Initié par Alexis Trépanier – qui cette année est accompagné à l’organisation de Marie-Chantale Béland, Étienne Lambert et Bettina Szabo –, Nous Sommes l’Été est un laboratoire de danse qui prend forme chaque été depuis trois ans. Si le concept est difficile à définir, c’est qu’il ne trouve pas encore son équivalent dans le milieu de la danse au Québec : ni collectif, ni association, ni séances de répétition… Nous Sommes l’Été est un peu tout à la fois. Flexible. Organique. Mais d’abord et avant tout, c’est un espace de rencontre qui prend forme selon les participants impliqués.

Cette année, environ trente-cinq danseurs et artistes de diverses disciplines scéniques ont pris part au projet. Chacun arrive avec ses propres objectifs et intérêts de travail, selon le cheminement de sa pratique personnelle. Les quatre coorganisateurs jouent un rôle d’entremetteurs. Ils veillent à organiser les différentes séances de création qui prendront forme pendant les trois semaines de Nous Sommes l’Été. Car la beauté de mettre en commun les intérêts de tous les participants sous une même structure, c’est qu’il y a nécessairement des regroupements qui se font, tout naturellement! Les entremetteurs sont là pour pointer les possibilités d’agencement entre les participants et créer des connections entre ceux pour qui les objectifs de travail coïncident, soit parce qu’ils sont semblables ou complémentaires. Les équipes se forment et le travail d’expérimentation peut commencer.
Le but de Nous Sommes l’Été est de créer des rencontres qui ne se produiraient pas autrement, mais qui enrichissent énormément la création des uns et des autres.

À la rencontre de l’équipe d’organisation
Pour Alexis, qui terminera cette année sa formation en danse à l’UQAM, il est important de créer ces espaces où les disciplines se rencontrent. L’aspect expérimental est primordial à ses yeux, tout comme l’interdisciplinarité qui permet à l’artiste de sortir de sa zone de confort et d’apprendre des expériences des autres.
Il est donc important de créer des outils de déblocages qui permettent à tous de progresser dans leurs recherches artistiques, et parfois, comme le rappelle Alexis, ces outils ne sont pas nécessairement ceux que l’on connaît déjà. Le processus de Nous Sommes l’Été nécessite que les participants aient l’esprit ouvert aux possibilités qui émergeront pendant les séances de création.
Pour Étienne, qui a terminé sa formation à l’École de danse de Québec depuis trois ans et qui œuvre désormais au sein du collectif Dans ta face, la collaboration est au centre de sa pratique. C’est ce désir qui l’a amené à se joindre à l’équipe de Nous Sommes l’Été, car pour lui, construire une communauté de danse (et la maintenir) est déjà un défi; faire le pont entre Québec et Montréal en est un supplémentaire.
Et c’est ce que la structure souple de Nous Sommes l’Été permet de mettre en place. Elle offre ainsi la possibilité à chaque artiste de choisir ses objectifs personnels et le temps qu’il décidera d’allouer pour ses séances de travail. Pour sa part, Étienne a guidé un groupe de travail en tant que chorégraphe avec l’intention d’explorer des gestuelles qui émergent de la subjectivité et de l’individualité de chacun des interprètes. La fluidité dans l’apprentissage collectif est un aspect central à son approche.
Pour Bettina, ces problématiques font écho au besoin qu’elle ressent de créer des structures qui ne sont pas soumises à un pouvoir d’autorité. Originaire de l’Amérique latine, elle a dansé quelques temps pour une compagnie israélienne avant de revenir au Québec et terminer sa formation en chorégraphie à Concordia. Elle a d’ailleurs lancé récemment sa compagnie de danse, Petrikor Danse, et œuvre désormais à déconstruire la nécessité hiérarchique basée sur l’expérience du danseur. Pour elle, Nous Sommes l’Été s’adresse autant à ceux qui sont aux balbutiements de leur pratique qu’aux plus établis. À ses yeux, il est important de démocratiser les structures de création et de donner aux danseurs l’accès aux ressources, et ce peu importe leur niveau ou la nature de leur cheminement.
Le rôle d’entremetteur n’est en ce sens pas un rôle d’autorité. Ils sont là pour agencer les participants. Par la suite, les cellules de création obtiennent leur pleine autonomie et vont autogérer les méthodes de travail, les objectifs à atteindre et les moyens pour y arriver.
Selon Marie-Chantale, c’est là qu’une structure comme Nous Sommes l’Été devient intéressante. Comme le contenu de chaque séance est proposé par les participants, il devient possible de se concentrer sur soi et de mieux cerner ses intérêts artistiques. Pour elle qui vient de terminer sa formation à l’École de danse de Québec, ces espaces de laboratoire lui permettent d’apprendre en s’exposant à des pratiques différentes et nouvelles.
La communauté en danse au Québec est petite, faut-il se l’avouer, mais pourtant dans chaque ville on retrouve des particularités et des spécificités qu’il faut prendre en compte. Les besoins sont différents et le défi de Nous Sommes l’Été est justement de s’adapter pour répondre aux besoins de chaque réalité sans imposer un cadre trop rigide. Les communautés de Québec et de Montréal ont beaucoup à s’apprendre l’une de l’autre, et laisser l’espace nécessaire à ces rencontres donne l’opportunité à chaque participant de se transformer à travers le processus de travail.

Selon les quatre co-organisateurs, il n’y a aucun doute sur la pertinence de cette structure d’expérimentation pour les danseurs en début de carrière. Le projet se poursuivra l’été prochain, alors qu’à chaque nouvelle édition s’ajouteront de nouveaux danseurs et de nouveaux artistes de la scène qui influenceront la forme du laboratoire. Par et pour la communauté, Nous Sommes l’Été devient le miroir des spécificités locales qui modulent la scène au Québec.
Allez consulter leur page internet et facebook.
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Nous Sommes l’Été s’est conclu le 12 août dernier avec une représentation informelle en salle de répétition à Montréal.
Article par Jade Boivin – En plein dans le processus de la maîtrise en histoire de l’art, elle est particulièrement intéressée à tout ce qui tourne autour de la performance, du féminisme et des questions sur le genre. Mais aussi danseuse de contemporain à ses heures, c’est avec beaucoup trop de plaisir qu’elle a commencé plus récemment à fouler les planches de la scène swing montréalaise. Une posture critique est sous-jacente à toutes ses actions, il en va sans dire.