les cours, que j’ai développé une grande complicité avec Laurent Boland et Oliver Cohen-Daigle, respectivement le bassiste et le chanteur du groupe et qu’on a commencé à jammer ensemble. Au début, je jouais seulement de la guitare. Il y avait une batterie dans le local, mais on n’avait pas de drummer. Je me suis donc improvisé batteur dans les premiers jams. On se réunissait après l’école, de 15 à 30 minutes. Ces trois dernières années, on a fait beaucoup de spectacles qui nous ont permis d’évoluer. D’ailleurs, c’est à l’occasion d’un spectacle au Club Soda qu’on a ajouté un autre membre à notre groupe. On y pensait depuis un moment, pour être davantage complet au niveau de notre composition musicale, à prendre un autre musicien au sein du groupe. Georges, le grand frère d’une amie, a étudié en guitare classique au cégep de Saint-Laurent. On lui a demandé s’il était partant pour venir dans notre local après les cours, [pour] jammer. C’est particulier, quand ça fait longtemps que tu fais de la musique avec les mêmes personnes, d’essayer d’ajouter une personne externe. Et avec Georges, ç’a été naturel dès le début. Ç’a vraiment été un coup de foudre.
MALD: Ancien étudiant en batterie jazz au cégep de Saint-Laurent, tu étudies désormais en écologie à l’UQAM, domaine pour lequel tu te passionnes. Crois-tu que cette autre passion contribue à faire de toi un meilleur musicien ? T’apporte-t-elle quelque chose de plus comme artiste au plan professionnel ?
SM: Je dirais que ça ne fait pas de moi un meilleur musicien, mais que c’est complémentaire à mon développement. L’écologie c’est un domaine qui me passionne, parce que ça m’amène à observer le monde autour de moi. En musique, c’est plus focussé sur nous-mêmes, c’est plus individualiste comme manière de voir les choses. En écologie, je côtoie des gens qui pensent au monde autour d’eux. Étudier en écologie ne fait pas de moi, de manière pragmatique, un meilleur musicien, mais cela fait de moi un meilleur individu. Ça m’amène à avoir une sensibilité différente donc peut-être que ça m’inspire sur le plan musical. Il y a une reconnexion avec la nature vraiment importante en écologie qui m’apporte beaucoup dans mon cheminement personnel et la musique fait partie de ce cheminement personnel : les deux évoluent en parallèle. L’écologie me permet réellement de me concentrer et d’observer le monde autour de moi.
MALD: Le groupe vient a sorti en octobre 2018 son dernier single Safe N’ Sound, qui fera partie du tout nouvel album qui est en cours d’enregistrement et qui devrait paraître au cours de l’automne 2019. Que peux-tu nous dévoiler de cet album ? En quoi se différencie-t-il de vos précédentes compositions ?
SM: Avec Sex Machine Octopus, on a fait beaucoup de spectacles, depuis trois ans. On a arrêté un peu dans la dernière année pour se concentrer sur l’album. On a composé beaucoup de chansons et on a sorti un EP : Fish In the Sea en 2016, mais l’album censé sortir en octobre ou en novembre 2019 sera un album complet sur lequel on travaille depuis longtemps. Il y a des chansons qu’on fait en show depuis longtemps, qui nous ont permis de mûrir, et d’évoluer, mais qui ne seront pas sur l’album. La musique qu’on compose en ce moment et la musique qu’on joue sont complètement différentes dans un sens évolutif. La musique qu’on compose actuellement est plus mature, j’ai hâte de la faire découvrir à notre public. Depuis la parution de notre EP, on a évolué autant sur le plan de nos capacités musicales que sur le plan de notre création et de notre jugement envers nous-mêmes. Mais, d’un autre côté, c’est le même processus : des amis qui font de la musique et qui passent des heures et des heures à travailler sur la même chanson. Notre but, c’est d’avoir dix chansons et deux interludes sur l’album qui comptera donc au total douze morceaux. Cependant, on a eu des problèmes avec la réalisation artistique de l’album. On a commencé par travailler avec un gars qui s’était engagé à le réaliser, mais on a seulement enregistré six chansons au total avec lui. Sur ces six chansons, quatre ont été réalisées en janvier dernier. On a finalement trouvé quelqu’un d’exceptionnel pour le remplacer. On prévoit terminer l’album avec lui en juillet.
