Écrivaine jeunesse prolifique, Martine Latulippe nous offre cet automne Ma maison, et ce qu’il y a dedans, un nouveau recueil de nouvelles noires destiné à un public adulte. Dans la lignée de son recueil Les faits divers n’existent pas, publié en 2013, l’autrice nous propose de cours récits en s’inspirant de la banalité du quotidien. À partir d’éléments de l’ordinaire, elle imagine des nouvelles qui nous plongent tranquillement dans l’effroi, le sanglant, la mort et la solitude. Et nous nous y enfonçons avec joie!
Avec ces 18 nouvelles noires, Martine Latulippe nous offre une fenêtre permettant d’apercevoir l’intériorité la plus sombre de l’espèce humaine. Avec sa plume fluide et son imagination débordante, elle crée des récits étonnants dont les dénouements sont parfois choquants, souvent inattendus. En l’espace de seulement quelques pages, elle réussit à mettre en place un univers captivant et des personnages complexes. Dans certaines nouvelles, il est même possible de suivre l’évolution des personnages à travers les années, ce qui leur donne une plus grande profondeur. En rattachant toutes ses histoires à des éléments banals du quotidien, Martine Latulippe en renforce le caractère factuel. Il est facile, dans plusieurs nouvelles, de se mettre à la place des protagonistes. De plus, l’autrice utilise l’écriture pour incarner une pluralité de voix : une mère éplorée, un enfant orphelin, un employeur, une étudiante, etc. Elle joue avec l’âge, le genre, l’origine et la classe sociale de ses personnages d’un récit à l’autre. Tous ces personnages sont ordinaires, presque insignifiants, et c’est ce qui fait leur force. Ils permettent d’illustrer le fait que la malchance, la solitude et l’horreur sont des éléments du quotidien dont personne n’est à l’abri.
La grande force de ce recueil, en plus de lier habilement diverses nouvelles selon la thématique de la noirceur humaine, est l’effet d’authenticité qui s’en dégage. En racontant des événements marquants de la vie de nombreuses personnes ordinaires et quelconques, l’autrice donne un certain poids aux malheurs personnels. Les événements tragiques sont encore plus percutants puisqu’on se dit qu’ils peuvent facilement arriver aux gens de notre entourage. Ils semblent encore plus horrifiants par leur proximité à notre quotidien.
Ce qui me rejoint le plus dans ce travail d’écriture est le jeu sur les thèmes de l’observation et du regard de l’autre. Qui n’a jamais observé les gens qui déambulent dans les endroits publics en se questionnant sur leur vie, la réalité de leur quotidien? C’est à cet exercice que se livre l’autrice dans quelques-unes de ses nouvelles. Que ce soit pour oublier sa propre solitude ou pour se consoler face à la misère des autres, l’analyse d’inconnus dans les lieux publics est fascinante. On ne peut s’empêcher, lors de notre lecture, de se questionner sur les impressions que nous laissons sur les autres ou d’imaginer à notre tour le quotidien d’inconnus croisés le temps d’un trajet de métro.
Ce recueil est une découverte inattendue qui, malgré ses récits inquiétants et tragiques, se lit rapidement avec plaisir.
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Latulippe, Martine, Ma maison, et ce qu’il y a dedans, Montréal, Druide, coll. « Reliefs », 2023, 224 p.
Article rédigé par Éloïse Huppé-Gignac