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17-03-2025 Vol 19

Gentiane MG. Pianiste montréalaise d’adoption et compositrice d’exception

C’était un vendredi 13 juillet que le Gentiane MG Trio a foulé la scène réaménagée du renommé club jazz de Montréal le Dièse Onze. Le trio n’a visiblement pas été frappé de malchance alors qu’il nous a livré une solide performance alliant passion, talent, compositions de grande qualité et équilibre.

Gentiane Michaud-Gagnon (crédit photographie : Nicolas Debrosse)

Quelques minutes passé 19h, trois musiciens montent sur la scène du Dièse Onze. Derrière la contrebasse, Levi Dover prend place. À la batterie, nous retrouvons Louis-Vincent Hamel. Puis, au piano, la femme dont le trio porte le nom, Gentiane Michaud-Gagnon. Cette jeune pianiste et compositrice originaire du Saguenay a été récemment nommée Révélation Radio-Canada Jazz pour 2018 et 2019. Si elle a réalisé ses études classiques au Conservatoire de Chicoutimi, c’est de son propre aveu qu’elle a adopté la ville de Montréal pour y vivre (ou y débuter?) sa carrière dans le monde du jazz. C’est au cours de ses études au baccalauréat à l’Université McGill qu’elle rencontre les deux hommes avec lesquels elle formera son trio. Durant sa formation universitaire, elle est nommée deux fois boursière. Elle partagera par la suite la scène avec plusieurs grands noms dont Jim Doxas, Dave Laing, John Hollenbeck et Yannick Rieu.

J’ai eu la chance de voir le Gentiane MG Trio en spectacle au Festival International de Jazz Montréal alors qu’il ouvrait pour Terence Blanchard. Cette performance m’a laissé sur ma faim alors que le trio n’y a performé que quelques pièces avant de céder la scène à la tête d’affiche du spectacle. C’est dans une ambiance plus intime au Dièse Onze que nous avons eu la chance de partager près d’une heure et demie de musique avec le Gentiane MG Trio. Cette petite salle se prête bien au jeu d’ensembles restreints qu’affectionne particulièrement Gentiane. En effet, dès que les premières notes des instruments ont raisonné, l’écoute entre les trois musiciens est devenue palpable. C’est sans s’adresser au public que le trio a exécuté ses deux premiers morceaux, Heavyweight, qui est une composition originale signée par Gentiane, et We See de Thelonious Monk. Pendant la première moitié du spectacle, les musiciens semblent peu communicatifs entre eux. Le visage de Gentiane reste impassible alors qu’elle regarde les touches de son piano, levant quelques fois le regard vers ses collègues pour les écouter ou pour offrir quelques subtiles directives.

Gentiane MG, Levi Dover et Louis-Vincent Hamel (crédit photographie : Nicolas Debrosse)

Ce n’est qu’après les deux premières pièces que Gentiane s’adresse au public pour annoncer la prochaine pièce intitulée Dead End. Le piano y joue un rôle assez central, alors que la contrebasse soutient le piano dans ses grandes envolées. La batterie suit aussi le piano en augmentant l’intensité, mais en restant toujours très mélodique et rythmée dans son jeu. Après Dead End, Gentiane s’adresse au public pour présenter ses musiciens. Ce qu’elle oublie presque de faire avant de réitérer son amour pour la composition et la performance, spécialement au sein d’un ensemble qui perdure à travers le temps. La pianiste a ensuite annoncé les prochains morceaux, Comeback, Wonderland et Unbearable, qui forment une suite qui, malgré l’équilibre toujours aussi important dans les compositions de Gentiane, prend une tournure quasi-épique rappelant la formation classique de Gentiane. J’affectionne particulièrement le premier morceau de cette suite, l’excellent morceau Comeback dont la mélodie principale n’est pas sans rappeler l’introduction du thème de la série animée Peanuts. Cette pièce qui sert d’introduction à la suite de trois pièces qui s’imbriquent subtilement les unes dans les autres commence avec une mélodie de piano entraînante qui est par la suite répétée à travers la pièce et intégrée à une progression fluide. Comeback reste un réel coup de cœur pour moi !

À travers sa suite, Gentiane communique peu ses émotions par son visage, mais laisse son corps exprimer sa passion pour sa musique, ponctuant ses notes en sautillant sur son banc alors que ses pieds, même lorsqu’ils ne touchent pas aux pédales, sont constamment en mouvement. Dans les plus intenses moments de concentration, son visage reste impassible alors qu’elle ferme parfois les yeux pour se concentrer sur sa musique et sur le son des instruments de Levi Dover et Louis-Vincent Hamel. Ce dernier brille durant le second morceau de la suite alors qu’il joue un solo plutôt non-conventionnel dans un jeu planant. Il intègre à son jeu de petites clochettes enroulées autour de son hi-hat ainsi qu’une cymbale placée sur un de ses tambours et qu’il remplace plus tard dans le spectacle par un petit gong. Lorsque les autres se joignent à lui, il réinsère certaines rythmiques de son solo à l’ensemble avant de céder tranquillement sa place au piano.

Gentiane MG (crédit photographie : Nicolas Debrosse)

Après un bref entracte, le Gentiane MG Trio reprend la scène et offre quelques pièces plus planantes aux mélodies aériennes. Lorsque Gentiane entame seule l’introduction de Road to Nowhere, pièce plus douce, elle se recroqueville au-dessus de son piano, le regard rivé sur les touches. La pièce suivante est plus intense et on voit la complicité entre les musiciens s’afficher de plus en plus. In Another Life, tirée du premier album du trio, est très rythmée et permet aux musiciens de montrer tout leur talent. Si l’œuvre de Gentiane brille habituellement au niveau de la composition, cette pièce permet aux musiciens de montrer leurs grands talents techniques et toute la maîtrise qu’ils ont de leur instrument. Gentiane se permet alors quelques sourires dirigés vers ses collègues et ponctue les notes qu’elle joue au piano d’expressions faciales très communicatives.

Le choix des pièces pour la suite offrait un contraste entre pièces plus douces et pièces plus vigoureuses, mais toutes offrent le même degré de passion. Le jeu de Gentiane captive l’attention particulièrement durant sa composition KO qui débute par un solo de piano. La saguenéenne semble voguer sur sa musique alors qu’elle se balance au rythme des sons produits par son piano.

Gentiane MG Trio (crédit photographie : Nicolas Debrosse)

Les trois musiciens ont conclu le concert sous une lumière plus tamisée avec les excellentes pièces Fool’s Gold et Empty Canvas tirés de l’album à venir du trio. Le piano et la batterie offrent un soutien subtil à la contrebasse dans Fool’s Gold, démontrant de nouveau l’équilibre si important aux compositions de Gentiane Michaud-Gagnon. Cette dernière a par la suite remercié le public avant de quitter la scène en souriant avec ses deux collègues.

Le Gentiane MG Trio a su offrir une performance d’une grande qualité qui annonce un avenir prometteur pour le groupe ainsi que pour sa compositrice et pianiste, Gentiane Michaud-Gagnon. La pianiste aujourd’hui âgée de 27 ans prouve à chacune de ses présences sur scène qu’elle a ce qu’il faut pour se tailler une place à long terme dans la scène jazz canadienne et, souhaitons-le-lui, dans la scène jazz internationale.

Article par Dominique Fréchette. Codirecteur éditorial, diplômé à la maîtrise et au baccalauréat en science politique à l’Université du Québec à Montréal.

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