MALD: Bien que chacun des membres de Sex Machine Octopus parle français, le nom de votre groupe et vos paroles sont en anglais. Quelles sont les raisons qui vous ont motivées en tant que groupe à choisir l’anglais pour vos compositions ? En dehors de Sex Machine Octopus, est-ce que le français a une place particulière dans ta création artistique ?
SM: On est quatre et deux de nos membres sont anglophones. Le père de notre chanteur est Américain et la mère de notre bassiste est anglophone. Dans cet ordre d’idées, quand Laurent a commencé la composition, il l’a fait en anglais de manière spontanée. Il n’y a jamais eu de questions par rapport à cela parce que le processus de création a toujours été naturel et on a toujours voulu respecter cette authenticité-là. En dehors de Sex Machine Octopus, j’ai commencé à faire de la musique en composant ma musique, mes textes, mes paroles. Je suis quelqu’un de plus ancré que les autres membres du groupe dans la culture musicale francophone et j’[ai] beaucoup de références musicales en français, d’Harmonium à Jean Leloup. Quand j’ai commencé à faire de la musique, ce qui me passionnait, c’était vraiment de composer des textes. Quand ma passion pour la batterie est arrivée, j’ai délaissé l’écriture, mais possiblement qu’un jour je vais avoir envie de me réapproprier cette manière de faire de la musique. Ça occupe une place importante, mais qui est plus d’ordre personnel pour l’instant. Je trouve ça tellement beau d’écrire un texte qui parle aux gens : je ne lâche pas cette passion-là pour autant.
MALD: Joueur de batterie, peux-tu nous détailler plus explicitement ton parcours musical ? D’où te vient ton intérêt pour la musique et comment en es-tu parvenu aujourd’hui à être batteur dans un groupe qui performe devant public ?
SM: C’est mon père qui m’a initié à la musique en m’apprenant à jouer de la guitare. The Needle and the Damage Done de Neil Young a été la première chanson que j’ai apprise. Tranquillement, mes influences musicales se sont un peu tournées vers le folk francophone et américain. J’ai commencé à composer et à écrire des textes. Vers la fin du secondaire, j’ai eu un intérêt vraiment marqué pour le chant, parce que je voulais être auteur-compositeur-interprète. Je voulais utiliser ma voix pour porter un texte. J’ai suivi des cours de chant, j’ai fait des auditions pour entrer en chant jazz au cégep de Saint-Laurent, mais j’ai été refusé. Le chant jazz, c’est particulier. Comme j’avais plus d’expérience avec le folk qu’avec le chant jazz, je n’ai pas été surpris du refus. Entre temps, ma passion pour la batterie a commencé, et c’est de façon naturelle que j’ai délaissé le chant pour celle-ci. J’ai commencé à jouer de la batterie et je me suis développé comme musicien avec Sex Machine Octopus pour ensuite entrer à Saint-Laurent en batterie où j’ai étudié pendant deux ans. Ma passion pour la batterie a véritablement commencé alors qu’il y avait une batterie dans le local et qu’il manquait un batteur. J’ai juste pris la batterie et j’ai eu un coup de cœur direct. Il y a quelque chose de tellement puissant dans le plaisir que tu as à émettre un son avec cet instrument-là.
MALD: En tant que musicien, quels sont les groupes de musique qui t’inspirent particulièrement par leur travail à la batterie ?
SM: J’ai des influences différentes dépendamment de ce que j’écoute. Quand tu te développes dans un instrument, il y a de la musique que tu aimes de façon un peu malsaine, car [elle est] compliquée. Par exemple, Robbie Kuster, le batteur de Patrick Watson, est un drummer de Montréal que j’admire du plus profond de mon être. Il joue avec beaucoup de gens de jazz dont Marianne Trudel, une pianiste et mon enseignante de Saint-Laurent. Je les ai d’ailleurs vu performer ensemble dans un petit bar sur la rue Saint-Denis. Kuster partage une envie de jouer de la batterie débile [:] il est vraiment libre, il représente quelque chose d’impressionnant à la batterie et semble pouvoir faire tout ce qu’il veut. J’admire aussi le drummer de Michael Jackson, Jonathan Moffett. En entrant à Saint-Laurent, le professeur de drum nous a fait jouer Billie Jean en nous demandant de garder le beat simple et solide. Ça a l’air simple mais personne n’était capable de bien le faire. Je te parle de Robbie Kuster avec des trucs plus libres et impressionnants tandis que Jonathan Moffett, c’est le groove solide et incarné qui ne bouge pas, qui reste là. Nate Smith, Phil Colllins et le drummer de Foals, Jack Bevan, m’inspirent aussi beaucoup musicalement parce que leur musique ressemble à celle qu’on fait en tant que groupe. Il y a quelque chose de vraiment clutch [dans leur musique]: tout est placé de façon parfaite.
