L’Artichaut s’étant donné comme mandat d’assister aux divers pèlerinages du camion de déménagement appartenant au projet Complot, il s’avérait intéressant de s’introduire à l’improviste pour espionner l’une de leurs installations.

Comme les projets sont nomades, il m’a semblé plus pratique d’aller prendre part à celui qui serait situé le plus près de mon domicile. Un concept d’ailleurs qui devient fort intéressant, si on suppose que les installations ont stratégiquement été disposées selon des caractéristiques psychogéographiques propres à chaque quartier. Mais bon! L’heureuse gagnante de mon concours de circonstances fut Sandrine Côté, instigatrice du projet 8 portant pour titre Dompter la gravité.
Comme la programmation indique que la fête commence à 10h, je m’y suis rendue clopin-clopant aux alentours de 11h. Petit bémol, l’installation était loin d’être installée. J’ai erré pendant un bon moment, prenant plaisir à regarder les artistes à l’oeuvre, contemplant la concentration évidente de Sandrine Côté sans manquer d’écouter en secret les discussions échangées déviant sur l’ensemble du projet. Évidemment, j’ai fini par me tanner. Deux heures plus tard, après m’être procurée quelques babioles inutiles vendues dans les environs, je reviens à l’exposition qui se concrétisait.
Le projet en soi exhibe une installation plutôt sympathique, impliquant un gros canon rouge esthétiquement réussi, un stand aux couleurs festives, proposant comme centre une pyramide de cannes dorées décorées d’étoiles d’or, des tonnes de fausses barbes à papa néanmoins alléchantes ainsi qu’une grande cible rouge. En outre, il s’agit d’une installation assez intéressante aux couleurs militaires, mais joyeuses.
Une question me taraudait alors : quel rapport y a-t-il avec la gravité? J’ai pensé à priori aux canettes dorées. Celles-ci, étant remplies de sable, demeurent stables et semblent impossibles à ébranler: défiant d’un sens la gravité. Même le vent, un élément naturel qui a l’habitude de s’affilier avec la force gravitationnelle lui fait défaut. De plus, on retrouve à l’extrémité du canon un continuel nuage de fumée, qui évoque lui aussi un domptage de la gravité. Jouer avec la gravité, en extraire une œuvre d’art, un cirque humain jouant avec la physique. Bref, des possibilités d’interprétations infinies.
On m’a appris que le lieu de l’exposition était choisi à la discrétion de l’artiste. Quelques recherches cybernétiques, et hop, je suis une historienne calée qui comprend maintenant que sur le coin de la rue Clark et de ce qui est désormais Prince-Arthur, se tenait au XIXe siècle, l’un des plus grands jardins de Montréal, nommé au nom de son fondateur, le jardin Guilbault. C’est dans ce jardin qu’aurait eu lieu les premières fêtes foraines, les premiers spectacles de cirque et d’animaux exotiques. Voilà un lieu avec du cachet, de l’histoire et une mémoire collective qui menace de s’effacer sous les innombrables strates d’asphaltes qui composent maintenant le coin. J’imagine un crieur de foule, recensant avec émotion les contes et les fables du jardin Guilbault : une addition historique à ce spectacle déjà intéressant. Somme toute, un endroit stratégiquement choisi pour tenir une installation artistique aux odeurs de fête foraine.
Le projet Complot comporte également une partie littéraire : un artiste, un écrivain, c’est leur leitmotiv. Il me tarde de lire les lignes inspirées de l’histoire qui exhale de cette exposition.
Article par Gabrielle Lauzier-Hudon.
