À sa création, le Cinéma Parallèle*, gestionnaire de l’Excentris, se voulait défenseur d’un cinéma québécois indépendant et, aujourd’hui encore, il assume sa mission en diffusant Chasse au Godard d’Abbittibbi, le premier long métrage de fiction du réalisateur Éric Morin. Le film a fait l’objet d’une projection exclusive à l’occasion de la soirée de financement annuelle de l’Excentris, le 23 octobre dernier.

(c) FunFilm Distribution
Tourné à l’hiver 2012, le film Chasse au Godard d’Abbittibbi nous plonge dans le paysage de Rouyn-Noranda dans les années 1960. Inspiré d’un événement ayant marqué l’enfance du réalisateur, le passage du célèbre cinéaste français Jean-Luc Godard dans la ville minière en 1968 pour y faire des expériences télévisuelles, Chasse au Godard d’Abbittibbi a pour question centrale «partir ou rester?». Même si le personnage de Godard évolue strictement en périphérie de l’histoire, on dénote son influence sur le réalisateur, notamment à travers la volonté de travailler la télévision communautaire, de faire du cinéma vérité et un sens de la liberté au niveau du rendu artistique, une esthétique largement inspirée de la Nouvelle Vague.

L’œuvre s’articule autour de l’histoire de Marie (Sophie Desmarais), une jeune femme en quête d’évasion, et de son copain Michel (Alexandre Castonguay), jeune Abitibien au tempérament révolutionnaire. Au contact de Paul (Martin Dubreuil), un montréalais faisant parti de l’équipe accompagnant le réalisateur, le duo se laissera entraîner dans une expérience cinématographique dont l’enjeu prend peu à peu l’ampleur d’une quête sociale et identitaire. Enfin, la trame sonore réalisée par Philippe B. cisèle bien cette œuvre parfois éclectique.
Émergence d’un réalisateur déjà primé
Éric Morin, de son vrai nom Éric Morinest, a signé les courts métrages Last Chance Kabaret, Décembre 1970 et Opasatica. Ce dernier court métrage a été encensé par la critique. Présenté dans plus d’une vingtaine de festivals à travers le monde, dont celui de Barcelone et le très prestigieux Festival de Cannes, il a remporté quatre prix à Prends ça court, le prix de la meilleure réalisation au Festival regard sur le court métrage au Saguenay ainsi que le «Special Jury Prize» au Flicker Fest en Australie. Mais le réalisateur de Chasse au Godard d’Abbittibbi a d’abord fait sa marque dans le domaine de la télévision. En effet, c’est en travaillant comme concepteur de Mange ta ville qu’il s’est fait connaître.

Bien accueilli en sol allemand, le film a été sélectionné pour le NDR Young Talent Award du Hamburg Festival (nomination pour le meilleur premier ou deuxième long métrage). C’est à l’Excentris qu‘il fut visionné pour la première fois par un public montréalais, soirée au cours de laquelle on dénotait une grande fébrilité de la part du réalisateur et de son producteur, Olivier Picard. La première canadienne avait déjà eu lieu à l’occasion de l’ouverture du 32e Festival du Cinéma international en Abitibi-Témiscamingue le 26 octobre dernier. Le film est maintenant à l’affiche dans quelques salles, dont l’Excentris, depuis le 1er novembre.
L’Excentris : un mandat prépondérant
Il y a toujours plusieurs raisons qui amènent la directrice artistique du cinéma Excentris, Caroline Masse, à choisir un film pour la soirée annuelle de financement. L’année dernière c’était Amour, de Michael Haneke, récipiendaire de la Palme d’or du Festival de Cannes qui s’était valu cette fleur. «Cette année on a choisi un film québécois d’un jeune cinéaste de la relève, Éric Morin, dont on avait déjà diffusé les œuvres auparavant. On a une politique à l’Excentris qui vise l’accompagnement des auteurs. C’est donc un film qui correspond à notre mission et mandat. On veut aussi que les gens passent un bon moment et se sentent privilégiés, donc on favorise les programmes exclusifs et les premières de films.»
——
Nous approfondirons l’historique du Cinéma Excentris et le contexte de sa campagne de financement dans un article à paraître dans le cadre du dossier L’Excentris à la chasse au cinéma d’auteur.
* Le Cinéma Excentris est la propriété du Centre du Cinéma Parallèle inc., un organisme à but non lucratif et une entreprise d’économie sociale fondé en 1967.
Article par Ariane Brien-Legault – Passionnée d’art, de culture et de l’être humain dans toute sa complexité, Ariane Brien-Legault est rédactrice en chef du pupitre cinéma pour l’Artichaut, journaliste-pigiste à NIGHTLIFE.CA, chroniqueuse à CIBL et l’auteure du blogue EXO. Elle étudie actuellement en Communications journalisme à l’UQÀM.