Après un lancement festif et coloré au Café Cléopâtre le 10 novembre dernier, nous avons lu le livre de Caresses magiques II sans attendre. Le recueil rassemble 28 témoignages sur les sexualités des femmes sous la thématique « Mécaniques mentales ». Les auteures écrivent sur plusieurs sujets : le sexe, les fantasmes, la masturbation, les désirs, l’orientation sexuelle, etc. Les filles se questionnent, se fâchent, se désolent, rient d’elles-mêmes lorsqu’elles racontent leur sexualité. Les contours de leurs vies sexuelles sont parfois flous, parfois bien distincts. Les filles arrivent à des conclusions ou à des impasses. Or, on y trouve un réel besoin de mettre des mots sur des incompréhensions et de faire tomber des tabous.

Première de couverture de Caresses magiques II
Source : site web de Caresses magiques
Comme lectrice, on dévore le livre. Par curiosité, on effeuille les pages à un rythme effréné en n’étant pas en situation de voyeurs, mais bien en se retrouvant comme une amie à qui on confie des secrets. On comprend et on écoute les 28 femmes, même qu’on s’y retrouve dans leurs confidences. Leurs témoignages nous enlèvent un poids, celui de la honte ou de la gêne de notre propre sexualité. Leurs secrets recèlent une authenticité incroyable qui est extrêmement libératrice.
« Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai de la difficulté à assumer mes fantasmes. »
(p. 73)
Le texte « Le vide », de Cath Laram, est magnifique. La narratrice évoque son angoisse de l’éphémère, « l’impression d’être seule avant, pendant et après le sexe » (p. 23). Elle nous offre le portrait de notre génération. La société comble tous nos besoins avec une panoplie de jouets et de gadgets, alors qu’il manque souvent le partage de l’intimité avec une autre personne. Ses propres caresses la désolent : « Elles m’intoxiquent. Elles font remonter à la surface la vacuité de ma vie non partagée. » (p. 24) Elle résume bien le tout en cette belle phrase : « J’ai le sexe triste. » (p. 22)
Un autre texte, « Un pénis à temps partiel » témoigne du désir profond d’avoir un pénis. Fantasme peut-être incongru, mais qui fait réfléchir et nous montre la complexité de nos sexualités. Sacha Okaza révèle qu’elle a toujours voulu avoir un pénis depuis sa tendre enfance, bien qu’elle adore son sexe. Elle réalise que ses fantasmes sont souvent autour du phallus. Elle explique son idéalisation du pénis par l’idée qu’elle pourrait avoir des orgasmes à volonté. La narratrice conclut : « Je pense que j’ai surtout envie d’avoir une graine de temps en temps pour la mettre dans du monde que j’aime. Plop. » (p. 114)
Plusieurs textes évoquent le fait que les narratrices se masturbent en pensant à des femmes, souvent d’une parfaite beauté et d’une sensualité fatales. Dans le texte « Dans les yeux de Jasmine », Jakoume s’imagine être une reine lors de ses fantasmes. Elle transforme son identité : cette reine représente ce qu’elle aimerait être. Son regard sévère envers elle la prive de l’essentiel lors de ses rapports : il lui reste à apprendre « à [se] laisser toucher, mais vraiment toucher ».
(p. 42) Greta B. évoque aussi cet imaginaire de filles parfaites dans le texte « Les Vénus de Botticelli ». Elle se masturbe en pensant à une version magnifiée d’elle-même.
« Jai été choquée de voir que mon inquiétude concernant mon apparence et la pression sociale que je ressens d’être féminine, mince et sexy avaient infiltré jusqu’à mes relations les plus intimes avec moi-même. » (p. 51)
Bien que plusieurs auteures, professionnelles ou amatrices, fassent partie du livre, la qualité littéraire est toujours au rendez-vous. Sara Hébert et Sarah Gagnon-Piché, initiatrices du projet, ont réussi à diriger ce livre tout en misant sur la qualité des textes. Plusieurs genres se côtoient dans une belle symbiose. On y trouve de la poésie, de la prose et un peu de bandes dessinées. Les illustrations sont aussi très belles, elles offrent de beaux clins d’œil aux textes en y intégrant leurs essences.
« Assise sur mon balcon avec mon verre de vin, je leur crie que j’aime ça, le sexe. Pis je leur crie fort. » (p. 126)
On retient au final de ce livre, une incroyable charge positive. Les filles qui ont écrit leurs témoignages s’assument à travers tous les pans de leurs sexualités. Et elles déclarent en chœur qu’elles aiment le sexe.
Caresses magiques, « Mécaniques mentales », Collectif Caresses magiques, Montréal, 2016, 132 pages.
Article par Florence Dancause.