J’avoue avoir été inquiet par la proclamation de la mort de Complot, ce projet autogéré par des étudiant-e-s en arts visuels et en histoire de l’art (de l’UQAM, de l’UdeM et, pour une première fois en 2013, de Concordia), fondé à l’UQAM une décennie plus tôt.
D’abord puisque sa structure démocratique et horizontale reste selon moi un modèle à suivre dans un monde de l’art hiérarchique et élitiste, ensuite parce que Complot agit à titre de banc d’essai indépendant et formateur pour bon nombre d’artistes et de théoricien-ne-s émergent-e-s. Bref, une plateforme à perfectionner, certes, selon les désirs de la cohorte en place, mais certainement pas à éliminer du paysage artistique. Soulagé, suis-je donc, de constater que cette mise à mort annoncée relève plutôt de l’autocritique productive, bien plus que de l’avortement définitif de ce projet expérimental.

Un problème de structure
Bien que, chaque année, l’équipe renouvelée de Complot doive négocier avec la complexité que constitue la coordination d’un projet à vingt têtes pensantes, cette dixième édition semble avoir eu du mal à innover sur la forme. De là l’idée de proclamer l’échec du vieux modèle pour en définir un nouveau, sorte de révolution. Une tâche qui, toutefois, incombe à la prochaine cohorte, puisque celle de 2013 ne propose que des pistes de réflexion sur la structure (voir le catalogue à ce sujet), et tombe dans le piège de ne rien y changer dans l’immédiat. Le changement est proclamé, mais nullement performé, ou du moins il le sera lorsque de nouveaux paramètres seront établis.
C’est que la structure du projet (dix artistes, dix auteur-e-s, dix jumelages, des comités, des subventions, une thématique imposée par la cohorte précédente, une exposition, un catalogue), reproduite à l’identique au fil des ans, finit par s’enliser et limiter l’émancipation de ses participant-e-s. Le constat est simple: on assiste à une sorte de fixation de Complot qui tend par le fait même à devenir une véritable institution, avec les avantages et les désavantages que cela comporte. En ce sens, il est intéressant de faire le parallèle avec la structure –fort semblable– des centres d’artistes autogérés et de se poser la question suivante: comment peut-on, en tant que nouvelle génération manifestement radicale, conjuguer le paradoxe que constituent les projets alternatifs et autonomes au moment de leur création devenus normatifs et structurellement «hétéronomes» (qui répondent à des règles non librement choisies) tout au long de leur évolution? C’est ce type de questionnements que soulève l’idée de faire table rase – idée pourtant séduisante, mais qui relève davantage du spectaculaire.
Désaliéner l’expérience collective et individuelle
Tout projet collectif permanent tend à revêtir des normes qui le régulent et assurent sa survie à travers un certain ordre. Pour cette raison, je persiste à croire qu’il ne faut jamais cesser de s’engager dans les structures de pouvoir (figées dans les mandats, chartes ou autres tables de lois directrices). Non pas anéantir l’ancien, mais activer la résistance d’une contre-culture face à celle qui domine le passé et le présent. Il s’agit de confronter l’ordre de la culture dominante plutôt que de le subir, déconstruire ses normes et les réorienter vers un projet plus émancipateur : être productif à contre-courant. Le tout en fonction de l’urgente nécessité de désaliéner l’expérience collective et individuelle.
Pour cela, j’ai bien hâte d’assister à la table ronde de dimanche prochain, un espace public que mettent à la disposition de la communauté les membres de Complot afin de repenser le projet et de prendre part à son évolution. Une initiative brillante et nécessaire, à laquelle prendront part Marc-Antoine K. Phaneuf et Jonathan Demers (l’un ayant collaboré à plusieurs éditions de Complot, et l’autre ayant fondé le projet en 2003). D’ici là, je vous invite à visiter cette exposition fort remarquable.
——
Complot X – Dégât : constat de décès
Édifice Grover (2065 Parthenais, métro Frontenac)
Tous les jours jusqu’au 29 mai entre 12h et 17h.
Table ronde dimanche le 26 Mai à 14h, suivi d’un finissage dès 16h
Article par Alexandre Poulin – Étudiant à la maîtrise en histoire de l’art (UQAM), poursuivant des recherches sur la dépense improductive, le gaspillage et la décroissance en art actuel.