Gaétan Nadeau et Rodrigue Jean ont pigé dans une faune bigarrée pour créer la nouvelle mouture de Zoo 2011. Du 11 au 29 octobre, L’Espace Libre revisite l’expérience d’un zoo humain en proposant une incursion dans une ville parallèle et insoupçonnée, Montréal.
Cette création du Nouveau Théâtre Expérimental ouvre ses portes sur une salle sombre, avec pour seul décor des murs noirs et une musique austère. Les personnages constituent l’unique distraction. On se promène et observe ces gens sans noms qui pratiquent des métiers incongrus : un taxidermiste, une culturiste, une drag-queen… Ce ne sont que quelques exemples parmi la dizaine d’individus insolites qui durant l’intégralité de la soirée s’adonnent à leur loisir ou leur métier.
Gare à celui qui s’attend à tout avoir tout cru dans le bec! Zoo 2011 place le spectateur dans le rôle de l’enquêteur : si on ne pose pas de questions, on n’aura aucune réponse. Les acteurs non professionnels, issus de la communauté, ont reçu la consigne spécifique de ne pas intervenir directement avec l’assistance. Quelques-uns répondront néanmoins de bonne grâce aux nombreuses questions qui leur sont adressées. Ainsi, chaque représentation est différente et place le public dans une situation où il joue le rôle principal en allant lui-même interroger les artisans, à son rythme.
Les « gardiens du zoo », le cinéaste Rodrigue Jean (Hommes à louer) et le comédien Gaétan Nadeau (Personal Jesus) privilégient l’aspect de la rencontre avec les participants. Ils mettent ensuite en lumière le contexte social de Montréal : disparition progressive de la classe moyenne, vent de droite qui s’exprime en politique comme dans les médias, désolidarisation avec les moins nantis, etc.
Il y a beaucoup de contraste dans ces personnages représentant la diversité montréalaise. On passe d’un vieil homme (qui change de la coke en crack!) à des jeunes faisant des mouches pour la pêche. On y voit aussi la maladie, un homme passe la soirée dans une reproduction d’une chambre d’hôpital, comparée avec la force et la vitalité, incarnée ici par une culturiste. Nos sens sont mis à l’épreuve; il est dur de résister à l’attrayante odeur de galettes que concocte une dame, mais facile d’être repoussé par celle de la peau brûlée d’une femme se faisant scarifier.
Zoo 2011 est bien différent de la première mouture, parue en 1977, où acteurs et animaux se côtoyaient dans des décors entièrement recyclés. La pièce actuelle offre une atmosphère plus sombre, permettant une réflexion approfondie sur la société colorée retrouvée à Montréal. Par contre, la patience est de mise, car cela prend un certain délai avant de réaliser que c’est au spectateur d’entrer en contact avec ces personnages qui sont parfois intimidants. Quand cette barrière est passée, il est plus aisé de poser ses questions ou simplement de déambuler en suivant le cours des discussions. Le tout offre une expérience unique, étonnante et surtout marquante.
Article par Marion Bérubé.