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15-05-2025 Vol 19

Marie Davidson : de l’électro-pop haut en couleur

Peu amatrice de l’électro, je me suis quand même laissée transporter dans l’univers électro-pop de Marie Davidson, dans le cadre de la première d’une série de trois représentations de son spectacle haut et en couleur Bullshit Treshold, qui avaient lieu du 14 au 16 février, à La Chapelle.

Marie Davidson – Bullshit Treshold (crédit photographie : Caroline Hayeur)

À partir de matériel hardware, Marie Davidson joue sa propre musique qui trouve écho sur scène dans les projections réalisées en direct par John Londono et Gonzalo Soldi. C’est devant une salle comble qu’elle a pu performer, passant du chant à la danse, à la théâtralité, à la musique. Basés sur son expérience personnelle, les textes de Marie Davidson, parfois écrits en anglais, parfois écrits en français, sont percutants.

Davidson, qui aime s’adresser au public, n’hésite pas à lui faire part de ses questions qui semblent parler directement à la génération Y : « Est-ce que j’ai l’air louche ? », « Suis-je une mauvaise personne ? », « C’est l’enfer, c’est ma vie. », « Il est où le after ? ». De banales à profondes, je suis sûre qu’au moins une de ses remarques a réussi à toucher le cœur de chacun des spectateurs dans la salle.

Pendant la représentation, qui a duré un peu plus d’une heure, la jeune artiste, vêtue d’un long chandail blanc, n’a cessé de me surprendre. Dès le début, j’ai été étonnée de constater que la projection en noir et blanc sur la scène, qui ressemblait étrangement à celle de gens bien installés dans leurs sièges à regarder un film au cinéma, était en réalité la projection de la salle La Chapelle, projection où je pouvais me voir moi-même assister au spectacle. Et quelle ne fut pas ma surprise en apercevant Marie Davidson, assise au beau milieu de l’auditoire, commencer à s’adresser au public en anglais, sur un rythme de fond électro. « What’s so wrong? » répétait-elle, espaçant ses questions par d’autres propos et anecdotes. Oui, qu’y a-t-il de si insolite à voir une artiste à la place des spectateurs ?

(Crédit photographie : Caroline Hayeur)

M’attendant à ce que l’artiste reste au milieu de la scène à la manière d’un DJ, arrangeant live sa propre musique à partir d’un synthétiseur, Marie Davidson m’a encore une fois prise au dépourvu en apparaissant soudainement en petite robe noire, puis en se mettant à chanter et à danser sur sa chanson Adieu au dance floor, se promenant dans la salle, enchaînant mouvements de bras et de jambes.

Les images cinématographiques, allant du noir et blanc aux teintes thermiques rouges et vertes, s’agençaient parfaitement avec les musiques rythmées de Marie Davidson et donnaient de l’ampleur au son. Ce fut avec ravissement que j’ai accueilli l’absence de projection pendant une courte pièce de l’artiste ; un seul projecteur l’illuminait, créant une immense ombre d’elle-même sur l’écran. Ce décor minimaliste accentuait l’effet déjà effrayant et glauque de sa chanson I got sunshine in my face. La jeune femme, allongée sur le dos sur deux amplificateurs posés en avant-scène, la tête penchée vers le bas et face au public, ne cessait de répéter le même refrain : « I know it takes a while, for the darkness to comeback, nobody escapes the night », le tout dans un rythme lent. Maîtresse du micro, elle a invité le public dans son monde claustrophobe de verre brisé et de tunnels ; une projection reflétait des images psychédéliques de la chanteuse en arrière-plan, rappelant les films apocalyptiques. Elle a ensuite amené le spectateur dans un univers haut en couleur ; des projections rouges et vertes à l’écran, un rythme intense, Davidson s’est adressée au public en courtes phrases fragmentées : « bin oui, c’est normal d’avoir peur », « trois trous dans l’estomac ».

(Crédit photographie : Caroline Hayeur)

J’ai particulièrement aimé quand, dos au public, Marie Davidson s’est mise à danser sur sur les amplificateurs posés à l’avant. Seules ses jambes étaient présentées à l’écran, amplifiant l’effet immersif de sa musique qui donnait envie de danser. Cette image contrastait avec les autres projections du spectacle où elle apparaissait souvent de face en plan mi-moyen.

C’est tout en douceur qu’elle a complété son spectacle. Elle, qui au cours de la soirée avait habitué l’audience à ses remarques sarcastiques et parfois violentes, a terminé son spectacle tout en musicalité : seul le doux son du synthétiseur, jumelé au rythme de son drum machine, se faisaient entendre. C’est en réalité la projection, présentant Marie Davidson et son matériel hardware vus de hauts, qui donnaient du rythme à la chanson : une projection qui bougeait, qui s’animait et se multipliait selon les sons.

(Crédit photographie : Caroline Hayeur)

Marie Davidson a réussi, avec son spectacle Bullshit Treshold, à transporter l’audience dans son univers de son et d’images, tout en alternant entre la théâtralité, le dialogue et la musique. Encore peu présente sur la scène montréalaise, elle est en bonne voie de s’attirer les fanatiques de performances et d’électro. Ce n’est pas seulement sa forte présente scénique, mais aussi sa capacité à jongler entre le son de synthétiseurs, de séquenceurs et des drums machines pour créer une musique techno captivante, qui lui permettra de charmer un plus grand public.

Article par Marie-Andrée Labonté-Dupuis.

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