Tomlinson fait le passage contraire auquel on pourrait s’attendre. Originaire de Palgrave, à 50 km au nord-ouest de Toronto en Ontario, il embrasse le parler montréalais. «J’étais curieux de voir le monde, donc j’ai déménagé à Montréal pour devenir un artiste et j’ai été charmé par la culture et la langue. À Montréal, la langue fait partie de la culture. C’est dommage qu’en cinquième [ou] sixième année [du primaire], l’histoire du Québec ne soit pas enseignée dans les écoles de l’Ontario», explique-t-il. Son intérêt pour le français s’est donc manifesté après sa scolarité. Matt Tomlinson a auparavant travaillé comme plongeur, acteur, scénariste et compositeur de musique de film. Même s’il s’intéressait davantage à la cinématographie et à la comédie, la musique a toujours fait partie de sa vie. L’auteur-compositeur-interprète a donc fait le saut en musique dans un angle qui lui était inconnu : sous le feu des projecteurs.
Passionné et aventurier, Matt Tomlinson partage ses expériences à travers ses chansons présentées dans son spectacle, l’hôte des histoires dont il se fait le conteur. Il suit son chemin vers Montréal où il découvre son goût pour la langue française. Autodidacte, il se dit fier de son parler. C’est tout seul, à force d’assister à des pièces de théâtre comme L’Étranger, qu’il apprend le français. D’ailleurs, il confie que le titre de son album a été inspiré par un vers dans l’ouvrage d’Albert Camus : «Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été».
Son objectif est de briser la préconception de barrière entre l’anglais et le français. Utilisant des expressions québécoises comme «qui torche» et «la toune», son intégration au jargon québécois est perceptible.
«J’ai grandi sur cent acres, dans la nature, dans un village de 5000 habitants. J’avais ce désir d’être compris, ce besoin», raconte-t-il. Ayant un esprit ouvert, il s’offre aux autres. Matt a confié à son public qu’il a tenté d’éviter de faire de la musique, mais que c’était plus fort que lui.
Son oreille est attirée par les auteurs-interprètes aux paroles poétiquement enivrantes. Joni Mitchell, Philip Glass, Elliott Smith, Richard Desjardins, Jacques Brel et Jean Leloup figurent parmi les artistes qu’il écoute avec attention.
«Un mariage de sensibilités»
Un été en hiver est un album de folk contemporain, qui illustre l’avènement de «la musique [comme étant un] chemin spirituel pour [lui]», dit-il en anglais. Avec cette création qu’il qualifie de «collaborative», il désire «partager de beaux moments, son inspiration, un peu de bonheur, de réflexion, de joie et d’ouverture». «À la base, tu n’as que ton histoire à partager», dit-il. Chacune de ses chansons porte un message. Par exemple, Bonne nouvelle a une tendance socio-politique en parlant des médias et de la peur qui alimente notre société. Le chanteur et guitariste présente un album sain dans lequel les sujets abordés peuvent se permettre d’être moins sérieux, presque drôles.
«Ce n’est pas que mon album. Il y a tellement de gens impliqués dans ce projet. Ils ont tellement contribué et c’est ce qui fait toute [la] beauté [de ce dernier]». «Ce projet traduit vraiment ce que tu avais envie d’accomplir», lui lance Tim Murphy, réalisateur de l’album et musicien. «Un été en hiver a sa propre identité. Il était tellement amusant à faire», déclare Matt Tomlinson. Même s’il est capable de s’exprimer adéquatement dans sa langue seconde, l’aide de son ami et co-parolier, Michael Dudemaine, était nécessaire à la structure des textes, de ses idées et afin traduire justement certaines expressions. Chaque langue a sa sensibilité et son but est d’encourager un dialogue entre les deux.
La scène, sa zone de confort
C’est sur une scène de quatre mètres sur cinq que Matt Tomlinson a présenté une dizaine de chansons à son public. L’audience bilingue et diversifiée en âge et en ethnie assistait au concert, dans une ambiance conviviale. Une poignée de ses amis ont fait le voyage Toronto-Montréal pour l’occasion.
L’accent de Matt Tomlinson ne se laisse plus entendre après deux ou trois chansons. On s’y habitue. L’attention est portée sur le message et sur l’énergie qu’il veut transmettre. Trois musiciens et une choriste l’ont accompagné sur scène alors qu’il a parsemé son concert d’anecdotes comiques. Entre chaque chanson, Matt Tomlinson s’est adressé au public et a engagé une conversation à la fois en français et en anglais. C’est avec son regard perçant que Tomlinson a partagé ses tranches de vie en chantant. De sa copine jusqu’à vivre dans un chalet à Saint-Donat, il s’est livré au public avec aise.
C’est avec sa voix poétique et bien timbrée que le chanteur et musicien a interprété des chansons plus senties comme Rien ne dure qu’il a d’ailleurs dédiée à David Bowie, Fidèle et Prendre le temps. Il a un style et une énergie singulières. Avec ses mélodies pleines de sensibilité et sa voix nostalgique, Matt Tomlinson tient la main de ceux et celles qui veulent bien l’écouter.
Ce sont les moments de folie qu’il a passé dans un chalet des Laurentides qui lui ont fait réaliser qu’il devait faire de la musique et la partager. «Des fois, il faut se perdre pour se retrouver».
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L’album «Un été en hiver» de Matt Tomlinson est disponible sur iTunes.
Article par Myriam Eddahia.