Olivier Babaz, un artiste jazz au parcours musical taillé sur mesure

Le 31 mai dernier, nous avons eu l’honneur de croiser la route d’Olivier Babaz, contrebassiste et artiste jazz accompli, lors…
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Le 31 mai dernier, nous avons eu l’honneur de croiser la route d’Olivier Babaz, contrebassiste et artiste jazz accompli, lors d’un concert donné au Dièse Onze. Cette petite salle de jazz, pour le moins très réputée à Montréal, a justement fait de son nouveau protégé l’artiste du mois. Et à l’entendre, il n’y a pas de doute : son style particulier en vaut bien le détour.

Olivier Babaz (crédit photographie : Nicolas Debrosse)

Autodidacte et musicien hors pair, il allie sons et couleurs grâce à son instrument favori, la contrebasse, qu’il manie avec une délicatesse et un doigté exceptionnel. Chérissant le mélange des genres, il montait sur scène jeudi dernier pour donner son dernier concert du mois, accompagné d’Alain Bourgeois à la batterie et de Michel Cusson à la guitare. Petite mise en bouche: Alain Bourgeois est un artiste reconnu sur la scène de jazz montréalaise et membre du groupe Parc X trio, alors que le très connu Michel Cusson enflammait les foules dans les années 80 grâce à ses talents de guitariste au sein d’UZEB, célèbre groupe de jazz fusion québécois qui a de nouveau foulé la scène pour une série de concerts en 2017. Imaginez donc notre excitation en début de soirée face à ce trio enflammé quoique teinté d’une touche d’improbabilité.

Michel Cusson, Olivier Babaz et Alain Bourgeois (crédit photographie : Nicolas Debrosse)

Mais avant tout, laissons-nous d’abord le temps de nous imprégner du personnage principal. Olivier Babaz est un artiste du monde. À en croire son parcours, on pourrait dire que sa vie raconte sa musique ou est-ce peut-être sa musique qui nous raconterait sa vie? Originaire de Paris, il se forme très tôt à la musique et au jazz dans plusieurs écoles, notamment au Centre des Musiques Didier Lockwood ou au Music Academy International de Nancy. De là, se laissant porter par ses rencontres artistiques, il fait un passage remarqué à la Réunion qui influencera grandement son style. Il s’intéresse à la musique de l’Afrique de l’Est, mais continue d’étudier la basse classique et le jazz tout en explorant sans cesse les mélanges, les interactions et les improvisations. En 2010, il pose finalement le pied à Montréal et décide de s’y installer. De retour sur les bancs d’école, il passe par l’UQAM pour compléter un DESS en musique de film. Attiré par l’effervescence de la scène jazz montréalaise, il multiplie les rencontres et les créations artistiques avec l’écriture de plusieurs albums, dont le dernier datant de 2016 s’intitule « Odd Light ».

Le trio sur la scène du Dièse Onze (crédit photographie : Nicolas Debrosse)

Et voilà que jeudi 31 mai dernier, cet homme-là se retrouve devant nous, debout sur la scène du Dièse Onze, où l’on va enfin pouvoir découvrir son style si particulier. Le spectacle n’a pas encore commencé et pourtant il fait déjà très chaud dans la petite salle. Agglutinés autour de l’estrade, nous sommes tous un peu fébriles à l’idée de la soirée qui s’annonce en compagnie du trio. Pleins de vigueur et d’énergie, les protagonistes semblent prêts à nous faire bouillonner dans un concert tourné autour de la réinterprétation de plusieurs classiques du jazz. Tout en justesse, ils débutent avec la reprise d’une chanson qu’Olivier Babaz affectionne particulièrement: le titre « Footprints » de Wayne Shorter. Un jeu très juste à la batterie accompagne merveilleusement bien les notes aériennes et le morceau de musique nous fait tout de suite voyager. Dès les premiers accords, on découvre qu’Olivier a plus d’un tour dans son sac en nous dévoilant son secret : les kalimbas. Avec des airs de piano miniature, ce petit instrument de musique venant de l’Afrique de l’Est se compose d’un support en bois sur lequel sont fixées des lamelles métalliques. L’une attachée directement sur sa contrebasse et l’autre à sa droite au niveau de ses hanches, Olivier fait glisser ses doigts sur les lames, alors que des sons très organiques parcourent la salle. Lorsqu’il joue des kalimbas, l’ambiance change littéralement et les notes viennent apaiser la pièce et ses occupants, leur offrant une pause pleine de calme et de détente.

