L’Éléphant qui se souvient des films québécois : projection du Village enchanté à la Cinémathèque

Le 15 décembre dernier, la Cinémathèque québécoise et le projet Éléphant présentaient une version entièrement restaurée d’un film de 1955,…
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Le 15 décembre dernier, la Cinémathèque québécoise et le projet Éléphant présentaient une version entièrement restaurée d’un film de 1955, Le Village enchanté, premier long métrage d’animation canadien.

Le village pionnier

Plusieurs années durant, les frères Marcel et Réal Racicot, employés à l’Office national du film de jour et cinéaste de soir, ont porté leur Village enchanté à bout de bras. Avec l’aide de quelques collaborateurs, qui se comptaient sur les doigts de la main, ils sont parvenus à produire le premier long métrage d’animation canadien, utilisant pour ce faire une technique analogue à celle de Disney, c’est-à-dire le dessin sur celluloïds. Il était peu commun de traiter ainsi l’animation, puisqu’on préférait, et ce, pour des films plus courts, travailler directement sur la pellicule (pensons notamment à Norman McLaren).

On pourrait penser que l’œil habitué à l’animation fluide et impeccable des grands studios modernes risque de ne pas trouver son compte dans Le Village enchanté. La technique déployée par les frères Marcel et Réal Racicot semble, aux premiers abords, rudimentaire; aux premiers abords seulement, car, après à peine quelques minutes, un charme inattendu émane du film.

La fable racontée par les frères Racicot évoque l’histoire des pionniers de l’Abitibi avec une naïveté désarmante. Une famille s’installe dans la région encore sauvage et bientôt d’autres suivront. Les nouveaux arrivants doivent affronter de nombreux obstacles : la rudesse de l’hiver, les Algonquins colériques et un loup-garou cleptomane qui a une dent contre la pauvre petite cloche de l’église.

Pour ces familles qui partent à l’aventure et s’installent en des contrées étrangères, il s’agit d’un nouveau départ. L’idée du renouveau atteint une portée surprenante à la mort d’un des enfants du village. Attristé par l’événement, le curé replace la cloche volée (par le loup-garou), il tire sur la corde et la cloche tinte. Les rayons du soleil percent au travers des nuages. La lumière divine atteint le front de l’enfant. C’est un miracle! L’enfant revient à la vie! Les villageois sont émus d’avoir assisté à une résurrection. Tous sont finalement heureux!

Le Village enchanté – Marcel et Réal Racicot

Mémoire d’Éléphant

Ces thèmes du renouveau et de la résurrection dépassent toutefois le film. Ils vont au-delà de l’œuvre. Ils se rendent jusqu’à notre époque. Ils résonnent, tel un écho lointain, telle une réminiscence du passé, au sein du projet Éléphant, un projet inévitable et nécessaire.

Codirigé par Marie-Josée Raymond et Claude Fournier, le projet Éléphant, une entreprise de philanthropie culturelle rendue possible grâce au mécénat de Québecor, a pour but de restaurer, de numériser et de diffuser le patrimoine cinématographique québécois.

Prenons l’exemple du Village enchanté, qui connaît à sa sortie originale une honorable quoique brève carrière en salle. L’histoire se serait arrêtée là si ce n’avait été du secours des intervenants d’Éléphant, qui ont sauvé le film d’une ruine certaine et d’un oubli total. Le Village enchanté n’est pas le seul dans la catégorie des films revenus à la vie : Le Gros Bill, Fantastica et Montreal Blues, pour ne nommer que ceux-là, font partie des miraculés de la restauration.

Et il est bel et bien question de mécénat. Des profits engrangés par le service offert, Québecor ne garde rien, nous dit Madame Raymond. Bien au contraire, l’entreprise assume la répartition de l’argent auprès d’associations d’artistes et d’artisans du cinéma québécois.

Le Village enchanté – Marcel et Réal Macicot

L’éternité

Un jour, alors que Claude Fournier s’affairait à la restauration du film Les Ordres, le réalisateur Michel Brault s’écria soudain qu’ils travaillaient pour l’éternité. Une idée poétique s’il en est.

Malheureusement, si le monstre de la technologie évolue à une fabuleuse vitesse, permettant de restaurer des films de plus en plus facilement, les films restaurés deviennent après coup victimes de cette même technologie. Afin de permettre la diffusion d’un film, celui-ci doit être mis à jour aux cinq ans environ, sinon, bien que restauré, il ne sera plus possible de le visionner.

La mission d’Éléphant est donc double : d’abord, elle consiste à restaurer les films québécois; puis, elle vise à les diffuser (grâce aux plateformes virtuelles illico et iTunes) dans les pays qui ont le français ou l’anglais comme langue officielle.

L’idée de Michel Brault n’est pas non plus tout à fait fausse. Ils travaillaient en quelque sorte pour l’éternité. Pas l’éternité comme certitude, mais comme but, comme idéal. Chaque jour, l’Éléphant travaille à se rappeler. Il travaille à ce que les films québécois soient vus et ne se perdent pas.

Article par Francis Lamarre.

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