Au début, une ombre. Pas tout à fait une silhouette encore, mais ses contours se précisent. Le public le sait, il l’attend: c’est Ashley Colours Perez. L’artiste torontoise s’avance, prend son temps. Elle enflammera la scène, mais plus tard, juste un peu plus tard. Ça, le public ne le sait pas encore tout à fait.
Il y a « générer » comme dans « engendrer », pour produire quelque chose, et en être la source.
Celle d’un feu, peut-être.
Le solo de la danseuse et performeuse se découpe en tableaux, lumineux et forts. Entre puissance et explosivité, calme et au repos, l’artiste devient le vecteur d’une conversation riche avec le public. Son langage n’est pas celui des mots, mais bien celui du punking, du whacking, du jazz et du hip hop. Generating Dance est un hommage aux danses de rue, à leur histoire et à leur partage. Les tableaux issus de cette conversation entre styles possèdent une certaine quotidienneté. S’échangent sous les yeux du public diverses scènes que l’on pourrait qualifier de « banales »: se préparer en sortant de la douche, profiter du soleil dans un parc sur fond de bruit de la vie urbaine tels que sont les klaxons, les moteurs, et les marteaux piqueurs. Partout, la danse surgit, comme une respiration.
Il y a « générer » comme dans « créer », et l’avoir comme conséquence inéluctable [1].
Entre les costumes à paillettes de Colours, ses mouvements, ainsi que des extraits vidéo et audio, se tisse une ode à la danse et son pouvoir. Ode à sa transcendance des époques, des communautés, des générations: « cette création porte sur la confiance et le respect de la danse, ainsi que sur la reconnaissance du pouvoir qu’elle possède pour engendrer des changements sociaux et culturels [2] ». Generating Dance est une célébration de l’énergie qui irradie du corps et qui se répercute sur les autres, éclabousse, entre en dialogue, résonne, trouve écho: « Ashley Colours Perez espère franchir les frontières, les générations et les mentalités et montrer que la danse, en tant que forme d’art, est essentielle et plus pertinente que jamais [3] ». C’est une grande célébration, presque un cadeau. Sans jamais être négligée, la partition gestuelle de Colours n’apparaît pourtant pas léchée ou réglée au quart de tour. Elle exsude plutôt une sincérité et une générosité sans pareilles, presque brutes. Une sorte de laisser aller, une authenticité radicale se mettant au service de la forme festive et manifeste de la chorégraphie.
Ashley Colours Perez danse comme un acte d’amour, de care profond envers soi et le monde.
Il y a « générer » comme dans donner naissance, « to bring into existence [4] ».
Generating Dance naîtra chaque soir jusqu’au 14 septembre à La Chapelle Scènes Contemporaines.
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[1] Larousse, « Générer », [en ligne], https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/g%C3%A9n%C3%A9rer/36541, consulté le 12 septembre 2024
[2] Maud Mazo-Rothenbühler, « Première de la pièce Generating Danse de l’artiste Ashley Colours Perez », [Communiqué de presse], Danse-Cité, 21 août 2024
[3] Ibid.
[4] Merriam Webster, « Generate » [en ligne] https://www.merriam-webster.com/dictionary/generate#:~:text=%3A%20to%20bring%20into%20existence%3A%20such,of%20a%20defined%20process%20%3A%20produce, consulté le 12 septembre 2024.