Produit de l’imagination des créateurs de la compagnie Joe, Jack et John, Just Fake It, présenté au nouvel espace de création Aux Écuries est une expérimentation théâtrale sous le thème du mensonge, du faux-semblant.
Quatre personnages se mettent à nu pour exprimer leur hypocrisie camouflée dans une performance qui allie à la fois musique, jeu et danse. Cette distribution particulière, composée d’une danseuse, d’un acteur professionnel, d’une jeune femme porteuse de la trisomie 21 et d’un homme légèrement déficient intellectuel, offre un spectacle tout à fait différent, qui s’éloigne totalement des sentiers battus. Jouant sur la mince ligne qui sépare réalité et fiction, les personnages nous prennent à témoin dans des épisodes de leurs vies, en jouant sur l’aparté et sur l’interaction pratiquement directe avec le public. Geneviève, la jeune trisomique qui simule une crise d’épilepsie et avoue au public que c’est l’obtention de chocolat et d’attention qui à stimulé cette fausse transe; Dorian, la danseuse new-yorkaise qui admet ne rien comprendre au français et préfère prétendre le comprendre plutôt que de l’apprendre vraiment; Michael, légèrement déficient intellectuel qui avoue ne pas savoir nager ou encore Jean-Pascal qui finit par confesser qu’il ne détient pas vraiment un poste de cadre dans une entreprise d’abris extérieurs, car ladite entreprise est fermée depuis six mois sont tous attachants et bien développés dans leur complexité.
Crédit: Glauco
Cependant, là où il y a un os, c’est dans l’histoire, dans la construction de la pièce. Souvent, on s’éloignait du thème du « fake » pour tomber dans un néant narratif, où rien ne semblait être en lien avec le faux-semblant. Dorian, une des actrices, offre une magnifique performance de danse où elle utilise les abris Tempo disposés sur la scène. Oui, la performance est splendide, mais elle n’apporte rien au thème, on ne comprend pas en quoi cette performance est une fausse représentation du réel ou une révélation de la profonde vérité. C’est la difficulté de s’en tenir au thème, de bien exprimer ce mensonge qui est probablement le plus important problème du spectacle. À certains moments, ça devient difficile de comprendre ce qui a lieu sur scène, difficile de comprendre la raison des actions des acteurs, ce qui ampute évidemment la qualité de la pièce.
Pour l’expérimentation, la pièce mérite une mention, mais l’idée s’est mal transposée sur scène, a été mal transmise. Certains segments étaient rigolos, mais sans plus. Sans m’esclaffer, j’ai dû esquisser un sourire. Malheureusement pour Just Fake It, il ne suffit pas de lancer trois ou quatre drôleries pour rattraper une pièce qui s’éparpille. Coup de chapeau par contre pour l’innovant Théâtre Aux Écuries de prendre un tel risque en présentant cette pièce, en décidant d’aller à contre-courant et de donner une voix à ceux qui n’en ont pas. Si cette originalité ne fait pas la renommée des Écuries dans le futur, son audace fait toutefois d’ores et déjà sa marque.
Article par Sandrine Champigny.