Encore de Marie Darsigny nous invite à entrer sans jugement dans le monde de la consommation. L’autrice offre un témoignage qui diffère de tous les autres en offrant dans son autofiction un « conte de toxicomanie tranquille » dans lequel sont déconstruits les stéréotypes de la lâcheté, de la réhabilitation et de la guérison afin de laisser place à la compréhension et au soutien. L’autrice incite à prendre le temps de bien comprendre les individus qui se cachent derrière la consommation plutôt que de les faire disparaitre derrière des étiquettes. Elle fait comprendre la nécessité de prendre en compte le contexte et de ne pas juger. Elle souligne que tout le monde fait la fête ; seulement, certain·e·s s’en retrouvent prisonnier·ière·s. Il est si facile de se dissocier de cet enjeu lorsque nous ne sommes pas aux prises avec la dépendance. Toutefois, Marie Darsigny tente de faire prendre conscience que personne n’en est à l’abri.
Dans son œuvre, l’autrice ne cherche pas à s’excuser, à se faire pardonner ou à se justifier. Contrairement à beaucoup d’autres œuvres sur le sujet de la toxicomanie et de la dépendance, le propos ici est plutôt l’accompagnement d’une toxicomane dans ses réflexions, ses craintes, ses idées noires, ses efforts de rétablissement et ses rechutes. J’ai apprécié avoir un nouveau point de vue de la dépendance. Il s’agit d’un point de vue intérieur, mais qui ne cherche aucunement à se culpabiliser ni à légitimer ses actions, mais de faire comprendre pourquoi la consommation peut devenir un échappatoire. Marie Darsigny met plutôt l’accent sur la guérison de la blessure plutôt que celle de son symptôme, c’est-à-dire la dépendance aux substances qui en résulte. L’anxiété, la pression de performance et l’obsession d’atteindre la perfection sont les coupables de ce mal-être. En tant que femme, elle se met énormément de pression sur les épaules, et ce, depuis un tout jeune âge. Cette pression est tout simplement devenue insupportable, écrasante. L’œuvre est une introspection qui se termine par la réalisation que le fait de tellement vouloir être normale a rendu malade l’autrice. Le côté essayistique de l’œuvre présente plusieurs cas de personnalités publiques menant ce même combat. Le manque de ressources adaptées est flagrant et augmente l’invisibilisation de la souffrance. C’est pourquoi prendre la parole pour parler de ce sujet sensible est primordial. Après tout, c’est en parlant ouvertement de ces enjeux que nous arriverons à déconstruire les tabous qui les entourent.
J’ai trouvé cette œuvre à la fois douce et amère, témoignant d’une réalité qui peut toucher n’importe qui d’entre nous sans avertissements. Il est grand temps de mettre fin au silence qui entoure cet enjeu et de trouver des ressources pour permettre à celleux qui sont aux prises avec une dépendance de s’en sortir.
Darsigny, Marie, Encore : conte de toxicomanie tranquille, Montréal, Remue-ménage, 2023, 176p.