Critique de la production Leitmotiv par De Course Théâtre présentée à La Chapelle du 2 au 11 février 2012.
On s’attend à beaucoup lorsqu’on se rend à la première production d’une jeune troupe dont la première pièce est présentée à La Chapelle. On s’attend à découvrir quelque chose d’inouï, qui fascine par sa nouveauté, qui déroute par ses référents, qui éblouit par le talent de ses jeunes acteurs révélés; on ne s’attend peut-être pas à tout ça d’un coup, mais au moins à un de ces éléments, il faut bien quelque chose; on s’attend à quelque chose, mais certainement pas à ce qu’offre Leitmotiv. Leitmotiv n’offre rien que l’ennui du vide, la détestation du maniérisme, le décalage d’un conceptualisme puéril, le trou sans fond d’un lyrisme désincarné, le pathétisme d’un jeu d’acteurs à qui on a oublié de fournir une mise en scène, un décor, des éclairages. Leitmotiv présente des pantins qui récitent un texte plaqué sur des intonations forcées censées émuler un drame insaisissable.
Comprenez-moi bien : j’ai essayé de trouver des points positifs à cette pièce écrite par Anaïe Dufresne, mise en scène par Émilie Cormier et scénographiée par Andréane Bernard et Anaïe Dufresne. J’essaie toujours. Ça ne fonctionne tout simplement pas. Dès l’ouverture, on sent que ce sera pénible. Quatre acteurs dont les voix sont amplifiées par des microphones discrets se mettent à soliloquer tour à tour sans jamais avoir d’interaction entre eux. Quatre acteurs, un espace scénique, un public : tous les éléments nécessaires pour faire du théâtre y sont, mais non, ce n’est pas ce à quoi on a droit. L’impression que m’a laissé la pièce, défendue par Ariane Lacombe, Stéphane Poitras, Louis-Karl Tremblay et Corinne Chevarier, est plutôt qu’on a tenté de me présenter de l’anti-théâtre. Si c’était là l’intention, c’est réalisé avec brio.
Inévitablement, il faut relever les intentions intermédiales qui président à la production de Leitmotiv. La musique, réalisée par Jérôme Guilleaume (The Gulf Stream), baigne de son ambiance l’ensemble de la pièce comme une trame sonore participe du pathos au cinéma, mais le texte est si plat que la musique ne peut rien faire lever. Les images vidéo projetées du début à la fin sur un écran panoramique à l’arrière-plan n’ont rien de mieux à proposer. Malgré de très beaux plans, une réalisation léchée, la dimension cinématographique n’offre guère plus d’intérêt que la dimension théâtrale, les deux plans étant trop disjoints l’un de l’autre. La question qui persiste, c’est : pourquoi faire appel à différents médias si c’est pour les sous-exploiter et ne créer aucune cohésion entre eux? On en vient même à questionner l’exploitation du théâtre lui-même tellement c’est le texte (trop hermétique) qui domine la production. Un texte indigeste de drame désincarné et d’apitoiement larmoyant qui présente une espèce de récit initiatique pour adultes aux parcours ratés.
Ultimement, le seul point positif que je peux évoquer, c’est la durée de la pièce. À une heure près, on s’en sort vite.
Assister à Leitmotiv rend nostalgique : on s’ennuie de temps où balancer des tomates en direction de la scène constituait une consolation réjouissante.
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Leitmotiv, par De Course Théâtre, au théâtre La Chapelle, du 2 au 11 février 2012.
Article par Simon Levesque. Tigres de papier & autres créatures sibyllines occupent son esprit amusé par l’objet inexistant.