La peur de vieillir est un thème qui revient dans toutes les œuvres de Ducharme; œuvres dont on ne se lassera jamais. À quelle heure on meurt ?, cette nouvelle pièce inspirée du roman Le nez qui voque, emploie un langage commun : des comportements enfantins, un monde nouveau qui se créé. On se fait prendre au jeu durant un peu plus d’une heure, tombant ainsi dans un univers complètement loufoque, absurde et nécessitant un esprit qui n’a pas peur de l’ouverture.

L’univers de Réjean Ducharme est pratiquement intouchable. Lorsqu’on y ajoute une mise en scène d’un artiste aussi prometteur que Frédéric Dubois, il est pratiquement impossible de s’attendre à un résultat décevant. Selon un brillant collage de Martin Faucher, la pièce est basée, comme on l’a dit plus haut, sur le roman Le nez qui voque. Elle résume la vie de deux adolescents qui décident de mener à terme un pacte de suicide (purement symbolique), avant d’atteindre l’âge adulte. Ils vont aller jusqu’à se construire un monde à eux qui nous emportera, nous aussi et malgré nous. Ces deux personnages, comme dans le reste de l’univers de Ducharme, refusent de prendre part à un monde superficiel, sans but. Ils préfèrent demeurer dans celui de l’enfance.
Afin de multiplier la voix, la portée et l’impact de ce texte, on a fait le choix d’une distribution plus élaborée. Ainsi, ce n’est pas seulement deux personnes qui interpréteront Milles Mille et Chateaugué, mais plutôt dix personnes : cinq filles qui jouant Milles Mille et cinq gars incarnant Chateaugué. Une bonne idée, malgré les quelques difficultés à se concentrer en même temps sur les actions de tout un chacun. Un autre bémol : ces quelques répliques en harmonie ratées. Le résultat un peu décevant, pourrait par moments, faire décrocher le spectateur.

Comme enracinée dans la vie de Frédéric Dubois, la pièce se veut simple, festive, mais surtout singulière, à sa manière. Elle nous emporte dès le début par une mise en scène déjantée. On détermine dès le début de la pièce, par une pige, qui aura la chance d’incarner la scène finale. Le résultat est intéressant, car cette entrée en matière nous permet de nous mettre dans l’ambiance et de nous pousser à interagir. Malheureusement, à l’issue de la pige, le spectateur ne pouvait que remarquer le regard déstabilisé de la comédienne pigée (Catherine Paquin-Béchard), dénotant un certain manque de confiance. C’en est suivi une impression de malaise dans l’assistance, particulièrement lors de la scène finale.
Les chorégraphies de Frédéric Dubois évoquaient désillusion et soulignaient la lourdeur du sujet traité. La scène, sans artifice, avait été choisie ainsi pour nous mettre dans l’ambiance d’un monde où le beau n’est pas ce qui est parfait et impeccable. La simplicité de ce qui se retrouve sur scène nous laisse sans défense face au monde cruel et sans pitié qui nous attend à l’extérieur. Mieux vaut rester enfermer dans cette pièce où l’on se sent à l’abri de tous ces tourments externes, de cette abdication collective dont semble faire preuve la société contemporaine. Malgré les quelques embûches que la troupe a rencontrées, on préfère s’enfermer dans le monde particulier de Réjean Ducharme et continuer à rêver plutôt que d’accepter la cruauté du monde.
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À quelle heure on meurt? À partir du collage de Martin Faucher du 13 au 30 mars à la salle Fred-Barry du théâtre Denise-Pelletier. M.E.S. Frédéric Dubois.
L’entrevue de l’Artichaut avec Frédéric Dubois au sujet d’À quelle heure on meurt.
Article par Jennifer Pelletier. Étudiante en communication et politique. Amatrice de théâtre.