Transcender la solitude – Dans un FOOD COURT, présenté à l’Espace La Risée

Dans un FOOD COURT est une création de diplômés de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM. Librement inspiré de Chaque automne j’ai envie de mourir, un recueil de monologues de Véronique Côté et Steve Gagnon, le spectacle questionne l’incapacité à se rencontrer, à communiquer, à s’ouvrir à l’autre.
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Dans un FOOD COURT est une création de diplômés de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM. Librement inspiré de Chaque automne j’ai envie de mourir, un recueil de monologues de Véronique Côté et Steve Gagnon, le spectacle questionne l’incapacité à se rencontrer, à communiquer, à s’ouvrir à l’autre. Sous la direction de Solo Fugère et Marie Fannie Guay, les interprètes Lamia Benhacine, Samuel Beau, Francis Jacques, Pascale Labonté, Marie-Pier Lefebvre, Camille Léonard et Olivier Turcotte nous livrent les histoires d’individus solitaires, honteux, révoltés.

Crédit photographique: Sabiha Merabet
Crédit photographique: Sabiha Merabet

Lorsqu’on arrive, les chaises sont disséminées sur la scène et dans la salle, autour de tables rondes ou bien en rangées de deux ou trois qui se font face, esquissant des allées. Les spectateurs peuvent prendre un verre et s’asseoir où ils le souhaitent avec le pressenti de ne pas pouvoir se placer en dehors de l’espace de jeu. Un carré de néons est placé au centre du plafond, installant une atmosphère livide de Food Court. Les interprètes investissent tour à tour l’espace par des mouvements chorégraphiés (chutes, tremblements…).

Crédit photographique: Sabiha Merabet
Crédit photographique: Sabiha Merabet

La force de cette création réside dans la maîtrise du rythme et des contrastes. En effet, les monologues où l’écoute et le regard du spectateur se focalisent en un point d’orgue tranchent avec les tableaux décentrés de folie collective sur fond de musique rock dans lesquels tous courent, se heurtent, se portent, envahissant l’espace entier dans une débauche de billets de loterie et de pièces de monnaie jetés au sol.

Progressivement, l’accumulation de papiers, de pièces de monnaie et le gaspillage qu’elle suggère laisse place à une accumulation de souvenirs et d’aveux partagés, ciment du lien social. La solitude qui émane des monologues et des partitions chorégraphiques du début suit une progression où de plus en plus de contacts sont établis, entre les acteurs, mais aussi avec le public. La dynamique du spectacle tend vers l’être-ensemble, la compréhension, l’écoute, la reconnaissance, le partage. Une réelle évolution du lien entre les individus en présence vers la cohésion et le partage est perceptible à l’échelle de la pièce. Nous repartons empreints d’optimisme et de bienveillance.

Crédit photographique: Sabiha Merabet
Crédit photographique: Sabiha Merabet

Cette création propose une expérience sensorielle très riche pour les spectateurs. Dans un esprit de partage synesthésique, les cinq sens sont convoqués. L’ouïe et la vue sont évidemment convoquées par les mouvements et les paroles des interprètes. L’odeur invite à un autre type de réception : dès le début du spectacle, une employée passe la moppe et l’odeur du produit nettoyant envahit l’espace, comme celle du ketchup un peu plus tard dans le spectacle. Nous sommes ensuite invités à prendre des fruits et du pain vers la fin du spectacle, impliquant enfin le dernier de nos sens, le goût, dans la lignée du Bread and Puppet.

Crédit photographique: Sabiha Merabet
Crédit photographique: Sabiha Merabet

Enfin, Dans un FOOD COURT repose sur un subtil va-et-vient entre le poétique, le trivial et le politique. Par exemple, à la suite d’une séquence chorégraphiée, on peut voir des individus mangeant tristement leur hamburger dans une lumière sordide, sur fond de « Calvaire » du groupe La Chicane. Les histoires et l’intimité de cette foule d’inconnus des Food courts résonnent dans cet espace prosaïque transfiguré par la présence et le partage.

Crédit photographique: Sabiha Merabet
Crédit photographique: Sabiha Merabet

La seule déception réside dans les derniers mots du spectacle qui sonnent comme une moralité de fin de fable : « nous sommes tous frères et sœurs ». Cette formulation semble superflue tant cette idée irrigue déjà l’ensemble du spectacle.

La pièce Dans un FOOD COURT était présentée du 8 au 18 février 2017 à l’Espace la Risée.

Article par Lena Djaïz.

Artichaut magazine

— LE MAGAZINE DES ÉTUDIANT·E·S EN ART DE L'UQAM