Depuis le 18 janvier, les paysages printaniers de Claire Milbrath adoucissent l’hiver rude du centre-ville de Montréal. Ces tableaux, sous l’appellation de Green Fuse, accrochés à la galerie Pangée, côtoient les expositions Nature Pointue d’Elisabeth Perreault et Shine de Garette Lockhart. Le 1305 avenue des Pins Ouest est un arrêt à ne pas manquer pour se ressourcer dans ces œuvres qui rapportent à la nature et la maison.
J’y vais, en autobus, puis en métro, puis à pied, alors que le vent me souffle sa poudrerie au visage. Enfin arrivée au bâtiment identifié « Pangée » timidement, sur une petite plaque couleur or, nous sommes enveloppées par l’air chaud des chaufferettes électriques. Mon amie et collègue m’y attend déjà. Nous enfilons les pantoufles obligatoires (« Aucune neige dans la galerie » ordonne une feuille collée sur la porte) et nous montons les marches jusqu’au premier étage. Claire Milbrath et Garrett Lockhart se côtoient.
À gauche, Green Fuse de Claire Millbrath, propage des rouges, roses et oranges, parfois des verts. L’artiste s’inspire des champs de tulipes qu’elle a pu visiter à Washington et à Lisse, au Pays-Bas. On y lit l’obsession organisationnelle de la plantation de millions de bulbes de tulipes ainsi que la surproduction de l’humain afin d’atteindre le « beau » par les moyens de la monoculture et donc en dépit de la conservation d’une nature équilibrée. En opposition, on y voit également des paysages calmes et on ne peut s’empêcher de ressentir le sentiment de « renaissance » qui s’apparente à l’observation des premiers bourgeons au printemps. Les tableaux nous transportent, oui, dans les champs, mais également à l’intérieur d’une seule et unique tulipe. On peut presque sentir l’odeur de la fleur et ressentir la brise, le tout surplombé de montagnes enneigées ou décoré d’étangs verdoyants.

Dans la salle à droite, Garrett Lockhart décore la pièce de bribes d’une maison vivante, qui constituent l’exposition Shine. Une poignée de porte, une lampe, un tas de CD… Le spectateur peut passer d’une toile à l’autre, qui semblent être faites de photographies et de colle, en marchant au travers des sphères déposées par terre Un peu comme des ballounes laissées pour compte après une fête d’enfant. Ces sphères sont toutes de grosseurs égales, mais de couleurs et de textures différentes. Cette pièce semble représenter les milles et une vies qu’une maison peut incarner au fil du passage du temps et des familles l’habitant.
De plus, on peut trouver un deuxième étage à ce bâtiment déjà enrichissant dans sa tenure d’œuvres d’art. Au bout des escaliers, des chambres étroites à la disposition propres aux bâtiments ancestraux nous accueillent. Toutes blanches, décorées d’un calorifère qui nous réchauffe ne serait-ce qu’à la vue de celui-ci, les chambres semblent tout d’abord vides. En se rapprochant, on découvre l’installation sculpturale de céramique et de textile: Nature Pointue, d’Élisabeth Perreault. Les tiges et les lianes ornées d’épines suivent les arêtes des murs, créent des courbes et longent les trous et les imperfections de la construction de la chambre. Les matériaux de couleurs pastel rappellent la nature, mais également la féminité. On lit sur le site internet de la galerie Pangée : «(…) Son processus créatif s’appuie sur des techniques et matériaux souvent associés à l’artisanat. Élisabeth Perreault établit une confection maternelle et intime avec les textiles — un matériau traditionnellement associé avec les femmes et la sphère domestique — qui célèbre la féminité ».



Enfin, toutes ses œuvres, non loin les unes des autres, se consomment comme une brise fraîche, printanière, au milieu de l’hiver, par leurs couleurs, leur courbes et leurs sujets. Le sujet de la maison rapporte le spectateur à lui-même, il semble lui ouvrir les bras et le laisser se reposer pour la saison froide. À côté, les œuvres de Claire Millbrath sont un message d’espoir vers des jours plus ensoleillés. C’est pour cette raison que notre visite s’est terminée par un retour à cette première salle. En effet, nous avons bouclé la boucle en prenant le temps de s’asseoir devant la télévision cathodique posée sur les planchers de bois francs qui diffusait en boucle des images de champs de tulipes. On pouvait presque les sentir.