
Crédit: Leslie Narvàez
Pixèle-Moi
Le méchant monstre
kidnappe la princesse
Arthur, sauve-la !
L’aventure est
Une épopée ludique
Qui te dévoile
Tu es le bourgeon
Subissant sa mutation
Une fleur complète
Arthur est un héros légendaire qui cherche à retrouver sa princesse malencontreusement kidnappée par un méchant monstre. Le Rétrocolectivo orchestre avec brio l’aventure fantastique du musclé gaillard. À l’aide de filtres de couleurs, d’instruments de musique, d’eau, de bruitages, de bricoles et de chansons, un univers de jeu vidéo est créé à travers un rétroprojecteur. On assiste à une aventure ludique empreinte d’une trame philosophique fort amusante et bien trouvée. On y décèle par ailleurs une critique de la culture de masse, qui supporte principalement des scénarios hétéronormatifs, idées qu’on nous impose alors qu’on commence à peine à marcher. Par exemple, on peut penser au fameux Mario Bros ou à n’importe quel conte de princesse. Dans Pixèle-moi, le héros vit une épopée hors du commun. Après avoir rencontré Platon, pris du Mush, combattu de multiples monstres et joué aux dames fort maladroitement, il finit par retrouver la fameuse princesse perchée dans sa tour. Il lui dit finalement qu’il a découvert l’amour libre et qu’il n’est pas prêt à s’engager. Elle de lui répondre qu’il est « dont ben intense ». Le monstre (boss final) revient alors et avoue qu’il est pour l’amour libre aussi. Ils s’en vont, main dans la main, heureux de leur choix. La princesse, elle, fait un voyage à Berlin où elle se découvre et transforme sa tour en logements à prix modiques. Malgré le côté humoristique de la proposition, il est évident qu’on se questionne sérieusement sur les modèles et stéréotypes de héros dans les jeux vidéos, et qu’on finit en en voulant plus de ces jeux qui permettent de savourer des histoires différentes et plus près de ce que le monde actuel, dans toute sa richesse, nous réserve.

Crédit: Vivien Gaumand

Crédit: Chloé Surprenant
Gagnant à vie
Des voix de béton
Des volatiles meurtris
Chantent ma rage
Les trottoirs sont pleins
De pauvres gens qui ont faim
Les maisons s’ennuient
Ils ajustent le bruit
La poésie des ruelles
Est viscérale

Crédit: Vivien Gaumand
C’est dans une ambiance de cabaret interdisciplinaire trash que la poésie nocturne du Bureau de l’APA opère. Dans une confrontation directe avec le public, l’expérience est viscérale. Une urgence de dire qui se fait dans une forme atypique où le bruitage et la distorsion des instruments frappent en pleine face. Ces volatiles écorchés chantent des chansons qui nous laissent des images fortes, de béton, de ruelles, de magasins à grande surface, de souffrance, d’indifférence, etc. Si Tom Waits avait été présent hier soir, il y aurait assurément trouvé des alliés artistiques. Ce groupe qui tente (je dirais même qu’il y réussit) de nous faire voir un monde qu’on tente toujours aujourd’hui d’ignorer : celui de la rue. Proposant cette fois des chansons de leur cru, le Bureau de l’APA travaille une langue riche et crue, débordante d’émotion. Aucune histoire linéaire n’est ici nécessaire ; on se laisse emporter dans les images proposées, qui sont réunies par un esprit de révolte ardente. Un théâtre nécessaire dans un monde en perdition. Le thème du OFFTA cette année est (sur)vivre, et ces artistes s’y inscrivent complètement. Ils nous parlent de la perte de sens dans notre monde en destruction. Un temps où on laisse des gens mourir sur le pavé au lieu de les laisser entrer dans nos maisons. La langue est ici l’outil qu’on utilise pour créer des images poétiques transcendantes. Les idéaux sont tellement forts que le langage devient à un certain moment inopérant et l’émotion se transforme en couteau à double tranchant. C’est beau, certes, mais c’est encore plus violent et plein d’espoirs déchus. Ça rappelle de bons vieux cd punks, c’est indiscipliné, ça donne envie de se lever, envie de s’indigner.
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Pixèle-moi et Gagnant à vie étaient présentés dans le cadre du OFFTA le 30 mai 2016.
Article par Steave Ruel. Étudiant en Études Théâtrales, j’aime ce qui est acerbe, irrévérencieux, satirique, ironique, sarcastique et cathartique. Tout ça pis manger.