L’équipe de Sillons est composée de Matéo Chauchat et Cyndie Forget Gravel. Leur travail sera présenté du 28 au 30 septembre prochain au Théâtre Aux Écuries dans le cadre de l’événement Vous êtes ici produit par LA SERRE — arts vivants.
ARTICHAUT MAGAZINE: Qui êtes-vous?
Matéo Chauchat: Je suis Matéo Chauchat, jeune finissant de l’École de Danse Contemporaine de Montréal. Je vous dirais bien que je suis interprète et/ou chorégraphe en danse contemporaine, mais actuellement, je ne sais plus très sûr de mon rôle ou statut !
J’approche la danse comme un art engagé qui traite de problématiques socio-politiques et humaines, rattaché à notre contexte de vie actuel. Ma démarche artistique est directement reliée à mes réflexions philosophiques : constater un enjeu, en définir les différentes problématiques, puis les soumettre au débat pour mieux les comprendre et les faire évoluer. Les émotions et sensations que je souhaite vivre avec mes collaborateurs et le spectateur, deviennent des outils pour nous inviter à la réflexion.
AM: Qu’est-ce que vous proposez à Vous êtes ici?
MC: Je présente « Sillons » interprété par Cyndie Forget Gravel. C’est une pièce qui traite des différentes traces que nous laissons autour de nous au quotidien.
J’ai abordé trois axes de recherche dans ce projet :
L’empreinte digitale, de par l’aspect unique et caractéristique des dermatoglyphes dont elle est constituée. Chaque individu possède sa propre empreinte, et que l’on s’écorche, se brûle ou se coupe, les détails de nos dermatoglyphes se reconstituent sans cesse exactement à l’identique.
La notion de vestige comme le « fragment de quelque chose qui a tellement été déconstruit qu’on ne peut plus reconnaître l’essence de ce qu’elle était au départ ». Ce sont les vestiges d’activités humaines qui m’intéressent, car ils sont précieux grâce aux informations qu’ils nous apportent sur l’humain, et non par leur valeur directe.
Et finalement, la lumière, simplement parce que c’est une onde (élément non matériel) qui va laisser des traces plus ou moins éphémère à différents niveaux (de notre œil, jusqu’à la mémoire, en passant par la couleur des objets ou tissus). La lumière modifie l’image du mouvement. Elle façonne nos perceptions, sans forcément modifier l’objet en soi ou la réalité.
AM: Qu’est-ce que tu vous dites/faites/vivez avec/dans votre proposition?
MC: Nous utilisons le propos et le contexte de réalisation de ce solo pour traiter d’un enjeu particulier: l’authenticité de l’être humain dans la représentation et la performance. C’est pourquoi Cyndie ne joue pas un personnage, mais incarne son propre rôle dans ce solo. Nous souhaitons prouver qu’il est possible de parler indirectement de soi-même pour sensibiliser et traiter de sujets qui concernent le public. C’est parce que nous sommes sincères sur scène que nous pouvons partager notre expérience et nos points de vue sur un sujet donné.
AM: Comment on se sent en tant que jeune diplômé-e en arts vivants?
MC: Un peu perdu je dois l’avouer ! Je ne me suis jamais senti aussi libre de toute ma vie, mais cette liberté a un poids qu’il faut apprendre à supporter, maitriser (mais pas trop !) et utiliser pour avancer.
Tous les jours, je regarde les gens dans la rue, le métro, les terrasses des cafés ou en train de faire leur épicerie. J’essaie de comprendre qui ils sont en tant qu’individus dans la société qui nous entoure, parce que c’est d’eux que je traite quand je danse. Même si la plupart d’entre eux ne s’intéressent pas forcément à la danse, ou n’ont peut-être jamais mis les pieds dans un théâtre pour voir une pièce de danse contemporaine, c’est à eux que je m’adresse quand je pratique mon art. Je me surprends à tout remettre en question et à ne plus du tout me censurer… c’est assez troublant ! Je trouve que c’est une responsabilité énorme que d’être aussi transparent envers les gens, surtout sachant la précarité du milieu de la danse et de notre métier.
AM: Ce que vous souhaitez aux diplômé(e)s qui suivront?
MC: Je vous souhaite avant tout beaucoup de bonheurs !
Je vous souhaite de ne pas succomber à la peur ! D’oser faire ce que vous voulez faire, ou ce que vous considérez être la (ou les) chose à faire. Quel que soit là où cela vous mènera, c’est le chemin que vous empruntez qui compte. Il n’y a pas de « perte de temps » ou de « fausses routes » si vous prenez le temps de recevoir tout ce qui s’offre à vous (le bon comme le mauvais). Faites-vous confiance !
Sortir de l’école, c’est un peu comme naître une seconde fois. Donc je vous souhaite de trébucher pour mieux apprendre à marcher. Mais je vous souhaite aussi de ne pas vouloir courir trop tôt, d’être patient avec vous-même et avec les autres.
Une parole sage pour la route?
MC: Ha ha ha, je crois que j’ai épuisé tout le peu de sagesse que j’avais en moi pour les dernières questions. Il ne me reste plus rien en réserve !
Vous êtes ici, une initiative de création par LA SERRE – arts vivants, sera présentée du 28 au 30 septembre 2017 au Théâtre Aux Écuries.