MALD: Méconnue, la batterie est souvent considérée comme un instrument d’arrière-scène, de remplissage. Peux-tu expliquer davantage ton rôle, ou ton travail, en tant que batteur au sein de ton groupe ?
SM: Le drummer a un rôle de base, il fait partie de la section rythmique. La section rythmique peut inclure la batterie, la basse, la guitare. En termes de cohésion musicale, quand cette section marche, le reste marche. Si la base ne groove pas, le reste ne fonctionne pas. Il y a donc un rôle de cohésion musicale, [pour] garder la musique assise [et] garder une structure rythmique simple et rythmée. Je trouve ça important en tant que batteur d’avoir des rythmes éclatés, des rythmiques qui font couler la musique. J’essaie de garder ça dynamique. En tant que drummer de 22 ans, j’essaie de jouer pour la musique : je veux jouer pour favoriser un travail cohésif entre la guitare, la basse, la voix, la toune. Je souhaite prioriser l’ensemble. Malheureusement, je n’y suis pas toujours parvenu. Jouer pour la musique est mon objectif pour le moment, même si c’est loin d’être toujours facile.
MALD: De joueur de guitare à compositeur, puis batteur, tu es aujourd’hui l’un des musiciens d’un groupe rock-alternatif qui comptera bientôt un album à son répertoire, en plus de votre dernier EP Fish in the Sea. Ton intérêt musical s’est beaucoup développé parallèlement à ton parcours académique. Entamant tout juste un certificat à l’UQAM, quels sont tes projets professionnels ? Te tourneras-tu plus vers la musique ou l’écologie ?
SM: C’est la seule question que je redoutais parce que je n’ai pas de réponse qui satisfasse la personne que je suis. C’est-à-dire que la musique est essentielle dans ma vie. Mon besoin [de] musique est tellement grand que je ne pense pas pouvoir placer la musique au rang de simple hobby. Sex Machine Octopus me pousse à me développer comme musicien, non comme simple amateur. Néanmoins, l’écologie est aussi un domaine qui me passionne, et, d’ailleurs, en ce moment, je m’implique beaucoup pour la cause La planète s’invite à l’université, car c’est un mouvement social qui me touche énormément. La nature, l’environnement et la biodiversité sont des sujets qui me fascinent tellement que je ne pense pas pouvoir me satisfaire d’être un musicien qui pense seulement à son nombril: mon envie de faire une différence sur le plan environnemental est trop forte. C’est pourquoi j’étudie en écologie. Et je sais que je devrai faire un choix, mais, en ce moment, je ne vois pas de choix qui me satisferait. Je me demande s’il va y avoir un conflit entre ces deux mondes-là. En ce moment, la musique fait plus partie de mes tripes, mais l’écologie m’enrichit tellement que je ne pourrais pas quitter ce domaine. Si je décide de continuer là-dedans, ce serait possiblement [pour faire] un certificat en écologie et, peut-être, une majeure en biologie à l’UdeM ou un certificat en sciences de l’environnement et un autre certificat en biologie à l’UdeM, puisque je vise un baccalauréat par cumul.
Nous remercions Samuel Morissette d’avoir participé à l’entrevue, et Léa Martin pour la séance de photographie, dont les photos accompagnent le texte.
Le groupe Sex Machine Octopus sortira son prochain album au cours de l’automne 2019. Pour de plus amples informations sur le groupe Sex Machine Octopus, vous pouvez les suivre sur leur page Facebook (https://www.facebook.com/SEXMACHOCTOPUS/) ou visiter leur bandcamp: https://smachineoctopus.bandcamp.com/?fbclid=IwAR0TbO3t4zmTvucZ-wHfTi7NLsNF2TSRlqR4G0GI7HX6rQvGTFWA9N2CdA8
Article par Marie-Andrée Labonté-Dupuis.