Les kalimbas d’Olivier (crédit photographie Nicolas : Debrosse)

Après ce premier morceau, les musiciens nous font redescendre sur terre avec ce qui va donner le ton au reste de la soirée : un concert palpitant se dessinant autour de rythmes endiablés de batterie et de contrebasse. Alors que le concert vient à peine de débuter, les artistes sont déjà en transe, moites de sueur. Le batteur halète et les riffs de guitare s’enchaînent sur un rythme qui ne cesse de s’accélérer. Les musiciens sont tous concentrés sur leur instrument respectif, mais tendent une oreille très attentive à ceux de leurs coéquipiers. On sent que l’écoute est grande entre les trois personnages, ce qui laisse tout un champ libre à l’improvisation. Parfois, la guitare se tait et le son se fait plus doux, alors que tout le monde reprend son souffle. On se concentre un instant sur la batterie et la contrebasse. L’un derrière l’autre, Olivier et Alain s’écoutent. Alain se retourne, le regard dans le vide et les oreilles absorbées. La concentration est à son comble. Attentifs au moindre son sortant de leurs instruments, ils jouent l’un avec l’autre, se parlent et se donnent la réplique. Les corps sont échauffés et concentrés. Olivier se lève et s’abaisse sur son instrument tandis qu’Alain lui communique de quoi répondre avec autant d’intensité. La tension monte, puis éclate. La guitare électrique reprend la vedette et claque sous les doigts de Michel. Tout le monde a chaud dans la salle. On ouvre les portes juste avant la pause.

« Al » Bourgeois (crédit photographie : Nicolas Debrosse)

La deuxième partie de la représentation laisse l’occasion aux musiciens de nous faire découvrir leurs propres compositions, parfois plus tirées vers le blues, comme « What’s the Matter Man? » ou encore le « Blues de l’escalier ». Le public se concentre attentivement sur les protagonistes en action. On s’aperçoit alors que le guitariste est plus dans une veine rock, affectionnant les solos. À ce petit jeu-là, Michel Cusson excelle. Il les enchaîne avec classe et justesse, alors que les deux autres musiciens l’accompagnent derrière. Pourtant, entre deux rythmes endiablés, les notes des kalimbas ressortent et accordent des pauses indispensables à l’équilibre du groupe. Au début de chaque chanson, des sons sortent de la bouche d’Olivier en marquant le rythme à contretemps. Il balance les cordes de sa contrebasse avec toujours plus de vigueur. Une belle entente musicale s’est de nouveau installée entre Alain et Olivier. Ils s’écoutent mutuellement avant que le rythme ne s’accélère de nouveau pour laisser place à la guitare. Nous sommes toujours aussi attentifs face à ce qui est en train de se dérouler devant nos yeux. La fin du concert marque le temps des reprises de morceaux très connus tels que « Caravan » de Duke Ellington. Le guitariste est au sommet. La batterie s’emballe. Les musiciens se dandinent sur scène et l’excitation est à son comble.

Michel Cusson (crédit photographie : Nicolas Debrosse)

À la fin de la représentation, tout le monde est enchanté par le concert dont le seul bémol aura peut-être été de ne pas avoir assez entendu le son si particulier des kalimbas d’Olivier. Mais ici, on préfère mettre de l’avant le positif de cette soirée déchaînée, laissant ainsi entrevoir une très belle ouverture à la nouvelle saison estivale de jazz. À Montréal, se tiendra comme chaque année, le festival international de jazz, du 28 juin au 7 juillet prochains. La formule « artiste vedette du mois » reprendra donc au Dièse Onze après le festival, dès le mois de juillet, où nous avons déjà hâte de vous faire découvrir de nouvelles perles musicales.

Article par Marie-Blanche Rossi.

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