En 2021, l’école secondaire de la Cité-des-Jeunes soulignait le 55e anniversaire de la tragédie ayant secoué non seulement la polyvalente, mais toute la ville de Dorion. Le soir du 7 octobre 1966, ce sont des milliers de vies qui sont changées à jamais lorsqu’un autobus et un train entrent brutalement en collision. Tous les habitants de la petite ville de Dorion, en Montérégie, sont frappés par les conséquences de cet événement tragique. En 2023, Mélanie Calvé publie chez Fides un nouveau roman qui s’inspire de ce fait vécu. L’autrice a d’ailleurs beaucoup d’expérience dans l’écriture d’œuvres entourant des faits historiques québécois. Cela se perçoit par le respect dont l’autrice fait preuve en écrivant sur ces sujets sensibles pour tous·tes celleux qui les ont vécus de près ou de loin.
Marguerite nous plonge au cœur de la ville de Dorion en 1966. Mélanie Calvé nous fait oublier notre réalité actuelle en dépeignant avec habileté le contexte sociohistorique québécois des années 60. Les lecteur·ice·s sont entrainé·e·s dans cet univers où les filles doivent obligatoirement porter des jupes à l’école et où elles deviendront majoritairement femmes au foyer. L’absence de la technologie telle que nous la connaissons et le dialecte de l’époque permettent de bien connecter à cet univers.
Nous rencontrons la protagoniste, Marguerite, alors qu’elle est étudiante à l’école secondaire de la Cité-des-Jeunes. Elle et Louise, sa meilleure amie, sont inséparables depuis l’école primaire. Toutes deux rêvent respectivement de devenir infirmière et hôtesse de l’air, un bel avenir semble leur être promis. Dès lors, une problématique est mise de l’avant : la barrière de sécurité du passage à niveau est dysfonctionnelle. Celle-ci clignote et s’abaisse lorsqu’il n’y a aucun train sur les rails, mais est inactive lorsqu’il y en a bel et bien un. Tandis que près d’une cinquantaine d’étudiant·e·s se dirigent vers une soirée dansante à Hudson, une ville voisine, leur autobus est percuté de plein fouet sur ce même passage à niveau. Marguerite, que le destin a épargnée, se retrouve sur les lieux de la tragédie. Cette scène d’horreur, ayant laissé derrière elle 19 victimes et 24 survivant·e·s, la marquera à tout jamais.
Ce sont tous·tes les jeunes survivant·e·s qui doivent réapprendre à vivre. Mais comment vivre normalement, comment vaquer à leurs occupations quotidiennes alors qu’une tragédie vient de les priver de 19 de leurs compagnons de classe ? Marguerite, comme plusieurs autres habitants de Dorion, se sent incapable de faire face à autant de souvenirs, à ce passage à niveau à répétition, chaque jour. Lorsque le mari de sa sœur Nicole décède, elle décide d’emménager avec elle à Valleyfield, décidée à l’aider avec la garde de son fils. Au fil du temps, la protagoniste se permettra de recommencer à sourire, à aimer, à espérer. Elle se donnera le droit de continuer à vivre et de le faire pour tous·tes celleux qui n’auront pas eu cette chance.
Habitant en Montérégie, je me suis fait raconter cet événement à de multiples reprises, même si plusieurs décennies m’en séparent. Ce drame, dont les médias se sont emparés à l’époque, a marqué beaucoup de vies. Je me suis donc sentie interpellée par cette œuvre romancée au sujet de cette tragédie survenue à quelques kilomètres de chez moi. Mélanie Calvé a su écrire un roman touchant et respectueux qui insuffle de l’espoir. J’ai d’ailleurs été très touchée de découvrir un magnifique hommage aux victimes et aux survivant·e·s de ce terrible accident à la fin du roman.
Calvé, Mélanie, Marguerite, Montréal, Fides, 2023, 272p.