Avec Félix et Meira, le réalisateur Maxime Giroux part à la rencontre de la communauté juive hassidique montréalaise en mettant en scène une histoire d’amour lumineuse entre un Québécois francophone et une jeune juive mariée. Il en fait un film magnifique, tout en subtilité, où l’ombre et la lumière se côtoient pour au final mieux s’unir.
L’œuvre de 105 minutes produite par Metafilms (compagnie de production derrière le succès de Mommy de Xavier Dolan) est lauréate du prix du Meilleur film canadien et a été lancée en première mondiale en septembre au Festival international du film de Toronto. Le troisième film de Maxime Giroux, après Demain (2008) et Jo pour Jonathan (2010), était projeté dernièrement dans le cadre de l’édition 2014 du Festival du nouveau cinéma de Montréal (FNC) où il a remporté la Louve d’or, qui récompense le meilleur long-métrage en compétition internationale, ex-aequo avec Spartacus et Cassandra de Ioanis Nuguet.

Félix et Meira, comme son nom l’indique, relate l’histoire d’amour improbable entre l’insouciant Félix (Martin Dubreuil), dont le riche père vient de mourir, et la calme et réfléchie Meira (Hadas Yaron), mariée, mère d’une enfant et juive hassidique. Les deux êtres, issus de communautés dont rien ne rapproche, s’apprivoiseront à coup de rencontres dans les rues du Mile-End, l’un comme l’autre cherchant à en connaître davantage sur un monde qu’il n’a jamais exploré.
Le film, tourné à Montréal, à Brooklyn et à Venise, tire sa force de sa mise en scène subtile, délicate, sobre, où rien n’est trop appuyé. Maxime Giroux nous ouvre les portes d’une culture fermée, qu’on connaît peu, sans jamais verser dans le cliché. Rien dans Félix et Meira n’apparaît irréaliste. Au contraire, la finesse de la réalisation permet de croire en une histoire d’amour plausible et touchante entre un homme et une femme qu’au départ tout oppose. Martin Dubreuil et Hadas Yaron offrent une composition remarquable, vibrante, où la retenue évoque sublimement le désir refoulé chez les deux personnages. Il y a une de ces scènes marquantes où Félix retire la perruque que doit porter Meira et effleure pendant de longues secondes sa chevelure écourtée. Ce complet abandon chez Meira d’un symbole puissant de sa soumission à la religion bouleverse profondément.

D’ailleurs, le long-métrage joue avec les oppositions et les analogies. D’abord, Félix et Meira, issus de communautés distinctes, sont tous deux en marge de celles-ci. La famille chez les deux protagonistes est source de douleur et de conflit. Félix n’a jamais su accepter les exigences de son défunt père, tandis que Meira peine à se conformer à l’autorité de son mari (Luzer Twersky, ex-juif hassidique, troublant par la vérité de son jeu) et du hassidisme. Les personnages cherchent l’affranchissement, la liberté, rejettent la part d’ombre dans ce qui leur est familier, et trouvent la lumière dans ce qui leur est inconnu. Également, la direction photo, signée Sara Mishara (Tu dors Nicole, Roméo Onze, Tout est parfait) appuie cette dichotomie par un éclairage, parfois en contre-jour, parfois en clair-obscur, où les hautes lumières se mélangent aux plans plongés dans la noirceur. Le choix de tourner le film en hiver, saison où la neige frappe par son éclat et où la nuit est plus longue que le jour, s’accorde parfaitement avec cette idée.
Félix et Meira, remarquable film qui émeut par sa beauté et sa délicatesse, prendra l’affiche à l’hiver 2015. Le long-métrage de Maxime Giroux touche par sa sincérité et sa volonté de dépeindre avec réalisme les amours de deux êtres à l’existence ombrageuse qui retrouveront enfin chez l’autre la lumière.
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Félix et Meira, drame de Maxime Giroux avec Martin Dubreuil, Hadas Yaron, Luzer Twersky, Anne-Élisabeth Bossé. 1h45. À l’affiche à l’hiver 2015.
Article par Sarah Daoust-Braun. Étudiante au baccalauréat en journalisme à l’UQÀM. Passionnée de culture, surtout de cinéma et de littérature, et consommatrice excessive de chocolat.