En se positionnant à l’intersection de plusieurs champs disciplinaires, projets hybris cherche à faire de la collaboration le principe opératoire de tous ses projets. Politique, son travail est animé par les théories et pratiques queers et féministes. Ainsi, la question des marges, qu’elles soient marges de l’art, des savoirs, des histoires ou des sociétés, se développe à travers tous les projets de la compagnie. projets hybris présente les spectacles PERSONA (2011), ORPHÉE REVOLVER (2010-12) et PROPOSITIONS FOR THE AIDS MUSEUM (2014). Au offta 2015, la compagnie organise HORS-SCÈNE, une journée d’étude rassemblant artistes, organismes, institutions et universitaires.
CRÉDIT BIO: OFFTA

Crédit photographique: Maude Arès
ARTICHAUT MAGAZINE: C’est quoi pour vous (sur)vivre ?
PROJETS HYBRIS: Pour moi, c’est en quelque sorte le rôle de l’artiste d’offrir des pistes de survie aux problèmes qu’implique la vie contemporaine. Je crois que la liberté qu’offre le travail artistique par rapport aux autres disciplines de la pensée permet de réfléchir des postures inédites et de penser des solutions originales aux maux du jour. Je ne veux pas dire ici que ces « solutions » doivent être pragmatiques ou applicables. Il s’agit plutôt de faire des agencements surprenants entre des idées qui peuvent au départ apparaitre incongrues. Pour moi, faire de l’art est de l’ordre du discours, c’est avancer des idées.
A.M.: L’interartistique chez vous, c’est naturel/inné/accidentel/inévitable/forcé/obligatoire ?
P.H.: Pour nous, la tangente interdisciplinaire était en quelque sorte inévitable. Nous avons commencé notre pratique avec un mandat spécifique au théâtre de recherche, mais cette recherche s’est nécessairement ouverte au fil des années vers d’autres disciplines du corps, vers la musique et vers les arts visuels. Notre envie de travailler avec des personnes de toutes disciplines nous a amenés à transformer notre mandat pour s’inscrire définitivement dans une recherche interdisciplinaire. Il s’agit aussi pour nous d’une posture politique, qui pousse à repenser les rapports de pouvoir en création, alors qu’on souhaite travailler dans une forme d’horizontalité.
A.M.: D’une échelle allant de « Pige dans le lac » à « Dungeons & Dragons », à quel barreau situez-vous votre besoin de règles dans la création ?
P.H.: Définitivement « Pige dans le lac ». J’aurais envie de dire que la seule règle chez hybris, c’est la conviction. L’ensemble du matériel de nos spectacles est construit via de longues périodes d’improvisation au cours desquelles les artistes de l’équipe sont amené.e.s à faire de multiples propositions. C’est à partir de ces propositions que le langage formel du spectacle se construit. Notre pratique donne à la recherche pure beaucoup de place, et ce jusqu’à la toute fin du processus. Au final, les règles qui régissent notre pratique ont beaucoup plus à voir avec la maximisation du potentiel de création qu’avec l’imposition de contraintes : l’écoute, le respect, l’ouverture, l’audace. C’est en donnant une totale liberté aux artistes de nos projets qu’on arrive aux résultats les plus intéressants et les plus radicaux.
A.M.: La lecture/l’œuvre qui a fucké votre vie ?
Fucké ma vie, je ne sais pas trop, mais disons que pour Youngnesse nous avons été fortement marqué.e.s et influencé.e.s par deux livres : le SCUM Manifesto (1967) de l’auteure féministe américaine Valerie Solanas et le recueil Lecture en vélocipède (1972) de la poète québécoise Huguette Gaulin. Ce sont deux livres absolument radicaux, dans la forme qu’ils adoptent ainsi que dans les idées qu’ils avancent. C’est en quelque sorte l’attitude de ces livres qui nous a inspirés, leur posture sans compromis. Nous nous sommes inspiré.e.s de cette énergie pour penser le langage plastique et politique du spectacle.
A.M.: « »
P.H.: « nous rêvions à des colères magnifiques », Huguette Gaulin, Lecture en vélocipède, 1972
A.M.: Si vous aviez à résumer votre carrière en une phrase, que diriez-vous ?
P.H.: C’est un exercice constant de lâcher prise : laisser de plus en plus de pouvoir dans les mains des artistes avec qui je collabore, travailler toujours plus dans l’échange, dans la circulation des idées.
A.M.: Des conseils pour la relève en art ?
P.H.: C’est jusqu’à quel âge la relève?…. 39 ans?
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projets hybris présentait Youngnesse les 7 et 8 juin dernier dans le cadre du OFFTA 2016.