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16-05-2025 Vol 19

Entrevue avec Olivier Lalancette – Vous êtes ici

Crédit: Le Sabbat des sorcières, tableau de Francisco de Goya
Crédit: Le Sabbat des sorcières, tableau de Francisco de Goya

 

ARTICHAUT MAGAZINE: Qui êtes-vous?

Olivier Lalancette: Je suis Olivier Lalancette, et je serai interprète et metteur en scène pour le projet Canis Canem Edit.

AM: Qu’est-ce que vous proposez à Vous êtes ici ?

OL: Selon les lois du pays, mille citoyens entre 18 et 30 ans sont exilés chaque année afin de désengorger la métropole. Choisis au hasard, ils sont envoyés aux quatre coins du pays, laissés à eux-mêmes, oubliés. Ils sont sortis de la civilisation ; là-bas, plus rien ne régit leurs comportements, ils sont sans repères. En pleine forêt, on voit l’arrivée d’un trio de ces jeunes adultes. Un couple de sauvages les observe à travers les bois. Qui deviendra le chef de la meute?

Nous voulons développer un langage scénique qui nous permette de raconter une histoire le plus efficacement possible sans que la parole soit le principal moteur dramaturgique. Que la composition des images et l’enchaînement des actions parlent. Nous avons entre autres pour inspiration le cinéma de Yorgos Lanthimos : l’étrangeté créée par la confrontation d’une situation extraordinaire et d’un jeu minimal, d’un corps presque banal. Comment transposer cette sobriété du jeu au théâtre ? Le projet suppose donc un travail de l’acteur qui soit essentiellement physique. Nous cherchons une façon de raconter que le cinéma maîtrise et que le théâtre néglige, dans la mesure où il reste attaché au dialogue. Canis Canem Edit est donc un projet dans lequel nous nous proposons d’explorer le réalisme et la picturalité.

AM: Qu’est-ce que tu/vous dites/faites/vivez avec/dans votre proposition?

OL: Le grand thème de cette création est la communauté, son fantasme ou son fantôme, autrement dit : notre incapacité naturelle à vivre ensemble.

La communauté est un thème qui m’obsède particulièrement ces derniers temps. Il me semble que je n’appartiens à aucun clan. Tous mes cercles sociaux: ma cohorte de l’école de théâtre, mes collègues de travail, mes amis, le milieu des artistes, même mon peuple ne correspond pas à la définition d’une communauté. Il y a certainement des moments où j’ai senti une appartenance, mais ces moments sont très courts et la réalité me reprend toujours et me montre que nous n’arrivons pas véritablement à vivre ensemble.

AM: Pour vous, la courte forme, c’est contraignant/stimulant/aucun changement?

OL: Le temps au théâtre est un personnage majeur, chaque personnage est différent des autres et sa durée est une mesure qui le définit, mais le temps n’est pas monétisable donc il n’y a pas de durée plus précieuse ou meilleure qu’une autre. L’objet théâtral le plus court du monde peut être mille fois plus intéressant que l’objet le plus long.

AM: Comment on se sent en tant que jeune diplômé(e)s en arts à Montréal?

OL: C’est un sentiment très complexe qui mériterait un article à lui seul, donc je me contenterai de voler les mots de Christian Lapointe et d’écrire que « l’école, ça commence après l’école ».

AM: Ce que tu souhaites aux diplômé(e)s qui suivront?

OL: Plein de subventions faramineuses.

AM: Une parole sage pour la route?

OL: Le théâtre est un jeu et je l’ai choisi comme profession, précisément, pour ne jamais être sage. Si vous cherchez la sagesse, adressez-vous aux finissants des écoles de philosophies, je crois qu’ils ont beaucoup de temps libre justement.

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Vous êtes ici, une initiative de création par LA SERRE – arts vivants, sera présenté du 29 septembre au 1er octobre à 19h au Théâtre Aux Écuries.

 

Artichaut magazine

— LE MAGAZINE DES ÉTUDIANT·E·S EN ART DE L'UQAM