Le collectif Papagroove lançait, il y a deux semaines de cela, un nouvel album intitulé Civilised Ghetto. Fort de ce nouvel opus, le groupe foulera les planches du Cabaret du Mile-End, ce samedi 10 novembre prochain, pour un premier spectacle complet. Rencontre avec le chanteur du groupe, Sébastien Francisque.
Pop spontanée
Q: Sur Civilised Ghetto vous me semblez délaisser quelque peu l’afrobeat pour recentrer votre son sur quelque chose de plus pop/funk. Qu’est-ce qui a motivé ce tournant?
R: Dans le processus créatif, ce qui est arrivé, c’est qu’on a commencé à faire des « jams sessions ». C’est la façon dont on fonctionne pour composer nos chansons. Une trentaine de pièces sont ressorties de ce processus. Deux tendances s’y dessinaient naturellement. Deux directions possibles ressortaient. On a donc choisi, pour cet album, cette tendance qui consiste à épurer les arrangements, à être un peu plus concis dans les structures des chansons. Cela nous a poussés à mettre de côté pour un éventuel troisième album nos compositions plus roots. Notre base afrobeat reste néanmoins présente dans certaines chansons comme « Civilised Ghetto » ou « U Get No ». Le résultat plus épuré de notre nouvel album est donc venu naturellement, selon notre inspiration.
Q: Ce tournant a donc émergé spontanément, appelé par des motivations artistiques. Il ne reposait pas sur une volonté de rejoindre un plus grand public…
R: Quand on réécoute au final, on se dit que peut-être que ça va rejoindre un plus grand public. On ne sait pas. On verra. Mais cela n’était pas prémédité. Cela a émergé naturellement dans notre processus créatif et on c’est dit « pourquoi pas explorer de ce côté. »
Improvisation, spontanéité et collectivité
Q: De quelle façon fonctionnez-vous pour arriver à créer ainsi, à douze musiciens, en vous basant sur des « jams sessions »?
R: C’est certain que plusieurs membres du groupe — comme Martin Lizotte (clavier), Jean-François Ouellet (saxophone), Gabriel Lajoie (basse), ainsi que moi-même – arrivent souvent avec des idées de départ. Ensuite, on essaie ça en « jam », puis les autres membres du groupe amènent leurs idées et viennent se greffer au point de départ. Parfois, les directions sont un peu plus précises, mais au final, tout le monde amène ses idées dans un cadre improvisé.
Q: Avez-vous un après « jam session »,où vous retravaillez les idées qui ont émergé en improvisation?
R: C’est sûr qu’on enregistre et réécoute le « jam ». Ensuite, la « session » suivante, on arrive souvent avec des améliorations, des idées de thèmes pour les cuivres. Celles-ci sont alors développées. De là, on repartira avec l’idée maitresse de l’arrangement. Parfois, un des musiciens retravaille de chez lui et écrit un arrangement un peu plus complet.
Q: L’improvisation est donc vraiment au cœur de la démarche du groupe…
R: Oui. Ç’a toujours été au cœur de notre musique et je pense que ça va toujours l’être. Il y a beaucoup de gens dans le groupe qui sont dans d’autres projets où c’est très formaté, où on arrive avec les partitions et c’est ça qu’il faut jouer. Je pense que c’est ce côté libérateur qui fait qu’on est douze dans Papagroove et qu’on a tous envie d’être là. Comme Mathieu Van Vllet (trombone) disait « tout le monde dans le groupe est l’artiste. » Tout le monde est d’égale importance, tout le monde a son mot à dire, tout le monde a sa place et sent qu’il a sa place.
Q: J’imagine que ça contribue beaucoup à l’énergie remarquable et pour le moins explosive du groupe?
R:Tout à fait.
L’art de prendre le temps
Q: Beaucoup de temps se sont écoulés entre vos deux albums. Est-ce la dimension logistique qui vous y a forcés ou peut-on y voir une volonté de trouver un nouveau souffle créateur?
R: Après le premier album, certains membres du groupe se sont impliqués dans divers projets. La disponibilité de chacun n’était pas toujours au rendez-vous. En plus, plusieurs ont eux des enfants. Cela a fait en sorte que nos horaires sont devenus plus difficilement compatibles. La dimension monétaire a aussi beaucoup joué. Après notre premier album, on n’avait pas une structure assez établie pour réussir à obtenir les fonds nécessaires à une nouvelle production. On a trouvé de bonnes âmes prêtes à nous soutenir financièrement.
À partir de là, on a commencé à enregistrer chez Maxime Audet-Halde, un des guitaristes du groupe, qui est assez bien équipé au niveau du studio. Jean-François Ouellet et lui ont co-réalisé l’album. On a donc commencé à enregistrer chez Maxime. On faisait des écoutes. On prenait le temps d’avoir du recul, d’écouter, d’analyser, de changer tel ou tel truc. C’est donc une série d’événements comme ça qui nous ont poussés à prendre notre temps. Je pense que pour le prochain album, ça va aller beaucoup plus rapidement, du fait qu’on est mieux structuré, du fait aussi qu’une grande partie des chansons d’un potentiel troisième disque sont déjà composées.
Q: Vous avez donc travaillé beaucoup en studio.
R: Oui, c’est une des différences avec notre premier album. Pour celui-ci, on avait répété beaucoup. On est entré en studio très préparé. Ce qu’on voulait, c’était amener l’énergie du « live » sur le CD. Pour le nouvel album, on a choisi de travailler beaucoup en studio d’enregistrement, de façon à faire ressortir les idées musicales, les textures et les sonorités. On s’est concentré un peu plus là-dessus, sans se dénaturer dans le processus. L’objectif étant d’explorer, à chaque album, différentes approches, différentes choses que le groupe peut faire, de voir où on se sent le plus à l’aise. Il est probable que pour le troisième album, on expérimentera encore de nouvelles directions.
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Civilised Ghetto
Papagroove
Papagroove/Sélect
En spectacle le 10 novembre au Cabaret du Mile-End.
Article par Gabriel Vignola. Il aime le gros son, mais aussi la délicatesse… Le verre ciselé par l’orfèvre… Il aime qu’on se lance, qu’on s’attrape et qu’on s’arrête, devant une toile, un livre ou un panneau de signalisation.