Le dernier film de la cinéaste Joannie Lafrenière nous plonge dans l’univers du photographe Gabor Szilasi. Elle propose un portrait à la fois intimiste et riche de cet artiste d’origine hongroise, arrivé au Québec à la fin des années 50. L’homme raconte de manière sensible certains éléments de son parcours qui l’ont mené au Canada. Du haut de ses 94 ans, il nous présente une part de sa vie, de sa carrière, de ses motivations et de ses inspirations. Au fil du récit, on découvre notamment son intérêt marqué pour la campagne et les gens qui habitent dans les milieux ruraux.
Dans la première partie du long-métrage, la réalisatrice se met en scène : elle fait la narration et incarne en image un duo loufoque avec le photographe. Gabor et Joannie forment ainsi une paire qui n’est pas sans rappeler celle de JR et Agnès Varda dans Visages Villages (2017). En effet, le duo est constitué d’un artiste et d’une cinéaste : sur la route, iels prennent des portraits, de la population et optent pour un look hors pair! Le clin d’œil est certainement rafraichissant et fait sourire à pleine dents. Est-ce qu’on aurait pu en prendre davantage ? Tout à fait. Le duo se manifeste seulement au commencement du film et il aurait été savoureux de le retrouver par la suite.
Le documentaire de Lafrenière met également en scène la femme, la fille et des ami·e·s dans l’entourage de Gabor. Alternant entre diverses langues, toutes ces personnes témoignent tour à tour de certaines tranches de vie concernant l’homme et l’artiste. Ces changements de perspectives sont pertinents puisqu’ils permettent à l’auditoire d’entrevoir le photographe autrement, dans toute sa vulnérabilité. En effet, ces interventions lèvent le voile sur certains aspects de la personnalité de Gabor, ainsi que sur des moments forts de sa vie.
La réalisation de l’œuvre est non seulement efficace, mais également intelligente. Lafrenière propose un long-métrage documentaire brillant, à l’esthétisme coloré qui frôle le kitsch (et l’on aime ça). La progression du récit est réfléchie et fait sens avec l’histoire de Gabor. Il s’agit d’un film très émotif : le photographe a cette passion pour l’humain et l’on parvient à la ressentir lors du visionnement. La nostalgie et l’humanité sont en effet omniprésentes à la fois dans sa carrière et dans le documentaire. D’ailleurs, Gabor entretient un rapport au temps bien particulier via son médium artistique : « C’est la seule chose que peut photographier un appareil photo… c’est le moment présent ». En conclusion du long-métrage, la temporalité est un thème au cœur du propos alors que l’avenir est abordé. On nous ramène donc à une émotion nostalgique avec la carrière bien étoffée de l’artiste, ainsi qu’à l’espoir d’une vie longue et paisible pour ce cher Gabor. Le film est à l’affiche dans plusieurs salles partout dans la province. Surveillez les projections spéciales en présence de la réalisatrice!